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Les Français d'Abidjan sont inquiets après l'ultimatum de Sarkozy

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Des partisans de Laurent Gbagbo - (Cliquez sur la photo)

Les attaques quotidiennes de la presse et de la télévision ivoirienne inquiètent les plus blasés. 

Il reçoit sur un banc de bois posé sur un bout de trottoir, comme les Ivoiriens aiment à le faire. Entre cette manie, ses traits creusés, son hâle et ses cheveux blancs, Jean-Luc Cancel n'a guère besoin d'étaler ses années d'Afrique. «J'ai derrière moi 68 ans de Côte d'Ivoire», dit-il en guise présentation. En six décennies, l'homme a tout connu du pays. Les années fastes d'avant-1995, quand il tenait un hôtel en bord de mer qui recevait 300 touristes chaque week-end. Puis l'époque sombre de la guerre civile, qui l'a poussé à fermer son établissement. «C'était devenu dangereux de vivre seul là-bas.» Depuis deux semaines, il observe les soubresauts du pays d'un œil intéressé et méfiant. «Il faut faire attention car les choses ici évoluent très vite», dit-il.

Comme ses compatriotes d'Abidjan, Jean-Luc pense, sans trop l'avouer, à ce mois de novembre 2004 durant lequel des manifestations antifrançaises ont poussé près de 7000 ressortissants à évacuer le pays sous protection de l'armée. «Cette fois la situation est différente. Il y a une opposition politique entre deux partis. Les Français ne sont pas en première ligne», insiste-t-il. Pour autant, Jean-Luc prend des précautions. «Je minimise mes déplacements.» Il passe juste de son usine de congélation de poissons à son quartier, Port-Bouët, où il se dit tranquille. «Ici je suis connu et je ne risque rien. Moi, de toute façon, je ne partirai jamais. Mais je conseille à tous les vrais Français de rester sagement chez eux». Car des Français comme lui, revenus de tout et «tropicalisés» jusqu'au fond de leur âme, le pays n'en compte plus guère.

Beaucoup, comme Alice, sont des nouveaux venus qui ne cachent pas leur étonnement. Les attaques quotidiennes de la presse et de la télévision contre la France, accusée de vouloir organiser un génocide en Côte d'Ivoire, la glacent. La jeune femme, qui tient «par précaution» à rester anonyme, vit depuis deux semaines cloîtrée dans sa villa. «Je suis très inquiète. On a l'impression que les choses empirent chaque jour.» La présence des 950 militaires français de «Licorne» la rassure. «On sait qu'ils pourront venir nous chercher mais il reste une angoisse.» Elle se refuse à partir. «Mes affaires ne me le permettent pas.» Pour conjurer le mauvais sort, elle téléphone à ses amis, fait renforcer son portail et compte sur son chien.

 

«Nos politiques parlent trop»

 

Combien sont-ils ainsi à Abidjan, terrés dans leurs maisons? Les autorités françaises avouent l'ignorer. Officiellement, 15.000 Français y résident mais le chiffre est trompeur. Un grand nombre, au moins 60%, sont des binationaux. Certains ne vivent en Afrique qu'une partie du temps. Enfin, beaucoup, entre les événements politiques et les vacances de Noël, ont déjà choisi de prendre le large. Les grandes entreprises françaises ont ainsi fait partir toutes les familles et la plupart des cadres. «Il y a une inquiétude légitime dans la communauté», dit-on au consulat de France. Paul, un entrepreneur, résume la situation: «Pourquoi prendre des risques alors que l'on peut aller passer des vacances en France?» Bernard Sadet, élu UMP de l'assemblée des Français de l'étranger, s'agace: «Nos politiques parlent trop. Ils nous mettent en danger. Que se passera-t-il dans 15 jours ou un mois si rien n'est résolu?»

R., propriétaire d'un restaurant connu, reste discret car il entend rester en Côte d'Ivoire. «La communauté française commençait à revenir. On comptait environ mille Français de plus chaque année. C'était bon signe et, comme moi, on espérait investir après les élections. Cela serait dommage de gâcher tout ça.» Alors il se raccroche aux bons signes. Dans ses meetings désormais quotidiens avec les jeunes, Charles Blé Goudé, leader des manifestations de 2004 et nouveau ministre de la Jeunesse, enjoint ses partisans «de protéger les Français et les entreprises françaises». Une main tendue, qu'il suspend à une condition: «Que l'on ne touche pas à un cheveu de M. Ggagbo… Car là, nous serons prêts.»

Le Figaro - 20/12/10

Commentaires

  • on ne peut avoir que de l,emphatie pour nos compatriotes expats!!
    mais avec un président qui souffle sur les braises , on peut comprendre leur peur et leur angoisse!!
    salutations.

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