Par ce vote, en effet, la nation française accomplissait ce qu'aucun Etat d'Europe n'avait accompli avant elle. D'autres pays, tels la Hollande, la Suisse, la Rhénanie, la Prusse ou les Etats germaniques, suivirent le même chemin. Certes, tout ne fut pas si simple: les champions de l'émancipation durent batailler ferme à la tribune contre les nostalgiques de l'Ancien Régime et certains députés de la gauche.
Fin des années 1780. Les 40 000 juifs présents sur le territoire n'ont guère les moyens de s'occuper de politique: ils veulent une vie meilleure. Tolérés depuis leur expulsion, en 1394, la moitié d'entre eux se sont regroupés en Alsace et en Lorraine, où les populations locales exècrent ces prêteurs sur gages attachés à leurs traditions religieuses. Les autres, installés depuis l'époque médiévale dans le Sud-Ouest et les Etats du pape - Avignon et le Comtat-Venaissin - jouissent d'un statut plus favorable. A Paris, les juifs ne sont guère plus de 500.
Une mise à l'écart peu conforme à l'idéal égalitaire des Lumières. En 1787, la Société royale des sciences et des arts de Metz lance un concours au sujet inédit: «Est-il des moyens de rendre les juifs plus utiles et plus heureux en France?» Ardent défenseur de la cause des Noirs, l'abbé Henri Grégoire décroche la palme l'année suivante avec son Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs. Nous ne sommes encore qu'au 18ème siècle: les préjugés font rage et le prêtre alsacien n'y échappe pas, dressant un portrait sinistre du peuple hébreu, paré de toutes les tares. Sa conclusion, en revanche, innove: l'abbé met les «dépravations» des juifs sur le compte des humiliations séculières qu'ils ont endurées. Le 28 janvier 1790, les juifs portugais, espagnols et avignonnais obtiennent la citoyenneté. Le plus dur est fait.
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