Faudra-il remettre les Taliban au pouvoir pour
stopper la culture du pavot?
Premier narco-État au monde avec une production de 8200 T en 2007, l’Afghanistan non stabilisé après six années d’occupation occidentale, est en passe de devenir un vrai problème mondial.
En 1979 la Révolution des Ayatollahs en Iran met un terme au régime monarchique et simultanément à la production d’opium. Nombre de producteurs et de trafiquants se réfugient alors au Pakistan donnant un nouvel essor à la culture du pavot jusque là marginale dans cette région.
L’Iran passe alors de la position d’exportateur à celle d’importateur ce qui entraîne la création d’un corridor de la drogue entre le Pakistan et l’Iran via l’Afghanistan, route de l’opium qui débouche sur l’Europe et les États-Unis par le truchement des réseaux turcs.
L’Iran occupait en effet jusqu’à la Révolution islamique et depuis longtemps une place centrale dans le trafic de l’opium et de ses dérivés, essentiellement l’héroïne. D’abord en tant que producteur, mais aussi comme seule voie terrestre de transit pour les stupéfiants venant d’Asie du Ouest, notamment du fameux Triangle d’Or situé entre le Laos, la Thaïlande et la Birmanie.
Conjointement, à partir de 1979, la guerre soviéto-afghane va également doper la production dans les zones tribales du Pakistan et intensifier les trafics utiles au financement de la guerre secrète que livre les État-Unis à l’Union Soviétique sous couvert de l’Inter-Service Intelligence (ISI), les services spéciaux pakistanais. Économie de guerre qui transforme profondément la région pour en faire ce que l’on nomme aujourd’hui communément le Croissant d’or.
Peu à peu l’Afghanistan se hisse au niveau de premier producteur mondial. En 1999, l’Afghanistan dont les Taliban ne contrôlent encore que 80% du territoire, produit cette année là 4600 T d’opium. Or le Commandeur des Croyants, Mollah Omar, promulgue en juillet 2000 une Fatwa proscrivant toute culture du pavot. Les résultats sont proprement spectaculaires : la récolte de 2001 chute pour revenir au chiffre dérisoire de 185 T sur lesquelles 35 proviennent des zones sous contrôle Taleb et 150 pour l’Alliance du Nord de Shah Massoud. Mais, dès 2002, un an après la chute du régime islamique, l’Afghanistan d’Hamid Karzaï retrouve avec 3400 T sa première place au palmarès des narco-économies.
Dans un pays dévastée par trois décennies de guerre et alors que les engagements occidentaux en matière d’aide à la reconstruction n’ont été que très partiellement tenus, l’opium - au total 4 milliards de $, soit 53 % du PNB afghan- représente à la fois un moyen de survie pour la paysannerie, laquelle compose l’essentiel de la population afghane, et un prodigieux gisement financier pour les chefs de guerre, les clans mafieux et une administration souvent vénale, toujours embryonnaire et encore soumise aux allégeances tribales.
Si l’on retient les estimations des NU selon lesquelles le volume financier annuel global des narco-trafics se situerait entre 300 à 500 milliards de $, on mesure mieux l’échelle des profits en partant d’un prix d’achat 30 $ au producteur afghan, sachant qu’un kilo de résine de pavot est acheté environ 30$, souvent rémunéré en nature. Négocié dans la région à son entré dans le circuit de transformation et de commercialisation, sa valeur atteint 2400 $, chaque kilo fournit 100 g l’héroïne qui sera revendue « coupée » à 35% de concentration, à 160 $ le gramme dans les échoppes d’Amsterdam et sur les trottoirs de Madrid, de Paris, de Londres ou de Berlin…
Ainsi, en fonction du degré de pureté de la drogue, on parvient à estimer, bon an mal an, que les flux financiers générés par les ventes d’héroïne afghane seraient de l’ordre de 120 à 200 milliard de $ ! Soit selon les Nations Unies au troisième rang mondial des grands produits après le pétrole et les ventes illicites d’armes…
Pour freiner la circulation des narcotiques avant qu’ils n’entament leur route vers l’Europe, la Commission de Bruxelles en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) affecte un budget de vingt millions d’€ par an à des actions de prévention de concert avec l’Iran, rappelons-le sous embargo. Un budget que d’aucuns jugeront bien faible au regard des enjeux réels ! La France, outre sa quote-part financière, a fourni dix chiens flaireurs et la Grande-Bretagne des gilets pare-balles. Antonio Mazzitelli l’un des reponsable de l’Office pour le contrôle des drogues et la prévention du crime (OCDPC) des NU créé en 2007, notait à ce propos « Le Parlement britannique a dû voter une loi spécifique pour permettre l’envoi de gilets pare-balles... Jusqu’aux vaccins des chiens qui doivent être importés. Pourquoi ? Parce qu’un de leurs composants pourrait soit-disant servir à la fabrication d’armes chimiques» !
