Nostalgie. L'Union soviétique a disparu en 1991, mais le président russe est bien décidé à la faire revivre. Pas seulement en annexant la Crimée, mais en agitant les symboles et en restaurant le GTO, l'éducation physique à caractère militaire.
Emmanuel Grynszpan | Publié le 05.04.2014, 09h16
Vladimir Poutine, qui veut élever la Russie au rang de superpuissance, utilise tous les leviers pour encourager le culte du soviétisme. | (AP/Alexander Zemlianichenko.)
Après vingt ans d'errements idéologiques, le Kremlin revient à ses anciens modèles. Un peu d'emprunts à l'époque tsariste, beaucoup à l'époque soviétique. Le culte de la victoire de 1945 prend de plus en plus d'ampleur. Chaque année, le Kremlin finance une dizaine de longs-métrages glorifiant les soldats de l'Armée rouge. Tout bon patriote se doit d'accrocher à sa voiture ou d'épingler à sa veste le ruban de Saint-Georges orange et marron, autrefois la plus haute décoration militaire soviétique. Le culte de Staline reste limité aux plus radicaux (dont, paradoxalement, des hiérarques orthodoxes), mais le dictateur est de plus en plus décrit comme un bon gestionnaire dans les nouveaux manuels d'histoire. Un leader qui a su conduire le peuple à la victoire et a industrialisé le pays. Et tant pis pour les dizaines de millions de morts que le stalinisme a provoqués... Quant à Lénine, dont la momie reste exposée dans le mausolée de la place Rouge, plus personne n'ose aujourd'hui réclamer son enterrement.
Les opposants qualifiés de « traîtres à la patrie »
Le culte du soviétisme est encouragé depuis le sommet. Dans une autre phrase célèbre, Poutine avait déclaré que la « désintégration de l'URSS [était] la plus grande catastrophe géopolitique du XX e siècle ». Le président russe n'évoque jamais le goulag, le pacte germano-soviétique ou la persécution des dissidents. En revanche, il réclame le retour du GTO soviétique, c'est-à-dire l'éducation physique à caractère militaire, désormais obligatoire pour les jeunes. Il fait l'éloge du Komsomol, la fameuse organisation des jeunesses communistes, ressuscite l'ordre des Héros du travail. Bref, il se fait le chantre de l' Homo sovieticus. Il a restauré l'hymne de l'URSS (avec de nouvelles paroles) et a même commandé une ZIL (berline des dirigeants de l'époque) dont la production a cessé il y a trente ans.
La forme la plus agressive du néosoviétisme s'observe dans les médias sous contrôle de l'Etat. La télévision diffuse des discours de haine envers l'Occident et reconstitue la mentalité de forteresse assiégée existant à l'époque de l'URSS. De même qu'un unanimisme articulé sur le mépris pour les opposants, qualifiés par les journalistes du pouvoir de « traîtres à la patrie » ou « d'espions de la CIA ». Poutine n'encourage pas seulement la nostalgie de l'URSS, il cherche à la restaurer dans les esprits.
Le Parisien 05 04 14