Placés en garde à vue à Paris, les six hommes arrêtés par les forces spéciales ont commencé à parler aux enquêteurs.
Une «milice de mer» soutenue par des villageois pour qui le Ponant représentait un «eldorado»: les six pirates somaliens, auteurs présumés de la prise d'otages du voilier, ont commencé à raconter leur fortune de mer lors de la garde à vue à Paris.
«On est en présence d'une milice de mer, un gang qui a un chef, est hébergé par des villageois qui les nourrissent et leur fournissent le khat» (une plante euphorisante très prisée dans la corne de l'Afrique), résume une source judiciaire.
Parmi les six Somaliens âgés de 25 à 40 ans entendus par la gendarmerie depuis mercredi matin, deux seraient membres de cette «milice», trois des villageois soupçonnés d'avoir gardé le navire et son équipage pris en otage, le dernier étant le chauffeur du 4X4 à bord duquel ils ont été interceptés par les forces spéciales françaises vendredi.
Début avril, des membres de cette milice empruntent deux barques rapides aux villageois pour aller «à la pêche et défendre leur territoire de mer» face à des milices rivales, selon le récit des Somaliens en garde à vue rapportée par une source judiciaire.
«Ils vont d'abord aborder une navire de pêche yéménite avec 27 marins à bord qu'ils prennent en otage». Le navire devient leur bateau-mère.
Le 4 avril, ils croisent la route du Ponant dans le golfe d'Aden. Pour eux, ce trois-mâts de luxe, «c'est l'eldorado».
A bord d'une embarcation rapide, trois pirates partent à l'abordage, tirent à l'arme automatique quand l'équipage tente de les repousser avec des lances à incendie.
Une autre embarcation avec six autres pirates les rejoint rapidement. Proie devenue sans intérêt, le navire yéménite et son équipage sont libérés.
A bord du Ponant, les femmes de l'équipage sont mises à l'abri dans une cale. Elles n'en sortiront qu'au bout de deux jours, raconte cette source judiciaire, reprenant les premiers témoignages des 30 marins du Ponant.
Un «manuel de bonne conduite» des pirates proscrivant notamment les «violences sexuelles sur les femmes» a depuis été retrouvé par les enquêteurs français à bord du navire.
Le voilier met le cap sur Garaad-Adé, un village du Puntland, province autonome autoproclamée de la Somalie, sous la surveillance discrète des navires de la marine nationale.
Au mouillage deux jours plus tard, 70 villageois se proposent pour garder le bateau et l'équipage. Par peur d'attaques de clans rivaux, des renforts et des mitrailleuses sont amenés à bord.
Au total, entre 20 et 30 pirates et gardiens se succèderont à bord du Ponant où la vie des preneurs d'otages s'organise. Des chèvres sont montées à bord, un méchoui organisé.
Mais la discipline règne: un des pirates tire «par erreur» manquant de peu le médecin du Ponant. Il est immédiatement «renvoyé du bord» par le chef des pirates, selon cette source judiciaire.
Des Sages du village se proposent d'intervenir pour «favoriser la négociation» de la rançon. L'un d'eux est abattu par un gardien, à qui il avait refusé du khat.
La rançon est fixée à deux millions de dollars avec l'armateur du Ponant, la CMA-CGM. Chaque villageois doit recevoir 50 dollars, chaque pirate entre 11 et 20.000.
Les commandos-marine parviendront à récupérer 200.000 dollars de cette rançon à bord du 4X4 intercepté.
La garde à vue des six Somaliens peut se poursuivre jusqu'à dimanche 06H00 avant leur probable présentation à un juge d'instruction en vue de leur mise en examen.
Selon cette source judiciaire, «la chance de capturer les autres pirates est relativement faible».
Il n'y a pas de doute, ces pirates somaliens sont de braves gens!
(Le Parisien 17 avril 2008)
Commentaires
On en apprend de bien bonnes avec ces pirates : ils avaient donc signé une charte de déontologie et d’éthique. Ah, les beaux pirates que voilà ! Ca fait moderne et ils sont bien propres sur eux. Au fait, comment ont-ils étaient capturés ? Et pourquoi uniquement ceux là et pas les autres ? Ils avaient peut-être envie de venir en France : les voyages clandestins sont trop risqués, il vaut mieux la Marine Française !
Enfin, avec notre Président en futur Capitane Crochet, notre nouveau corsaire, nous voilà quatre siècles en arrière : la marche à reculons de notre pays s’accélère !
àabad: on lit vraiment des choses ahurissantes! - Votre commentaire: vous devez m'entendre rire! Il est trop drôle! - mais c'est cela, en plus! Comme on les cajole! les bichonne, ces gens de sac et de corde, à pendre à la plus haute vergue!
Ce qui est curieux, c'est ce qu'un client de la banque a raconté à ma fille! Ce monsieur, français, de 60 ans, est directeur de croisières de luxe. La piraterie est banale, hélas, surtout près de la Thaïlande. Mais les bateaux de croisière ont des parades: par exemple, pas de fêtes quand on leur signale des pirates dans le coin, pas de lumières ou très peu, toutes les échelles relevées, personne sur les ponts, et surtout des "filets de protection" déployés tout autour de la coque pour empêcher de monter à bord. Ces mesures de protection sont très connues, et il s'étonnait qu'on ne les ai pas prises sur le Ponant! Dans une zone connue pour dangereuse. Si les pirates arrivent à monter à bord, toujours bien armés, ils prennent absolument tout, c'est la razzia! Donc, on prend des mesures de précaution, sinon les croisières d'agrément deviendraient impossibles! Ce directeur de croisières repartait (il n'a pas envie de prendre sa retraite, il navigue avec sa femme aux quatre coins du monde, métier fort agréable!) pour la Norvège, les fjords, le grand Nord, et dans ces eaux, on ne risque rien! - mais partout ailleurs, il y a un risque! - Il était surpris de la naïveté des journalistes, de leur ignorance...
Oui Gaëlle, il me semble que cette histoire de piraterie est assez obscure. On n’en parle déjà plus et on ne sait rien des conditions dans lesquelles elle s’est déroulée. Ce que dit ce monsieur organisateur de croisières est des plus intéressant et renforce nos interrogations !
Un «manuel de bonne conduite» des pirates proscrivant notamment les «violences sexuelles sur les femmes» a depuis été retrouvé par les enquêteurs français à bord du navire.
Un livre devrait paraître sous peu s'intitulant"La piraterie pour les nuls" préfacée par Sarkorsaire et approuvé par la commission des droits de l'homme de l'UE.
L'éthique chez les frères de la côte,ce n'est pas un vain mot.
àabad: ce directeur de croisières de luxe, nous savons son nom, c'est un homme très sérieux, qui sait ce qu'il dit. Il a fait plusieurs fois le tour du monde, c'est le témoignage d'un homme de terrain, ou d'océan. Il est responsable, et il ne s'agit pas que des pirates viennent dépouiller les passagers, souvent d'ailleurs étrangers, anglais, américains, canadiens, et fort aisés. L'histoire du "Ponant" l'a laissé perplexe... en homme du métier.