A trois jours du premier tour des élections municipales et cantonales, des informaticiens réunis en association citoyenne ont mis en garde jeudi contre le vote électronique, dont ils mettent en doute le «sérieux».
Alors que 77 villes selon le ministère de l'Intérieur procéderont au scrutin via des machines, le collectif «Ordinateurs de vote» affirme que le vote électronique ne remplit pas toutes les conditions de conformité à la loi électorale et dénonce son «opacité».
L'association dénonce notamment le manque de contrôle extérieur quant à la conformité des machines et la possibilité théorique de comptabiliser une partie des votes enregistrés par un candidat au bénéfice d'un autre.
Mais elle se félicite de la décision en janvier du ministère de l'Intérieur de ne pas accorder à de nouvelles communes l'autorisation de recourir aux machines à voter pour le double scrutin de mars. Le ministère «a compris que les générations de machines actuelles ne garantissaient rien de sérieux», a souligné Jean-Didier Graton, expert consultant en sécurité des technologies de l'information.
«Le vote électronique est encore du domaine de la recherche, il n'est pas au point scientifiquement», affirme Chantal Enguehard, maître de conférences en informatique au CNRS. Le collectif souligne ainsi que le premier fournisseur de machines à vote en France, le néerlandais Nedap, est celui-là même qui équipe les Pays-Bas, pays novateur en la matière en Europe mais où un retour au vote papier est à l'étude en raison des risques d'erreur soupçonnés... C'est un «matériel risible en termes de sécurité», estime François Grieu, expert en cartes à puce. Il note qu'il est ainsi possible pour un informaticien «de modifier le logiciel sans que ce soit détectable» afin par exemple de «transmettre 10% des voix d'un candidat à un autre». M. Graton ajoute que la possibilité théorique existe aussi de «permuter (vers un autre candidat) le vote des déficients visuels», qui doivent s'équiper d'un dispositif supplémentaire.
Commentaires
A chacune des nouvelles élections le nombre de machines à voter électroniques (ou informatiques) s’accroît, car d’une manière générale le pouvoir en place aimerait généraliser ce système de vote. Il est facile de comprendre pourquoi.
En général, pour justifier cet engouement, on invoque la facilité du dépouillement et l’économie qui en résulte. C’est un grossier mensonge car on passe sous silence l’essentiel, à savoir : garantir l’honnêteté du scrutin : authentification du votant, secret du vote, prise en compte effective du vote de chacun, impossibilité de modifier le vote, et possibilités de vérifications ultérieures en cas de contestation.
Mais les machines à voter que les politiciens veulent nous imposer ne peuvent en aucun cas offrir ces garanties. D’abord elles sont susceptibles d’infiniment plus d’erreurs ou de pannes que le vote manuel ; ensuite toutes sortes de manipulations en faveur d’un parti ou d’un candidat sont possibles sans que l’on puisse établir la fraude, ni même la détecter. Il est parfaitement possible pour l’entité organisant un vote électronique (gouvernement ou fabricant des machines) de trafiquer ces machines afin d’obtenir le résultat désiré à l’avance, et ce d’une manière indétectable même lors d’une vérification très poussée. Comme elles suppriment le bulletin de vote ‘papier’ des électeurs, toutes vérifications ultérieures sont impossibles.
Les machines à voter électroniques peuvent être considérées comme la dernière étape avant l’établissement d’un régime totalement dictatorial : un gouvernement qui généraliserait les machines à voter peut s’arranger pour obtenir le résultat qu’il souhaite. Bien plus grave, on sait qu’une élection peut basculer à quelques pour cent près. Il n’est donc pas nécessaire de les installer partout pour inverser le résultat des élections. Le jour où ces machines seront généralisées, il ne sera inutile d’aller voter.