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LECONTE DE LISLE (1818-1894)

Midi

Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine ;
La Terre est assoupie en sa robe de feu.

L'étendue est immense, et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.

Seuls, les grands blés mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la Terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du Soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux.

Non loin, quelques boeufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.

Homme, si, le coeur plein de joie ou d'amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la Nature est vide et le Soleil consume :
Rien n'est vivant ici, rien n'est triste ou joyeux.

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l'oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le Néant divin.

 

Commentaires

  • Le beau et le vrai. Merci chère Gaëlle de nous rappeler ou faire découvrir ce bien émouvant poème.

  • LCL à la fin de sa vie est un homme désespéré exilé à Paris et qui regrette amèrement son île natale,la Réunion.
    Ce poème est magnifique mais la foi chrétienne y est absente tragiquement.
    Deux soleils sont présents dans ce poème:le soleil implacable des tropiques de son île natale durant l'été austral avec inversion des solstices par rapport à l'hémisphère nord et le soleil d'une contrée tempérée,l'île de France.
    LDL repose au cimetière marin de Saint Paul de la Réunion.

  • Cher Matthieu, Leconte de Lisle n'a vécu à la Réunion que de 0 à 3 ans: c'était un tout petit enfant!

    Y est-il retourné adulte? Je ne sais pas.

    Quoi qu'il en soit, ce poème est d'une rare splendeur.

    Il y a toujours des notes désespérées chez les grands poètes.

  • Chère Gaëlle,Leconte de Lisle a vécu à la Réunion du 22 octobre 1818 jour de sa naissance à Saint-Paul de la Réunion jusqu'en 1822.(Sa maison natale existe toujours)
    Sa famille revient à la Réunion en 1832;Charles fréquente le collège royal de Saint-Denis de la Réunion jusqu'en 1837.
    Il revient une troisième fois à la Réunion de 1843 à 1845.
    Il est marqué à jamais par l'empreinte de son île natale.
    Tous ses poèmes portent l'amour de sa petite patrie créole.
    Il a bénéficié d'une pension annuelle du conseil général de la Réunion de 1853 à 1861.
    En septembre 1977,retour des cendres du grand poète et inhumation au cimetière marin de Saint-Paul.
    "Ô mon île,Ô mon doux et mon premier berceau!
    J'irai sous les palmiers me choisir un tombeau"
    Une pensée.
    Après une vie de lutte et de gloire, les dernières larmes du poète sont pour son île et sa dernière aspiration est de finir "le songe de sa vie"dans ce cimetière de Saint-Paul où reposent ses aieux et son premier amour.
    "la Vierge aux pâles mains t'a prise la première
    Chère âme!Et j'ai vécu loin des gérofliers
    Loin des sentiers charmants à tes pas familiers,
    Et loin du ciel natal où fleurit ta lumière"
    Poèmes tragiques 1869.
    On pleure chère Gaëlle lorsqu'on prend connaissance à travers ses poèmes de l'âme tourmentée de Charles René Marie Leconte de Lisle.

  • Merci, Matthieu. J'avais lu un peu trop vite la biographie de Leconte de Lisle.
    Vous citez un poème bouleversant d'amour et de tristesse.
    Comme il aimait l'Ile Bourbon!
    La nostalgie a imprégné sa vie...
    Sa vie qui s'est partagée entre la Bretagne et la Réunion. Deux terres et ciels de poésie vibrante.

    Plus je vois la laideur et la nocence du monde, plus j'aime la poésie et les poètes, leurs chants de beauté et de lumière, telles d'ardentes prières à l'invisible divin.

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