A l’occasion de votre élection à la présidence de la République algérienne, je vous adresse mes félicitations. Cette indépendance algérienne, nous l’avons voulue et aidée » (Message de Charles de Gaulle à Ben Bella, le 4 septembre 1963)
« Lorsque la pierre tombale de l’Algerie Française aura été scellée par la volonté acharnée d’un homme épaulé par la lâcheté de tout un peuple, je n’abandonnerai jamais l’idée de pouvoir débarrasser mon pays du personnage qui a corrompu l’âme de la France » (Colonel Antoine Argoud)
Ces mots du brillant officier que fut le Colonel Argoud ne cessent, depuis des années, de résonner à ma mémoire et je console mon amertume en me disant que s’il existe vraiment une justice, de Gaulle devrait aujourd’hui s’y trouver. En effet, mon éducation chrétienne m’incite à penser que toute œuvre humaine passe en revue devant Dieu pour être classée comme acte de fidélité ou comme acte d’infidélité. En face de chaque nom, dans les registres du ciel, sont couchés avec une redoutable exactitude toute action mauvaise, tout despotisme, toute trahison, tout parjure et la loi de Dieu sera sans appel pour ceux qui auront contrevenu à ses commandements. Par conséquent, si le paradis est accordée à De Gaulle, alors il n’y a plus de raison de craindre la Justice Divine… tout le monde y aura accès… et cela ne se peut !
Quand l’Histoire et la postérité jugeront Charles de Gaulle, elle dira : « Il a demandé son succès à l’astuce et au mensonge ; il l’a déshonoré par ces milliers de morts qui ont cru à ses paroles. Et ses crimes d’avoir appelé les Musulmans à servir la France pour ensuite les abandonner au massacre, d’avoir trompé ses soldats, d’avoir abusé de cette candeur sublime sans laquelle il n’y a pas de héros, d’avoir privé du rayonnement de leur Patrie plus d’un million d’êtres après les avoir livrés à la hache des bourreaux, d’avoir couvert les enlèvements et laissé mourir dans d’indescriptibles souffrances des milliers d’êtres humains innocents… sont inexpiables ». C’est cela que l’Histoire ne lui pardonnera pas ! C’est d’avoir souillé d’astuce et de cruauté la grande œuvre d’unité que des générations précédentes avaient entreprise ; d’avoir taché indélébilement l’histoire de la France.
Pour la majorité de la presse française et pour le peuple français par trop naïf et crédule, De Gaulle, cet instrument de braderie qui jamais durant la guerre d’Algérie ne fit preuve d’amour, de générosité et de dignité humaine, fut un objet d’admiration et d’enthousiasme. « Il était grand ! » Et voilà, ici, cette notion de grandeur qui sauve tout : « De Gaulle, ce grand homme ! »… Grand par la taille, oui, quand au reste !…
Sous le vocable de grandeur, on exclut tout d’un coup le critère du bien et du mal. Pour celui qui est grand il n’est pas de mal. Il n’est aucune horreur qui puisse être imputée à crime à celui qui est grand ! Ce qui est « grand » est bien ; ce qui n’est pas « grand » est mal. Et pourtant, parmi sa génération de soldats, il y eut de grands hommes, de vrais, ceux-là : Leclerc, Juin, De Lattre de Tassigny… mais lui, de Gaulle, était d’une autre race, brutal, cynique, ambitieux, assoiffé d’honneurs, hautain, méprisant, discourtois, cassant, sans rien d’aimable dans l’insolence… craint de ses propres ministres. C’est Alain Peyrefitte qui aura le courage d’en parler dans ses mémoires et rapportera ces mots méprisants qu’il eut à l’égard des harkis lors du Conseil des Ministres du 4 mai 1962 : « Les harkis, ce magma dont il faut se débarrasser sans attendre ! » Que de cynisme de la part d’un Chef d’Etat ! Et quand ce même Peyrefitte, pris de remords à la vue du désastre humain que représentait l’exode des Français d’Algérie exposera au « général Président », le 22 octobre 1962, « le spectacle de ces rapatriés hagards, de ces enfants dont les yeux reflètent encore l’épouvante des violences auxquelles ils ont assisté, de ces vieilles personnes qui ont perdu leurs repères, de ces harkis agglomérés sous des tentes, qui restent hébétés… », De Gaulle répondra sèchement avec ce cynisme qu’on lui connaissait : « N’essayez pas de m’apitoyer ! »… On était bien loin du « C’est beau, c’est grand, c’est généreux la France ! »…
Cependant, ce qui est incompréhensible, c’est que tout le monde connaissait le personnage ; tout le monde savait cela, oui, mais voilà : « Il était grand ! »… C’était suffisant.
