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Pas de détecteurs de métaux ou d'encombrant gilet pare-éclats pour Babette, un sympathique rongeur au pelage beige clair, âgée d'à peine deux mois et déjà en formation pour devenir "rat démineur".
Tenue en laisse par ses deux professeurs, ce rat des champs, une espèce endémique en Afrique, est à l'entraînement à Morogoro (sud de la Tanzanie), en attendant un prochain déploiement dans les champs de mines du Mozambique voisin, ravagé par une guerre civile de 1977 à 1992.
Ce projet de "rats héros" est géré par Apopo, une ONG belge. Une trentaine de ces rongeurs-démineurs sont actuellement à la tâche dans la province mozambicaine de Gaza, où ils ont contribué au nettoyage de plus de 1,3 million de mètres carrés.
L'objectif affiché est de dépolluer la totalité de la province d'ici 2014, soit 3,8 millions de mètres carrés, selon Apopo.
Les rats présentent de nombreux avantages par rapport aux chiens renifleurs: avec la même puissance d'odorat, ils sont accoutumés au climat local, faciles à apprivoiser et sans lien affectif avec leur "professeur".
Peu coûteux à entretenir ou à transporter, ils sont capables de supporter une cadence de travail élevée car littéralement obsédés par leur pitance, et leur poids plume (à peine plus d'un kilo pour environ 50 cm de long) leur évite de déclencher les mines.
La formation commence dés l'âge de 4 semaines, par une mise en contact avec les humains, leur nouvel environnement et surtout l'apprentissage d'un petit "clic" sonore, que les bébés-rats associeront très vite à une récompense en nourriture.
Une fois apprivoisés, les apprentis démineurs apprennent à distinguer l'odeur caractéristique des explosifs, sur le principe du conditionnement: à chaque fois qu'ils repèrent cette odeur, un "clic" retentit, avec cacahuètes et morceaux de banane à la clé.
L'apprentissage dure près de neuf mois, et "ce n'est pas facile", souligne Abdullah Mchomvu, avec sous le bras un rat enfermé dans une cage grillagée.
Deux rats peuvent nettoyer en deux heures une parcelle de 200 mètres carrés, ce qui prendrait deux jours à deux démineurs classiques.
"La détection est la partie la plus difficile, dangereuse et coûteuse de la lutte contre les mines. Plus faciles à entraîner que les chiens renifleurs, les rats sont plus appropriés à cet environnement", résume Bart Weetjens, le fondateur d'Apopo.
Les rats pâtissent pourtant de leur mauvaise image de vecteurs de maladies contagieuses et de destructeurs de récoltes.
"Les rats ont un problème d'image. Les gens ne les aiment pas, et c'est en fait l'un de nos plus grands défis", reconnaît M. Weetjens, qui voudrait "changer cette perception".
"Les rats sont sociables, très intelligents, et d'attachantes petites créatures", selon Apopo , qui propose d'adopter l'un de ces démineurs et de financer son entretien, avec "certificat d'adoption" et suivi de carrière (http://www.herorat.org/)
L'ONG travaille aujourd'hui sur un autre projet, déjà mis en oeuvre dans cinq hôpitaux de Dar es-Salaam: recourir aux rats (et à leur odorat) pour le dépistage de la tuberculose dans les échantillons de salive.
L'opération permet de confirmer un premier diagnostic en laboratoire, classique celui-là, mais fiable à seulement 60%.
Et pour M. Weetjens, la prochaine étape sera l'utilisation des "rats héros" pour détecter de la drogue ou retrouver les victimes de tremblement de terre enfouies sous les décombres.
AFP. 14/11/10