A l’époque, le Parti communiste n’était nullement entré en résistance contre les Allemands. Le plus connu et le plus représentatif de ses tracts peut se voir au Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne, dont le conservateur est Guy Krivopissko ; il s’agit d’un texte imprimé de deux pages particulièrement denses, titré « Peuple de France ! » et signé « au nom du Comité Central du Parti Communiste Français » à la fois par Maurice Thorez, Secrétaire général, et Jacques Duclos, Secrétaire. M. Thorez, qui avait déserté l’armée française en octobre 1939, séjournait alors dans les environs de Moscou et J. Duclos vivait dans la clandestinité aux environs de Paris. Le texte du tract se trouve reproduit en annexe iconographique et aux pages 165-175 de l’ouvrage de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, Juin 40, La Négociation secrète, Les Editions ouvrières / Les Editions de l’Atelier (Ivry-sur-Seine), 2006 [novembre], 208 p. Plus tard nommé « Appel du 10 juillet », le texte aurait plutôt été rédigé et distribué « dans la deuxième quinzaine de juillet » (p. 175) et aurait connu par la suite une très vaste diffusion.
Pas un seul instant, le contenu du tract ne vise les Allemands. Au contraire, il constitue une sorte de codicille français ajouté au « Pacte germano-soviétique », pacte expressément nommé et invoqué. Implicitement il constitue une offre de collaboration directe avec les autorités allemandes par-dessus la tête des autorités de Vichy. Il dénonce les terribles conséquences des « gouvernements indignes » qui ont voulu la guerre contre l’Allemagne et qui sont responsables de la défaite et de l’occupation qui s’en est suivie. Ces responsables sont Daladier, Reynaud, Blum et Mandel qui « ont poussé la France à la guerre pour servir les intérêts des ploutocrates » [entendons : des ploutocrates anglais et français], pour « écraser le peuple et porter les armes contre l’URSS, pays du socialisme (envoi de matériel de guerre aux gardes blancs finlandais et constitution de l’armée Weygand en Syrie) ». On lit encore : « Seul, debout dans la tempête, fidèle à sa politique de paix, notre Grand Parti Communiste s’est dressé contre la guerre, comme il s’était dressé seul contre l’occupation de la Ruhr par Poincaré [1923-1924] parce qu’il a toujours été CONTRE L’OPPRESSION D’UN PEUPLE PAR UN AUTRE PEUPLE ». Le tract évoque « la France enchaînée au char » non pas de l’Allemagne hitlérienne mais « de l’impérialisme britannique » ; il vilipende « les aventuriers de Vichy », « le Parti de Blum et de Paul Faure », « les Princes de l’Eglise », « ces Messieurs du gouvernement de Vichy », les « fauteurs et profiteurs de guerre » ainsi que Pétain, Laval et « la dictature des forbans ». Il exige que les députés et sénateurs communistes, déchus et emprisonnés par Daladier à cause de leur approbation du Pacte germano-soviétique (23 août 1939), soient libérés et rétablis dans leurs droits et fonctions et aussi que reparaisse la presse du Parti communiste. (Les Allemands, eux, libéreront effectivement bien des communistes). Il conclut : « A la porte le gouvernement de Vichy ! A la porte le gouvernement des ploutocrates et des profiteurs de guerre ! » Appelant à la renaissance de la France sous le signe de la fraternité des peuples, il lance : « A bas le capitalisme générateur de misère et de guerre ! Vive l’Union Soviétique de Lénine et Staline, espoir des travailleurs du Monde ! »
Guy Môquet semble avoir eu beaucoup d’admiration pour son père, Prosper Môquet, ancien cheminot, membre responsable du syndicat CGTU, élu député du Parti communiste dans le quartier des Epinettes et déchu de sa fonction de député pour avoir approuvé le Pacte germano-soviétique. Il serait intéressant de savoir si le jeune Guy avait distribué ce tract de « non-résistance aux autorités d’occupation allemande » si on peut l’appeler ainsi ou encore s’il avait diffusé d’autres écrits communistes, plus virulents encore, contre celui que Jacques Duclos et Maurice Tréand appelaient avec insistance « le juif Mandel » ou contre « le défenseur des intérêts capitalistes anglais », Paul Reynaud.
Les jeunes Français ont besoin de le savoir. Les autres Français aussi d’ailleurs, à commencer par le Président de la République.
(Publié sous ce titre et sous ma signature dans Rivarol, 26 octobre 2007, p. 11, avec deux caricatures de Chard représentant Maurice Thorez et Jacques Duclos)
Additif du 27 octobre 2007
Guy Môquet officiellement NON résistant ?
