Les Moscovites, en état de choc après le double attentat qui a fait 38 morts dans le métro de la capitale, ont rapidement entendu des déclarations de leurs dirigeants, aussi ferme l'un que l'autre. Le président Dmitri Medvedev a affiché son intention de poursuivre "la politique de la répression de la terreur et de la lutte contre le terrorisme. Nous allons poursuivre les opérations contre les terroristes sans compromis et jusqu'au bout".
Quant au Premier ministre Vladimir Poutine, qui a interrompu un déplacement en Sibérie, il a affirmé: "Les terroristes seront anéantis". Un ton martial qui rappelle celui qu'il avait employé à l'automne 1999, pour le lancement de "l'opération anti-terroriste" de l'armée russe en Tchétchénie après une série d'attentats attribués aux indépendantistes de cette province. Il avait alors promis de "buter les terroristes jusque dans les chiottes".
De son côté, le chef des services spéciaux russes (FSB), Alexandre Bortnikov, a indiqué que "selon la version préliminaire, les attentats ont été commis par des groupes terroristes liés à la région du Caucase du Nord". "Nous privilégions cette version", a-t-il ajouté, cité par les agences russes.
Une vengeance des "veuves noires" de Tchétchénie?
Le service de presse du FSB et le maire de Moscou, Iouri Loujkov ont par ailleurs affirmé que ces attaques auraient été commises par des "femmes kamikazes", équipées de ceintures d'explosifs. Pour les Russes, cette annonce ressemble à une signature: celle des "veuves noires", des militantes tchétchènes ainsi surnommées car elles commettent des attentats suicide pour venger leurs proches.
Pour un certain nombre d'experts, cette double attaque, sur fond d'opérations d'envergure dans le Caucase russe visant la rébellion islamiste, constituerait bien une vengeance à l'égard des forces russes. L'une des explosions a d'ailleurs été déclenchée dans la station Loubianka, juste en-dessous du siège du FSB sur la place qui porte le même nom.
Les menaces des rebelles s'étaient intensifiées depuis la mort de deux de leurs leaders emblématiques. Mercredi dernier, les forces de l'ordre ont abattu un proche allié du chef tchétchène Dokou Oumarov, Anzor Astemirov, responsable notamment d'une attaque en octobre 2005 en Kabardino-Balkarie (Caucase du Nord) qui avait fait plus de 100 morts. Et le 6 mars, le FSB a annoncé avoir abattu en Ingouchie (Caucase russe) un autre chef de la guérilla islamiste, Saïd Bouriatski, auteur selon les services secrets de l'attentat contre le train Nevski Express le 27 novembre, qui avait fait 28 morts.
Les violations des droits de l'Homme renforcent la base du terrorisme
Selon le centre américain d'analyse spécialisé IntelCenter, "la version la plus probable est que l'Emirat du Caucase dirigé par Dokou Oumarov est derrière" les explosions à Moscou. Ses membres ont menacé à deux reprises ces derniers mois de s'en prendre "à des civils russes à domicile", note-t-il. "Ce groupe a à la fois démontré sa capacité à mener ce genre d'attentat et en a exprimé l'intention", relève-t-il dans une note.
Mais les explosions du métro démontrent aussi l'échec de la stratégie gouvernementale. "Les combattants caucasiens pratiquent depuis 2007 l'islam le plus extrémiste, mais leur terrorisme canalise un mécontentement" général de la population, dont "les droits sont régulièrement foulés aux pieds", estime Oleg Orlov, directeur de l'ONG Memorial.
"Malgré les efforts du pouvoir pour établir un dialogue avec le Caucase du Nord, il n'y a toujours pas de changements visibles dans cette région", note Grigori Chvedov, chef du portail d'informations indépendant kavkaz-uzel.ru. "Les droits de l'Homme y sont toujours violés (...) ce qui renforce la base du terrorisme", dit Chvedov qui affirme craindre une poursuite des actes terroristes en dehors du Caucase.
L'Express - 29 mars 2010