« La solution la plus simple pour les dissimuler »
Pendant plus de sept ans, Véronique Courjault, 41 ans, s’est jouée de tout son monde, affichant une maîtrise absolue de la dissimulation. Elle est ainsi parvenue à cacher trois grossesses à son mari, ses enfants, sa belle-soeur médecin, ses parents, ses amies… Cette fille de modestes viticulteurs du Maine-et-Loire, sixième d’une fratrie de sept, a toujours donné l’image d’une femme timide, mère attentionnée auprès de ses deux fils, nés en mars 1995 et septembre 1996. Elle n’avait que 19 ans quand elle a rencontré Jean-Louis Courjault en 1986 alors qu’ils étaient tous deux étudiants à Tours (Indre-et-Loire). Ils se sont mariés en 1994, quand Véronique a su qu’elle était enceinte. Elle s’est présentée à la cérémonie vêtue de noir, histoire de dissimuler ses rondeurs hors mariage. Elle a attendu plus de cinq mois avant d’annoncer sa deuxième grossesse à son mari.
Malgré leur intimité, cet ingénieur a tout ignoré de la troisième grossesse de son épouse. Véronique Courjault a accouché seule au printemps 1999 avant d’étrangler et incinérer le bébé dans la cheminée de la maison de Charente-Maritime où la famille vivait alors. Un quatrième enfant est né à l’automne 2002, peu après l’expatriation des Courjault en Corée du Sud. Puis un dernier en décembre 2003. Deux garçons qu’elle a étouffés et rangés dans un tiroir du congélateur familial, « solution la plus simple pour les dissimuler ». Elle a expliqué qu’elle « n’y pensait pas chaque fois » qu’elle « ouvrait le congélateur ». Car, « pour moi, ça n’a jamais été des bébés comme Paul* et Alexandre*, ce n’était pas des êtres à part entière », a-t-elle expliqué aux experts psychiatres.
« Cet enfant était de moi : je m’accordais tous les droits »
Véronique Courjault ne sentait pas le « courage » d’élever d’autres enfants. « Puisque cet enfant était de moi, je m’accordais tous les droits sur lui, même celui, extrême, de lui donner la mort », a-t-elle dit pour justifier ses crimes. Le premier collège de psychiatres qui l’a examinée souligne son extrême détachement affectif envers ces bébés, « rejetés comme un objet impur, sans aucun état d’âme ». Pour les docteurs Masson et Puel-Metivier, il ne saurait s’agir d’un déni de grossesse. L’ex-analyste programmeuse a « toujours été parfaitement consciente de ses grossesses ». Et d’évoquer « l’hypothèse » d’un « plaisir secret du pouvoir à donner la vie et la mort ».
Jean-Louis Courjault, qui rêvait d’une famille nombreuse, n’a jamais abandonné sa femme. Après les aveux de Véronique, ils sont tombés en larmes dans les bras. « Ils s’aiment », s’est ému un enquêteur. « Ils forment plus que jamais un couple, malgré la séparation », assure M e Marc Morin, le défenseur du père de famille. Jean-Louis est devenu le meilleur avocat de sa femme : « Les grossesses qui se passent mal, c’est une réalité. Il faut que la société avance. Son jugement sur ces femmes-là doit changer », plaidait-il le jour de son non-lieu. Une union sacrée qui marque, selon les psychiatres, « l’aveuglement et la naïveté » de Jean-Louis Courjault. Il devrait demander à prendre la parole à l’ouverture du procès.
* Les prénoms ont été modifiés
Le parisien - 09/06/09