En Afghanistan même, l'OTAN, principale force d’occupation sous commandement américain, se déclare non directement concernée, limitant son action à soutenir les opérations de l’armée afghane. elle-même gangrenée par le narco-trafic. Celle-ci, pour ses actions de lutte anti-pavot, est encadrée DynCorp, une société américaine de mercenariat. Invités par Washington à pratiquer une politique d’éradication des cultures, les autorités afghanes ont cependant une fâcheuse tendance à ménager leurs affidés au détriment des champs appartenant aux plus démunis. Au final, on découvre que certains membres du gouvernement afghan chargés de la lutte anti-pavot, comptent au nombre des premiers bénéficiaires de sa culture. Alors que le président Hamid Karzaï en appelle à la solidarité internationale pour mener à bien ce combat d’intérêt universel, son propre frère, Ahmed Wali Karzaï apparaît comme l’une des figures dominantes de ce commerce de mort ainsi que le mentionne explicitement l’un des rapports de l'International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres...
Aujourd’hui l'Afghanistan produit 95 % de l'opium mondial, deux fois le quotient nécessaire à satisfaire la demande planétaire. Il est loisible d’imaginer que des réserves stratégiques ont été constituées. Une production qui a doublé en seulement deux ans, pour s’arrêter où ? Plutôt qu’un problème peut-être faudrait-il parler à présent de fléau, un mal aux dimensions du monde global en devenir. Il n’échappera donc à personne que parmi les grandes hypothèques qui pèsent actuellement sur l’équilibre mondial, indépendamment des regains de tensions conjoncturels, l’Afghanistan, devenu grand pourvoyeur de mort blanche, ne soit un vrai problème pour tous.
En 1979 la Révolution des Ayatollahs en Iran met un terme au régime monarchique et simultanément à la production d’opium. Nombre de producteurs et de trafiquants se réfugient alors au Pakistan donnant un nouvel essor à la culture du pavot jusque là marginale dans cette région.
L’Iran passe alors de la position d’exportateur à celle d’importateur ce qui entraîne la création d’un corridor de la drogue entre le Pakistan et l’Iran via l’Afghanistan, route de l’opium qui débouche sur l’Europe et les États-Unis par le truchement des réseaux turcs.
L’Iran occupait en effet jusqu’à la Révolution islamique et depuis longtemps une place centrale dans le trafic de l’opium et de ses dérivés, essentiellement l’héroïne. D’abord en tant que producteur, mais aussi comme seule voie terrestre de transit pour les stupéfiants venant d’Asie du Ouest, notamment du fameux Triangle d’Or situé entre le Laos, la Thaïlande et la Birmanie.
Conjointement, à partir de 1979, la guerre soviéto-afghane va également doper la production dans les zones tribales du Pakistan et intensifier les trafics utiles au financement de la guerre secrète que livre les État-Unis à l’Union Soviétique sous couvert de l’Inter-Service Intelligence (ISI), les services spéciaux pakistanais. Économie de guerre qui transforme profondément la région pour en faire ce que l’on nomme aujourd’hui communément le Croissant d’or.
Peu à peu l’Afghanistan se hisse au niveau de premier producteur mondial. En 1999, l’Afghanistan dont les Taliban ne contrôlent encore que 80% du territoire, produit cette année là 4600 T d’opium. Or le Commandeur des Croyants, Mollah Omar, promulgue en juillet 2000 une Fatwa proscrivant toute culture du pavot. Les résultats sont proprement spectaculaires : la récolte de 2001 chute pour revenir au chiffre dérisoire de 185 T sur lesquelles 35 proviennent des zones sous contrôle Taleb et 150 pour l’Alliance du Nord de Shah Massoud. Mais, dès 2002, un an après la chute du régime islamique, l’Afghanistan d’Hamid Karzaï retrouve avec 3400 T sa première place au palmarès des narco-économies.
