Éric Zemmour a raison de considérer l’ennemi pour ce qu’il est. Il a tort de trop le considérer, d’en faire un égal.
Éric Zemmour est-il un apologiste du terrorisme ? La réponse est évidemment non. Toujours prêts à tomber sur Éric Zemmour, médias, politiques et juges ont encore saisi une occasion de faire un mauvais procès au polémiste. En cause, un entretien accordé au magazine Causeur dans lequel l’ennemi public numéro un affirmait « respecter les djihadistes prêts à mourir pour ce en quoi ils croient ». Si cette phrase n’a rien d’une déclaration d’amour au terrorisme, elle pose toutefois un autre problème, à mon sens tout aussi grave. Par ailleurs, elle s’inscrit dans un air du temps dit « néo-réac » qui montre de plus en plus ses limites. Dans un même ordre d’idées, Madeleine de Jessey, de Sens commun, écrivait immédiatement après les attentats du Bataclan : « Nos enfants ne résisteront aux sirènes de l’islamisme qu’à la condition d’être intégrés à une civilisation qui réponde à l’exigence de leurs aspirations. Il est temps de leur donner un idéal. »
Ces deux situations illustrent l’impuissance d’une partie de la droite à appréhender correctement les phénomènes qui nous affligent. Non, des gens capables de se faire sauter le caisson au milieu d’une foule d’innocents un soir de 14 Juillet ne sont pas respectables. Ils ont envie de mourir parce qu’ils n’aiment pas la vie terrestre. Leur idéal est ailleurs. Le vrai courage consiste à affronter la mort en ayant peur de ce qui peut advenir. Le reste tient de l’inconscience. Éric Zemmour a, néanmoins, raison de prendre au sérieux les motivations des djihadistes. Contrairement à ce qu’affirment quelques psycho-sociologues gauchistes, les terroristes sont mus par des croyances politiques et religieuses. Ils servent un idéal et ne sont en rien des « paumés ».
Quant aux fameux idéaux alternatifs invoqués par des dames patronnesses en mal de sensations fortes, ils ne valent pas mieux que les discours victimaires propres à la deuxième gauche. Le terrorisme islamiste en France prospère sur le terreau fertile d’une jeunesse qui hait la France, qui la méprise et la pense faible. Il maquille le ressentiment d’ignares en romantisme postmoderne et martial. L’invocation du mantra républicain n’y pourra pas grand-chose de plus que les discours « néo-réacs » et « déclinistes ». En respectant ce qui n’est pas respectable, on ne fait pas œuvre de compréhension mais de fascination.
Négation de la condition humaine, l’islamisme inverse la proposition d’Antonin Artaud pour qui « toute humanité veut vivre, mais elle ne veut pas payer le prix et ce prix est le prix de la mort ». Les djihadistes ne veulent pas vivre. C’est ce qui les éloigne irrémédiablement du domaine des vivants et fait d’eux des zombies. Doublement, parce qu’ils sont aussi les produits des errements présents de nos sociétés que décrivait Louis Pauwels dans son Monôme des zombies. Laxistes, les pouvoirs publics se sont montrés incapables de châtier ceux qui le méritaient quand il était encore temps de les redresser.
Éric Zemmour a raison de considérer l’ennemi pour ce qu’il est. Il a tort de trop le considérer, d’en faire un égal. Toutes les cultures ne se valent pas. Toutes les guerres ne sont pas aussi légitimes moralement. Quand nous refusons d’admettre que les sains préjugés fondent les grandes civilisations, nous perdons. Chaque parcelle de notre âme collective est supérieure à la leur. Il est même inutile de s’abaisser à le prouver.
BV