On pensait que cette maladie sexuellement transmissible appartenait au passé. C'est faux : en France, on recense désormais près de 500 nouveaux cas par an.
Christine Mateus | | MAJ :
Elle est suggérée partout dans les romans du XIXe siècle, sans jamais être citée. La syphilis était la maladie de la honte, celle dont on ne parlait pas, ou seulement en ces termes : « vérole », « mal de Naples »... De grands écrivains, des peintres, des musiciens en sont morts, ce qui donne à cet ancêtre des infections sexuellement transmissibles un petit côté suranné.
Pourtant, la maladie est toujours d'actualité, et qui plus est en recrudescence en France, même si aujourd'hui on sait la soigner.
On pensait, à tort, que les antibiotiques avaient eu raison de cette infection qui, si elle n'est pas traitée, peut entraîner des lésions de la peau et des muqueuses pouvant toucher de nombreux organes, des complications sur le cerveau, les nerfs, le cœur et les yeux. La syphilis est due à une bactérie, le tréponème pâle, qui se transmet lors de rapports sexuels non protégés (si l'on ne prend pas en compte les transmissions materno-fœtales). Les premiers cas sont réapparus en 1999, et « l'augmentation est constante et progressive », annonce Florence Lot, responsable de l'unité VIH, hépatite B et C à l'Institut de veille sanitaire (InVS). Il existerait aujourd'hui environ 400 à 500 nouveaux cas déclarés par an.
Le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a récemment indiqué avoir diagnostiqué une quarantaine de personnes porteuses de la maladie en 2015, contre en moyenne deux cas par an pendant les années précédentes. « Nous avons un nombre plus important de cas au niveau national, c'est certain. Toutefois, la raison pour laquelle certains hôpitaux ont davantage de personnes se présentant avec la syphilis est sans doute dû aussi au fait que le traitement de référence, l'Extencilline, n'est plus commercialisé par Sanofi depuis 2014 et donc plus disponible en pharmacie. Les malades doivent désormais se tourner vers le Sigmacillina, fabriqué par un laboratoire italien qui n'est accessible qu'à l'hôpital », poursuit Florence Lot. Hasard du calendrier, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient d'annoncer la disponibilité dans quelques semaines d'un remplaçant français de l'Extencilline qui sera bientôt dans les pharmacies.
«Hausse des pratiques à risque»
Le groupe interassociatif TRT-5 (traitements & recherche thérapeutique) qui rassemble neuf associations dont Aides et Act Up, confirme : « Oui, il y a une recrudescence des cas, de toutes les infections sexuellement transmissibles d'ailleurs, comme la chlamydia. Il ne s'agit pas de l'ampleur de la syphilis de la fin du XIXe-début XXe, mais les médecins avaient perdu l'habitude de la diagnostiquer, et c'est revenu à l'ordre du jour. » Pourquoi ? « On le doit à la hausse des pratiques à risque, en particulier chez les homosexuels masculins. Les enquêtes le démontrent dès 1997 », ajoute Florence Lot. Cette maladie touche en effet essentiellement la communauté gay masculine avec 84 % des cas, dont près de 40 % sont aussi séropositifs. Mais il existe aussi une légère tendance à une augmentation chez les hétérosexuels. Et les intervenants rappellent que le préservatif reste la seule protection contre ce mal, puisqu'il n'existe ni vaccin ni traitement préventif.
Pendant la seule année 1860, la syphilis avait tué 120 000 personnes en France. Pendant longtemps, cette grande meurtrière a emporté avec elle des grands de ce monde.
L'auteur de « Bel-Ami », Guy de Maupassant, est mort à 42 ans en 1893 d'une paralysie générale liée à une syphilis contractée seize ans plus tôt. Il écrit : « J'ai la vérole ! Enfin la vraie, pas la misérable chaude-pisse, pas l'ecclésiastique cristalline, pas les bourgeoises crêtes de coq, les légumineux choux-fleurs, non, non, la grande vérole, celle dont est mort François Ier. » La syphilis était une maladie démocratique qui n'hésitait pas à s'attaquer à la royauté : elle a en effet coûté la vie à François Ier, qui s'est éteint à 53 ans (en 1547) après neuf ans d'atroces souffrances. Elle a détruit ou fragilisé aussi des poètes et écrivains comme Baudelaire, Rimbaud, Flaubert, Feydeau, des peintres tels Gauguin ou Toulouse-Lautrec. Chez les musiciens : Mozart, Beethoven, Paganini, Schubert, Schumann...
Les hommes politiques n'ont pas non plus été épargnés, comme Lénine, Mussolini et Staline. On en guérissait aussi. Ce fut le cas en 1915 pour la femme de lettres danoise Karen Blixen, connue pour avoir écrit « la Ferme africaine » dont est tiré le film « Out of Africa ».
Commentaires
Comme quoi les immigrés n’arrivent pas chez nous les mains vides !
Chère Gaëlle, vous avez mis la photo d’un portrait de Schubert, ce génial musicien, si attachant, à l’égal de Mozart par l'importance et la qualité de son oeuvre, mais qui est encore largement méconnu.
La syphilis a été importée en Europe, au XVIème siècle, par les premiers conquistadors qui ont été contaminés les Amérindiens. Vers 1970-1980 cette maladie avait disparu en France grâce à la prophylaxie de notre médecine. Et elle a brusquement réapparue au début des années 1990, et depuis elle ne cesse de se développer.
ces maladies émigrent aussi....?.......GAUTHIER MICHEL