Dans un pays dévastée par trois décennies de guerre et alors que les engagements occidentaux en matière d’aide à la reconstruction n’ont été que très partiellement tenus, l’opium - au total 4 milliards de $, soit 53 % du PNB afghan- représente à la fois un moyen de survie pour la paysannerie, laquelle compose l’essentiel de la population afghane, et un prodigieux gisement financier pour les chefs de guerre, les clans mafieux et une administration souvent vénale, toujours embryonnaire et encore soumise aux allégeances tribales.
Si l’on retient les estimations des NU selon lesquelles le volume financier annuel global des narco-trafics se situerait entre 300 à 500 milliards de $, on mesure mieux l’échelle des profits en partant d’un prix d’achat 30 $ au producteur afghan, sachant qu’un kilo de résine de pavot est acheté environ 30$, souvent rémunéré en nature. Négocié dans la région à son entré dans le circuit de transformation et de commercialisation, sa valeur atteint 2400 $, chaque kilo fournit 100 g l’héroïne qui sera revendue « coupée » à 35% de concentration, à 160 $ le gramme dans les échoppes d’Amsterdam et sur les trottoirs de Madrid, de Paris, de Londres ou de Berlin…
Ainsi, en fonction du degré de pureté de la drogue, on parvient à estimer, bon an mal an, que les flux financiers générés par les ventes d’héroïne afghane seraient de l’ordre de 120 à 200 milliard de $ ! Soit selon les Nations Unies au troisième rang mondial des grands produits après le pétrole et les ventes illicites d’armes…
Pour freiner la circulation des narcotiques avant qu’ils n’entament leur route vers l’Europe, la Commission de Bruxelles en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) affecte un budget de vingt millions d’€ par an à des actions de prévention de concert avec l’Iran, rappelons-le sous embargo. Un budget que d’aucuns jugeront bien faible au regard des enjeux réels ! La France, outre sa quote-part financière, a fourni dix chiens flaireurs et la Grande-Bretagne des gilets pare-balles. Antonio Mazzitelli l’un des reponsable de l’Office pour le contrôle des drogues et la prévention du crime (OCDPC) des NU créé en 2007, notait à ce propos « Le Parlement britannique a dû voter une loi spécifique pour permettre l’envoi de gilets pare-balles... Jusqu’aux vaccins des chiens qui doivent être importés. Pourquoi ? Parce qu’un de leurs composants pourrait soit-disant servir à la fabrication d’armes chimiques» !
En Afghanistan même, l'OTAN, principale force d’occupation sous commandement américain, se déclare non directement concernée, limitant son action à soutenir les opérations de l’armée afghane. elle-même gangrenée par le narco-trafic. Celle-ci, pour ses actions de lutte anti-pavot, est encadrée DynCorp, une société américaine de mercenariat. Invités par Washington à pratiquer une politique d’éradication des cultures, les autorités afghanes ont cependant une fâcheuse tendance à ménager leurs affidés au détriment des champs appartenant aux plus démunis. Au final, on découvre que certains membres du gouvernement afghan chargés de la lutte anti-pavot, comptent au nombre des premiers bénéficiaires de sa culture. Alors que le président Hamid Karzaï en appelle à la solidarité internationale pour mener à bien ce combat d’intérêt universel, son propre frère, Ahmed Wali Karzaï apparaît comme l’une des figures dominantes de ce commerce de mort ainsi que le mentionne explicitement l’un des rapports de l'International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres...
Aujourd’hui l'Afghanistan produit 95 % de l'opium mondial, deux fois le quotient nécessaire à satisfaire la demande planétaire. Il est loisible d’imaginer que des réserves stratégiques ont été constituées. Une production qui a doublé en seulement deux ans, pour s’arrêter où ? Plutôt qu’un problème peut-être faudrait-il parler à présent de fléau, un mal aux dimensions du monde global en devenir. Il n’échappera donc à personne que parmi les grandes hypothèques qui pèsent actuellement sur l’équilibre mondial, indépendamment des regains de tensions conjoncturels, l’Afghanistan, devenu grand pourvoyeur de mort blanche, ne soit un vrai problème pour tous.
(Source: Voxnr, 17 mars 2008)
Commentaires
Mais maintenant, l’Afghanistan risque de perdre cette prestigieuse première place : avec les narco-trafiquants que nous allons importer de Colombie, grâce à la bonne Ingrid, la France a toute les chances de lui ravir cette première place !