D’après une pièce administrative, depuis longtemps connue, le titre d’« Interné résistant » aurait été refusé à Guy Môquet, que partout aujourd’hui on qualifie de « résistant » ; seul lui aurait été accordé le titre d’ « Interné politique ». Datant du 7 février 1956, la pièce est à en-tête du Ministère des anciens combattants et victimes de la guerre. Il s’agit d’une « décision » « portant refus du titre INTERNE RESISTANT et attribution du titre INTERNE POLITIQUE ». Elle est adressée au père de Guy Môquet, dont l’adresse parisienne est indiquée au bas de la page. Le texte porte :
1° La demande d’attribution du titre d’INTERNE RESISTANT concernant MOQUET Guy, né le 28 avril 1924 à Paris 18° [et] décédé le 22 août [erreur pour 22 octobre] 1941 à Chateaubriant (Loire-Inférieure) est rejetée pour le motif ci-après : Il résulte du dossier que l’intéressé ne remplit pas les conditions exigées par les dispositions combinées des articles R. 286 et R. 287 du Code des Pensions.
2° Le titre d’INTERNE POLITIQUE est accordé à l’intéressé, sur avis conforme de la Commission Nationale des déportés et internés politiques. – Période d’internement prise en compte : du 13 octobre 1940 au 22 octobre 1941.
Carte n° 130 108 900 délivrée à Monsieur MOQUET Prosper, 34 Rue Baron, PARIS 17°.
En conclusion, s’il se confirme que ses tracts étaient de même nature que ceux que diffusait à l’époque le Parti communiste français, Guy Môquet aura été probablement pendant un an (20 juin 1940-21 juin 1941), une sorte de collabo actif, pro-allemand et anti-Vichy, avant de devenir à partir du 22 juin 1941 (rupture du Pacte germano-soviétique et entrée des troupes allemandes en URSS) jusqu’au 22 octobre 1941 (date de son exécution), soit pendant quatre mois, un éventuel résistant réduit à l’impuissance puisque incarcéré. Il a dû son exécution au fait que trois jeunes militants communistes, venus de Paris, ont assassiné un Allemand (francophile ?), le lieutenant-colonel Karl Hotz, commandant la place de Nantes, puis ont refusé de se dénoncer, provoquant ainsi de sanglantes représailles.
NB - Sur le sujet des fusillés, on lira, de Jean-Pierre Besse & Thomas Pouty, Les Fusillés, Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Les Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières (Paris), 2006 [octobre], 200 p. Selon ces auteurs, pendant toute la durée de l’Occupation, les Allemands auraient jugé, condamné à mort et fusillé entre 4 520 et 4 540 personnes (p. 182). On est loin des « 75 000 fusillés » du seul Parti communiste.
22, 27 octobre 2007
Nicolas D.
Commentaires
Merci chère Gaëlle, pour ces informations très intéressantes. A Faire connaître au maximum !
En effet, très intéressant !
J'ai entendu dire que Jean Moulin était un agent soviétique ; il était bien résistant ( et homosexuel , je sais c'est assez mesquin de ma part, mais au point où nous en sommes , pas de raison de prendre des gants ), mais d'après certains , pas au service de la France ; un livre était sorti à ce sujet, il y a plusieurs années .
Lui est le symbole de la résistance, alors que les résistants de droite sont passés aux oubliettes , pour ne pas changer.
Quel pays maudit que notre pays.
-----Je remercie Gaëlle pour la publication de cet article sur le blog car il me permet de fournir certaines précisions que j'ai découvertes dans notre cher Rivarol du 4 septembre 2009. Ce N° de journal publie en page 8 une copie de la une de l'Humanité en date du 23 Août 1939, jour de la signature du pacte Germano-Soviétique. je cite - SUCCES DE LA POLITIQUE SOVIETIQUE DE FERMETE - LES POURPARLERS DE MOSCOU ENTRE L'URSS ET L'ALLEMAGNE SERVENT LA CAUSE DE LA PAIX EN EUROPE - SANS PLUS TARDER PARIS ET LONDRES DOIVENT MAINTENANT SIGNER LE PACTE FRANCO-ANGLO-SOVIETIQUE.----------------------------------------------------------Citant l'article de Rivarol il est écrit : En France, l'une des conséquences immédiates du pacte fut la réaction violente du Gouvernement Daladier et de la très grande majorité de l'opinion contre le P.C.F. Ce dernier a été dissous, la presse communiste saisie ; une grande partie des députés communistes ont rompu avec le P.C. On a assisté alors à des sabotages dans les usines d'armements et des militants furent condamnés à mort et fusillés, toujours sous le Front Populaire. Après la défaite de 40 les communistes ont tenté d'obtenir auprès des autorités occupantes, la légalisation du P.C et la permission de rééditer l'Humanité, cela en vain. La Police de Vichy continuait à appliquer les lois anticommunistes du Front Populaire d'où de nombreuses arrestations de diffuseurs de journaux et de tracts clandestins du parti. Guy Moquet a été arrêté à cette occasion. Ce n'est qu'après la rupture du pacte Germano-Soviétique que les Communistes Français ont commis des attentats contre les forces Allemandes entrainant une repression féroce. En 1944 le P.C.F. tira gloire de ses 75000 Fusillés alors que le nombre de fusillés de tous bords s'élève à 4120.--------------------------Guy Môquet a été arrêté par la Police Française et non par les Allemands pour diffusion de tracts défaitistes et anti-français.
Pierre de Villemarest à longuement parlé des gros titres du journal l'Huma et des affiches qui incitaient les français à faire bon acceuil aux allemands.
Et maintenant ils viennent nous donner des leçons de morale.