Le livre jetable s'installe
Le mélange des genres people-politique a accéléré l'apparition d'ouvrages exploitant l'actualité à chaud. Vite écrits et vite fabriqués, ces « quick books » sont de bonnes affaires pour les éditeurs, même à des tirages modestes.
On les appelle « quick books ». Littéralement : « livres rapides ». Vite écrits, vite lus, (souvent) vite jetés, ces ouvrages traitent de sujets d'actualité people, politique ou « peoplitique ». Depuis quelques mois, ils font un tabac en librairie. « Cécilia, la face cachée de l'ex-première dame » (Ed. Pygmalion) s'est vendu à 120 000 exemplaires depuis le 11 janvier. « Carla Bruni. Itinéraire sentimental » (Ed. Privé), sorti le 6 février, s'est déjà écoulé à 97 000 exemplaires. Et « Cécilia » (Ed. Flammarion) s'est arraché à 110 000 exemplaires en un mois et a déjà été réimprimé... Décryptage du phénomène.
Le mélange des genres people-politique a accéléré l'apparition d'ouvrages exploitant l'actualité à chaud. Vite écrits et vite fabriqués, ces « quick books » sont de bonnes affaires pour les éditeurs, même à des tirages modestes.
On les appelle « quick books ». Littéralement : « livres rapides ». Vite écrits, vite lus, (souvent) vite jetés, ces ouvrages traitent de sujets d'actualité people, politique ou « peoplitique ». Depuis quelques mois, ils font un tabac en librairie. « Cécilia, la face cachée de l'ex-première dame » (Ed. Pygmalion) s'est vendu à 120 000 exemplaires depuis le 11 janvier. « Carla Bruni. Itinéraire sentimental » (Ed. Privé), sorti le 6 février, s'est déjà écoulé à 97 000 exemplaires. Et « Cécilia » (Ed. Flammarion) s'est arraché à 110 000 exemplaires en un mois et a déjà été réimprimé... Décryptage du phénomène.
« Le plus amusant - et non moins polluant - c'est qu'il y a de plus en plus de livres sur le même sujet : la présidence de la République, le président et ses femmes - ex ou futures », assure Pierre Féry, directeur délégué des éditions Michel Lafon. Si cette tendance s'explique par le contexte électoral, elle tient aussi, selon Pierre Féry, au « style Sarkozy » : « Avec lui, on ne sait jamais ce qui va se passer le lendemain. Soyons beaux joueurs : cela dope le marché de l'édition et alimente les médias. » Les ouvrages sur l'actualité élyséenne déchaînent les passions. Si les essais, documents et livres d'actualité représentent aujourd'hui 4 % du chiffre d'affaires de l'édition, ce secteur est en forte croissance, notamment auprès des hommes de 35 à 55 ans.
Fabrication accélérée
« Sarkozy président ! » (Ed. du Rocher) est paru le 9 mai 2007, trois jours seulement après le second tour de l'élection. Deux jaquettes avaient été préparées et le dernier chapitre a été rédigé dans la nuit du 6 au 7 mai. S'il s'agit d'un exemple extrême, les éditeurs réduisent de plus en plus leurs délais de fabrication. « Carla Bruni, qui est-elle vraiment » (Ed. Privé) devait sortir pour la Saint-Valentin, le 14 février, mais la parution a été avancée au 6 à cause du mariage présidentiel, célébré le 2.
De même, le Seuil publiera dès le 13 mars « 5 Milliards en fumée, les dessous du scandale de la Société générale », alors que l'affaire a éclaté fin janvier. Aujourd'hui, il peut suffire d'un peu plus de deux semaines pour qu'un manuscrit se retrouve en librairie. « On est sur des économies extrêmement courtes, commente Vincent Wackenheimer, PDG du Rocher. Un clou chasse l'autre. » La preuve avec « les Dames du président » (Ed. du Rocher), sorti en librairie le 17 janvier : l'ouvrage, achevé fin décembre, ne mentionne pas Carla Bruni... « Le planning nous a flingués », assure Vincent Wackenheimer, qui estime que le livre ne s'écoulera « qu'à » 12 000 exemplaires.
