L'aéroport Charles-de-Gaulle serait une plaque tournante du commerce illégal de viande d'animaux sauvages, selon une étude qui pointe l'impunité des trafiquants.
Des carcasses de singes, d'antilopes, de pangolins ou encore de crocodiles, et même une trompe d'éléphant. Les coulisses des aéroports Charles-de-Gaulle et Toulouse-Blagnac prendraient presque l'allure d'un zoo funéraire. Et les quantités de viande d'animaux sauvages acheminées illégalement sont gargantuesques. Une étude de l'Institut de zoologie de Londres publiée vendredi par la revue britannique «Conservation letters», estime à cinq tonnes hebdomadaires la quantité de «viande de brousse» dissimulée dans les bagages réceptionnés à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Si chaque cargaison de viande pèse en moyenne 20 kg, certains voyageurs peuvent transporter jusqu'à 50 kg dans des bagages uniquement dédiés à ce trafic.
Le Congo, la République centrafricaine et le Cameroun comptent parmi les principaux fournisseurs des amateurs de viandes exotiques résidant en France. Un business clandestin mais non moins lucratif émerge dans certains quartiers de Paris. A Château Rouge, la commande de morceaux de primates ou de porcs-épics se fait sous le manteau dans les marchés africains, pour des prix oscillant entre 20 et 40 euros le kilo.
Si l'étude a permis de dégager par extrapolation des chiffres inédits sur le sujet, elle met en lumière «une pratique qui n'est pas nouvelle», explique Yves Lignereux, co-auteur de l'étude et responsable du muséum d'histoire naturelle de Toulouse. Malgré la récurrence des saisies, les douaniers n'accordent qu'un intérêt très relatif au trafic d'animaux sauvages : «Ce n'est pas leur priorité, explique le spécialiste des sciences animales. Ils préfèrent traquer les montres Cartier fabriquées en Chine ou le trafic de drogue.» Contrairement aux saisies de stupéfiants ou d'objets contrefaits, l'activité est moins alléchante pour les douaniers, car «elle ne leur ouvre pas le droit aux primes», note l'étude.
Le VIH a été transmis par le singe
Si les contrebandiers risquent une amende comprise entre 150 à 450 euros suivant la quantité transportée, ils bénéficieraient d'une certaine complaisance de la part de la police des marchandises. En deux semaines et demie d'enquête à l'aéroport Charles-de-Gaulle, les chercheurs ont relevé l'application d'une seule amende, alors que les douaniers ont procédé à une dizaine de saisies de viande de brousse. «Les transporteurs de viande ressentent les saisies comme un vol», explique la chercheuse en sciences vétérinaires Anne-Lise Chaber, qui a piloté l'étude. C'est une décision qu'ils ne comprennent pas et le font savoir haut et très fort. Les douaniers pensent peut-être que la saisie est une punition suffisante», admet-elle. Sollicités par le figaro.fr, les services des douanes n'ont pas souhaité réagir dans l'immédiat.
Ce commerce frauduleux n'est pourtant pas dénué de risques. Risque sanitaire tout d'abord, puisque les carcasses de viande n'ont pas subi les contrôles d'hygiène drastiques prévus par un règlement européen de 2004. «Faut-il rappeler que le VIH a été transmis par le singe ?» s'étonne Yves Lignereux. Sans parler du virus Ebola qui a fait des ravages chez les mangeurs de primates», insiste-t-il.
40% des espèces protégées
La viande d'animaux sauvages se présente certes sous la forme de pièces fumées et séchées, ce qui facilite la conservation de la denrée mais n'écarte pas la présence de virus très résistants comme la variole, précise Anne-Lise Chaber. «Et comment garantir que le fumage n'a pas été réalisé grâce à la combustion de pétrole ?» s'interroge Yves Lignereux. Au quel cas le consommateur pourrait en effet être exposé à des substances cancérigènes.
Autre préoccupation : le maintien des effectifs d'animaux sauvages en Afrique sub-saharienne. 40% des spécimens interceptés lors de l'enquête étaient en effet protégés par la Convention internationale CITES, qui restreint voire interdit le commerce de certaines espèces d'animaux.
«Faute de temps et de moyens», l'enquête n'a pas porté sur les marchandises transportées par fret, cargo ou colis postaux. «Mais je ne doute pas que la viande de brousse arrive aussi par ces moyens», avance Anne-Lise Chaber. Afin de mieux prendre la mesure du phénomène, la chercheuse souhaite se lancer dans une étude plus ambitieuse qui se déroulera sur un an afin de passer au crible plusieurs aéroports et marchés européens.
Le Figaro - 22.06.10
Commentaires
Il faut laisser nos bleus en A.F.S., alors?
@ arauris: je crois qu'il faut protéger les espèces en danger!
C’est absolument dégoûtant et dangereux pour notre santé!
Mais figaro doit être heureux de tous ces trafics qui sont une conséquence directe de la mondialisation qu’il défend bec et ongles !
Au moins, on sera sûr d'avoir au moins un BLANC(Laurent, pour celles et ceux qui ne suivraient pas trop) dans l'équipe nationale...
Dommage qu' il n' y ait pas de trafic de viande de cons exotiques et lapinistes : le "gisement " est inépuisable.
Ignobles pourritures de trafiquants !