Michel Lapeyre, l’ancien vice-président du gendarme du secteur de l’énergie est l’auteur d’un rapport d’étape sur l’état alarmant du réseau électrique français. Il est aujourd’hui expert indépendant.
Existe-t-il de véritables risques que le réseau électrique soit victime d’une panne géante, et comment en est-on arrivé là ?
MICHEL LAPEYRE. Le réseau est dangereusement vieillissant car les ouvrages les plus vétustes n’ont pas été remplacés au fur et à mesure, comme il aurait fallu le faire.
D’où un nombre et des durées de coupures en augmentation constante. En moyenne nationale, la durée annuelle de coupure a augmenté de 50 % ces dix dernières années. La dégradation de la qualité est d’autant plus mal ressentie par ceux qui la subissent que la dépendance à l’électricité de leurs activités professionnelles ou domestiques a fortement augmenté ces dix dernières années. Le réseau est devenu sensible à l’extrême aux aléas climatiques. Les agents d’ERDF (NDLR : la filiale d’EDF chargée de la distribution), dont le dévouement et le professionnalisme sont grands, n’y peuvent rien tant que le remplacement des lignes n’est pas effectué. A terme, les conséquences pourraient s’avérer dramatiques pour la sécurité des consommateurs.
Cette situation a-t-elle un lien avec le changement de statut d’EDF devenu aujourd’hui une société cotée en Bourse?
Le capital d’EDF a été ouvert sans que soient instaurés les garde-fous nécessaires. EDF doit naturellement obéir à la logique de ses actionnaires, consistant à investir dans ce qui rapporte le plus. Or investir dans les réseaux de distribution est ce qui rapporte le moins. Il faudrait que le cahier des charges d’ERDF comprenne de réelles obligations de qualité.
Michel Lapeyre
Un récent rapport de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, admet que le réseau s’est dégradé et réclame des investissements plus importants, notamment pour l’enfouissement des lignes. Faut-il aller plus loin ?
D’abord, ce rapport n’a plus grand chose à voir avec le prérapport que nous avions rédigé il y a un an. Son contenu a été vidé de toute substance susceptible de créer la polémique. Cette version édulcorée a pour fonction de reporter le problème à plus tard afin de ne pas déplaire. Le texte décrit certes une situation dégradée, mais considérée comme acceptable. Il ne comporte aucune proposition concrète. Il faut cependant reconnaître que l’équation à résoudre est difficile. D’une part, on ne peut pas augmenter exagérément le prix de l’électricité. D’autre part, il faut subventionner l’électricité provenant de sources renouvelables et aménager les réseaux pour l’accueillir. Et,cerise sur le gâteau, il vient d’être décidé de remplacer massivement tous les compteurs par des compteurs communicants. Tout ça coûte extrêmement cher. En définitive, cela laisse peu de place à la modernisation du réseau de distribution.