Impression top-secret.
Pour des raisons de concurrence, les « quick books »
sont élaborés dans la discrétion. « Je savais que j'avais un livre à défendre en janvier, raconte Gilles Paris, attaché de presse de Cécilia, la face
cachée de l'ex-première dame.
Mais je ne savais pas lequel : on me l'a dit le 3 janvier au soir, soit huit jours avant la sortie du livre.
» Jusqu'au dernier moment, ces ouvrages mystères sont appelés « livres XY ». Pierre Féry refuse ainsi de dire sur quels projets il travaille : « Inutile de donner des idées aux autres », explique-t-il.
Mais je ne savais pas lequel : on me l'a dit le 3 janvier au soir, soit huit jours avant la sortie du livre.
» Jusqu'au dernier moment, ces ouvrages mystères sont appelés « livres XY ». Pierre Féry refuse ainsi de dire sur quels projets il travaille : « Inutile de donner des idées aux autres », explique-t-il.
Des auteurs rapides ou "nègres"
Pour rédiger ces ouvrages, les éditeurs choisissent la plupart du temps des journalistes rodés à l'écriture rapide. Denis Demonpion (« le Point ») et Laurent Léger (indépendant) pour « Cécilia, la face cachée... », Pierre-Antoine Delhommais (« le Monde ») pour « 5 Milliards en fumée... », Christine Richard (« Paris Match ») pour « Carla Bruni. Itinéraire sentimental »... « Il faut que l'auteur soit immédiatement légitime et crédible sur son sujet », avance par ailleurs Pierre Féry. « Il doit avoir des informations vraiment inédites », renchérit Denis Jeambar.
Ephémère mais rentable. Selon Vincent Wackenheimer, « si un roman est tiré à 2 500 ou 3 000 exemplaires en moyenne, un livre politique sort à 15 000 copies en premier tirage ».
A la fabrication, ces ouvrages coûtent entre 1,50 et 1,80 euro par exemplaire. Une fois retirés les droits d'auteur (10 % du prix de vente) et les revenus des distributeurs, les maisons d'édition peuvent donc empocher quelques centaines de milliers d'euros. Mais tous les livres ne se transforment pas en succès. « Quand un ouvrage marche bien, comme le Cécilia d'Anna Bitton, ça assèche le marché », explique Vincent Wackenheimer. Contrairement aux romans, les livres d'actualité ont une durée de vie très limitée : de quelques semaines à quelques mois. Soit le temps que de nouvelles personnalités - ou polémiques - soient sous les feux des projecteurs.
Ephémère mais rentable. Selon Vincent Wackenheimer, « si un roman est tiré à 2 500 ou 3 000 exemplaires en moyenne, un livre politique sort à 15 000 copies en premier tirage ».
A la fabrication, ces ouvrages coûtent entre 1,50 et 1,80 euro par exemplaire. Une fois retirés les droits d'auteur (10 % du prix de vente) et les revenus des distributeurs, les maisons d'édition peuvent donc empocher quelques centaines de milliers d'euros. Mais tous les livres ne se transforment pas en succès. « Quand un ouvrage marche bien, comme le Cécilia d'Anna Bitton, ça assèche le marché », explique Vincent Wackenheimer. Contrairement aux romans, les livres d'actualité ont une durée de vie très limitée : de quelques semaines à quelques mois. Soit le temps que de nouvelles personnalités - ou polémiques - soient sous les feux des projecteurs.
(Le Parisien - 4 mars 08)
Commentaires
Eclairant, je me suis toujours demandé comment on pouvait pondre un livre d'acualité si vite alors qu'un ouvrage sérieux demande des mois d'enquête.
Ces livres jetables ne sont en rien des livres, mais sont bien jetables comme les kleenex de ces dames. Les gogos les achètent par curiosité croyant y trouver des informations croustillantes comme on cherche à leur croire. Mais tout ce qu’ils y trouvent ne sont que des banalités très conformistes et très souvent écrites à l’avance.
je partage les mêmes interrogations que Pharamond, mais que nos journalistes prêtent la main à la pâte permet de mieux comprendre le manière dont ça se passe.