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  • À Angoulême, l’incroyable découverte de gravures d’animaux vieilles de 14 000 ans

    ociété|V.G.|05 juin 2019, 23h31|MAJ : 05 juin 2019, 23h47|1
    Sur la première face, de très fines incisions suggèrent le pelage du cheval. Inrap/Denis Gliksman
     
     
     
     

    Une plaquette en grès comportant plusieurs gravures et datant de la fin du Paléolithique a été découverte au mois de novembre.

     
     
     

    En novembre, les archéologues qui travaillaient sur un chantier de fouilles près de la gare d’Angoulême (Charente) ont eu une belle surprise de dernière minute. Trois jours seulement avant que celui-ci ne prenne fin, ils ont mis au jour une pièce de choix : une plaquette de grès avec des gravures de chevaux et d’autres herbivores vieilles de 14 000 ans. L’annonce de cette découverte a été faite ce mercredi par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

    « Le 20 novembre 2018, nous terminions d’explorer à la hâte les derniers mètres carrés de ce vaste chantier lorsque j’ai trouvé ce morceau de grès », raconte Miguel Biard, archéologue à l’Inrap et responsable scientifique des fouilles. « Ayant vu qu’un de ses bords avait été taillé, j’ai demandé à un membre de mon équipe de la nettoyer délicatement, au doigt, car, lui ai-je dit, “On n’est pas à l’abri d’une gravure” ».

     

     

     

    Voici le site où la découverte a été faite
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    AFP/GEORGES GOBET

     

    Peu après « je l’entends hurler “coach, il y a un bourrin !” ». Laurent Bernard vient de découvrir la silhouette d’un cheval finement gravée sur la pierre. Et ce n’est pas le seul. Au total cinq herbivores sont représentés. La plaquette gravée est en grès siliceux d’origine locale et mesure 25 cm de long, 18 cm de large pour environ 3 cm d’épaisseur.

    Présentes sur les deux faces, les gravures associent motifs figuratifs et géométriques (notamment des rayures). Les silhouettes des herbivores finement dessinées s’entremêlent et il faut l’œil expert des spécialistes pour déterminer les animaux concernés.

    « C’est comme si on avait découvert un alien »

    La gravure la plus visible, celle d’un cheval sans tête, occupe la moitié de la surface de la première face. De très fines incisions suggèrent le pelage. Pattes et sabots sont très réalistes. Il y a aussi un autre cheval, un cervidé, reconnaissable à la forme de ses sabots mais lui aussi sans tête. Et peut-être un auroch. Sur l’autre face, les traits incisés sont particulièrement fins, laissant deviner la moitié postérieure d’un cheval.

     

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    Sur cette face, on devine la moitié postérieure d’un cheval. Inrap/Denis Gliksman

     

    Chez les archéologues c’est la surprise car cette pièce « très naturaliste » a été gravée à la fin du Paléolithique. Elle est datée d’environ 12 000 ans avant notre ère, ce qui correspond à la période dite de l’Azilien. Or « l’art azilien est souvent considéré comme une rupture, il marque un abandon du figuratif au profit de l’abstraction », explique l’Inrap. « Trouver des chevaux et d’autres animaux dessinés à cette période de l’Azilien récent, c’est exceptionnel », estime Valérie Feruglio, préhistorienne spécialiste de l’art préhistorique.

    À l’été 2018, des représentations figuratives avaient été retrouvées sur des plaquettes de schiste gravées du site azilien ancien (daté de 14 000 ans avant notre ère) de Plougastel-Daoulas (Finistère). « Mais là, cela décale de 2 000 ans la persistance des représentations figuratives » dans l’art azilien, ajoute la préhistorienne. « C’est comme si on avait découvert un alien », résume Miguel Biard, cité par Le Monde.

    Sept mois de fouilles préventives

    Les auteurs des gravures d’Angoulême sont des Homo sapiens encore nomades, qui vivent de chasse et de collecte. Ils sont en train de vivre une « transition climatique », avec la fin de l’époque glaciaire et le passage à un climat tempéré, souligne Miguel Biard.

    Alors que les Magdaléniens qui les ont précédés sont de « très grands tailleurs de silex » et excellent dans les représentations figuratives d’animaux, l’Azilien fabrique des outils « moins sophistiqués », rappelle l’archéologue. « Mais la découverte de cette plaquette gravée va permettre de montrer que ce ne sont pas pour autant des êtres frustres : ils peuvent être subtils et délicats », considère-t-il. L’homme qui a dessiné ces chevaux « a une grande sensibilité et connaît bien l’anatomie », ajoute-t-il.

    La plaquette gravée a été trouvée lors de fouilles préventives menées entre le 9 avril et le 23 novembre 2018 sur 4 000 m² dans le quartier de la gare d’Angoulême, avant la construction d’un centre d’affaires. Ces recherches sur prescription de l’Etat avaient déjà révélé trois occupations préhistoriques successives. Quelque 200 000 silex taillés et 400 pointes de flèches avaient été trouvés dans cette zone, site de chasse pour les hommes préhistoriques.

    Le bloc de grès gravé sera présenté au public à Angoulême durant les Journées nationales de l’archéologie (JNA) du 14 au 16 juin.