Pour bon nombre de journalistes et d’historiens, être grand c’est le propre de ces êtres d’exception qu’ils appellent des héros. Et De Gaulle se retranchant derrière l’Histoire, en abandonnant à leur perte non seulement ses anciens compagnons d’armes, ses soldats qu’il avait entraînés dans « son » aventure (que l’on se souvienne de Mai 1958 !) mais encore, plus d’un million de Français à qui il devait tout et autant de fidèles Musulmans engagés politiquement et militairement parlant… sentait « que c’était grand » et son âme était en paix. Et il ne vient à l’idée de personne que reconnaître pour grand ce qui échappe à la mesure du bien et du mal, c’est seulement reconnaître son propre néant et son incommensurable petitesse. Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas. Aux yeux du monde, De Gaulle l’a franchi…
Quelle responsabilité pour celui qui se déclarait le « sauveur de la France », pour celui qui avait « ramené la liberté », celui qui invoquait la grandeur morale, nationale et intellectuelle ! Rarement autant d’indifférence, d’immoralité politique et de vilenie furent mises au service d’une politique que l’on voulait faire passer pour pragmatique et généreuse.
Dans son livre « Les damnés de la terre », Alexis Arette (qui tenait l’information de Georges Bidault, l’ancien Président du Conseil National de la Résistance sous l’occupation allemande), rapporte l’anecdote suivante :
« Lors de la conférence de Casablanca qui se tint du 14 au 24 janvier 1943 afin de préparer la stratégie des alliés après la guerre à l’égard de l’Europe, Churchill parvint à réunir non sans mal Giraud et De Gaulle en face de Roosevelt. Giraud était indispensable dans l’élaboration de cette stratégie. Général de grande valeur, à la tête de l’armée d’Afrique, il ne devait aucune de ses étoiles aux « arrangements politiques du temps » et jouissait d’un grand prestige aux yeux des Américains depuis son évasion, l’opération Torch et la prise d’Alger. Ces derniers le considérant, sans la moindre équivoque, comme le chef militaire de la France combattante envisageaient très sérieusement une coopération unifiée où tout naturellement sur le plan strictement militaire de Gaulle était placé hiérarchiquement sous ses ordres… ce que le « général micro » n’appréciait guère. Les deux hommes se détestaient… Tout les opposait : le sens du devoir, la fidélité à la parole et à l’Etat, la valeur militaire, etc… Mais les Américains comprenant que le ralliement de l’Afrique dans sa globalité était nécessaire et que dans ce contexte Giraud qui restait loyal à Pétain – mais qu’ils considéraient comme infiniment plus fiable et d’une envergure supérieure à De Gaulle –était absolument incontournable. Churchill allait donc œuvrer pour mettre les deux hommes en face de Roosevelt et obtenir la fameuse poignée de main de circonstance dont la photo fera le tour du monde… Cependant Roosevelt, toujours frileux pour entrer en guerre en Europe, posa clairement la question aux deux officiers Français : « Les Etats Unis seraient susceptibles de débarquer en France à la condition que la France accepte d’ouvrir son empire au commerce américain et prenne l’engagement de décoloniser dans les trente ans »
Giraud eut un haut de cœur et claqua la porte… De Gaulle resta. On connaît la suite…
Peu de choses ont été dites officiellement sur le marchandage de cette entrevue et le refus de Giraud d’accepter les conditions honteuses du démantèlement de l’Empire Colonial Français, conditions auxquelles De Gaulle souscrit sans le moindre scrupule…
Je me suis souvent demandé quel aurait été le sort de l’Algérie s’il n’y avait pas eu De Gaulle. L’Histoire aurait, assurément, été écrite différemment. A l’ordinaire, l’Histoire n’est qu’une résultante d’infiniment petites forces où chaque individu n’a que la part d’une composante élémentaire. Mais à certaines heures naissent des hommes qui résument en eux une force capable d’intégrer, d’orienter toutes les autres forces élémentaires de la nation. Ceux-là changent vraiment le destin des peuples et du monde. Ou plutôt ces hommes sont le destin… et De Gaulle en fait partie. Ainsi, concernant la guerre d’Algérie, l’Histoire, sous De Gaulle, nous a démontré qu’elle n’était jamais qu’un rocher imaginaire de gloire et de boue entraîné par des torrents de sang vers des absences de rivages… Et cette Histoire là, comme le sable, a bu les rêves et le sang de milliers d’hommes sans en être fécondée.
José Castano
e-mail : joseph.castano0508@orange.fr
NPI -19/06/10
Commentaires
Je peux répondre à cette question.
S'il n'y avait pas eu De Gaulle,l'Algérie serait restée française en s'adaptant.
Tout a dépendu de cet homme.
Et aujourd'hui,la France serait une grande puissance s'étendant des deux côtés de la Méditerranée.
@Matthieu
Je vous ai compris !