Le tribunal arbitral ayant tranché en sa faveur, le 7 juillet 2008, le vieux contentieux qui l'opposait à ses banquiers sur la revente d'Adidas, l'État a été condamné à verser à Tapie 240 millions d'euros au titre du manque à gagner, et 45 millions en réparation de son préjudice moral. Le montant à venir représente, lui, les intérêts cumulés sur les sommes dont l'ancien ministre a été privé, selon les arbitres - moins des frais de liquidation estimés à 12 millions d'euros. Au total, Bernard Tapie aura ainsi reçu 333 millions d'euros d'indemnités.
Savant calcul
Mais la totalité de cette somme n'ira pas dans sa poche : au moins 204 millions serviront à rembourser ses dettes, ainsi réparties (sous réserve des contestations en cours) : 162 millions d'euros pour l'ex-SDBO, filiale du Crédit lyonnais ; 31 millions pour le fisc ; 11 millions pour des tiers.
Une fois ces opérations effectuées, le solde - autour de 129 millions d'euros - sera taxé d'un tiers au titre de l'impôt sur les sociétés. Resteront alors 86 millions, sur lesquels l'ancien président de l'OM et son épouse devront encore acquitter l'impôt sur le revenu, dans des proportions qui feront sans doute l'objet de discussions avec l'administration fiscale. Si Tapie parvient à conserver 50 millions, cette somme s'ajoutera, in fine, aux 45 millions déjà reçus en guise de dommages et intérêts - et qui, à ce titre, ne sont pas imposables.
Résultat de ce savant calcul : l'ancien ministre conservera 95 millions d'euros. Pour lui seul ? Non, car il consacrera, de son propre aveu, 23 millions d'euros à régler les frais de procédures et d'avocats que représentent ses quinze années de bataille, finalement victorieuse, contre ses banquiers.
Bernard Tapie a-t-il ou non bénéficié de la bienveillance active de Nicolas Sarközy pour obtenir un arbitrage en sa faveur de 390 millions d'euros dans le contentieux qui l'opposait au Crédit lyonnais ?
La question a été tournée dans tous les sens par de nombreux commentateurs. Aujourd'hui, Denis Demonpion, collaborateur du Point , et le journaliste Laurent Léger tentent d'éclaircir cette énigme dans un livre, « Tapie-Sarkozy, les clefs d'un scandale » (Pygmalion), qui tend à démontrer que le chef de l'Etat n'est pas étranger à la bonne fortune de l'homme d'affaires devenu acteur.
Les auteurs retracent les nombreux points communs de leurs deux héros. Ils se sont connus très tôt, à Neuilly, où Tapie installe le siège social d'une de ses sociétés pour se rapprocher du tout jeune maire RPR. Ces deux espoirs se sont tout de suite plu. Même style conquérant, même culot, même appétit pour ce qui brille. Ils se croisent et se décroisent pendant des années, fréquentant les mêmes milieux argentés, jusqu'à être mêlés à des affaires où la justice mettra son nez. L'un et l'autre minimiseront toujours cette relation à éclipses mais bien réelle.
Arrive le jour où Nicolas Sarkozy, devenu ministre de l'Economie, peut aider son ami qui se débat avec le Crédit lyonnais, accusé par Tapie de l'avoir grugé. Des procédures judiciaires sont en cours, qui pourraient être interminables et moins favorables au patron de l'OM qu'il ne le souhaiterait. Tapie va frapper à la porte de Bercy. Claude Guéant, qui est le directeur de cabinet du ministre, le reçoit discrètement à plusieurs reprises. Enjeu des discussions : persuader le président du CDR, Jean-Pierre Aubert, qui est en procès avec Tapie, de passer plutôt par un processus de médiation. Reçu à son tour, Aubert, estomaqué, se voit suggérer cette solution. L'actuel secrétaire général de l'Elysée confirme avoir joué un rôle : « J'ai eu l'occasion de rencontrer Bernard Tapie. Le ministre de l'Economie de l'époque n'a jamais caché qu'il lui semblait judicieux d'engager une médiation entre les parties plutôt que de laisser se poursuivre une bataille judiciaire dont nous avions tout lieu de penser qu'elle serait sans doute plus coûteuse pour l'Etat. » Une note, transmise par la chancellerie et signée par Jean-Louis Nadal, procureur général de Paris, assurait en effet que le CDR avait « de bonnes chances de perdre ce procès ». La médiation fut donc enclenchée au forceps. Mais elle n'aboutit pas, faute d'accord entre les parties.
Tout était à recommencer pour Tapie. A l'approche de la présidentielle, alors qu'il est toujours en plein procès, il espère obtenir non plus une médiation, mais une procédure d'arbitrage. Il appelle à voter pour le candidat Sarkozy. Depuis quelques mois, il rêve de se rendre indispensable au ministre de l'Intérieur. Il a même organisé un petit déjeuner Place Beauvau réunissant le ministre Brice Hortefeux (avec qui il est très lié) et son copain Bernard Kouchner. Entre les deux tours de la présidentielle, Tapie exulte, « donnant le sentiment que ses affaires iront mieux grâce à Nicolas Sarkozy ». Il dit même, à propos du candidat arrivé en tête : « C'est un peu mon meilleur ami. » Le cours de la justice n'est toujours pas interrompu. Le jugement de la cour d'appel ayant été cassé, il est renvoyé devant une nouvelle formation de cette cour. Pour Tapie, le temps presse.
Le président assume
Dès que Sarkozy est installé à l'Elysée, Tapie vient rendre visite régulièrement au président et à ses conseillers. Claude Guéant, bien sûr, mais aussi François Pérol, qu'il connaît bien et qu'il amuse, et Patrick Ouart, dont il va se faire un allié majeur. Un ami ? « La notion d'ami est un peu excessive. Mais j'ai de bonnes relations avec lui », admet cet influent collaborateur du chef de l'Etat. Interrogé par les auteurs, après qu'a eu lieu le fameux arbitrage finalement obtenu par Tapie, pour savoir si c'est Nicolas Sarkozy qui avait pris la décision, il répond : « J'imagine. Le président assume sa relation avec Bernard Tapie. » Résultat : un beau pactole de 390 millions d'euros.
Le Point - 17 et 19 mars 2009
Commentaires
Bon, moi je ne comprends rien à ces affaires qui me dépassent largement, mais l’an dernier j’avais bien le sentiment qu’il manquait 100 millions à Tapie. Il vient enfin de les obtenir. Je crois qu’il lui manque encore pas mal de millions : il n’a pas, semble-t-il, été indemnisé de toutes ses escroqueries. Il ne tardera donc pas à les toucher.
Heureusement que nous avons un Président absolument honnête et qui paie ses dettes. D’ailleurs qui paye ses dettes s’enrichit : la France vient de s’enrichir de 100 millions supplémentaires : Pas belle la vie ?
Cher abad, je pense qu'il était bon de connaître cette histoire, alors qu'il fustige avec violence et démagogie les "parachutes dorés"... et qu'il devient "socialiste"! Mais pour ses amis, des chèques énormes!