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Un Juif libyen revient à Tripoli après 44 ans d'exil

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TRIPOLI (Reuters) - Dans la vieille ville de Tripoli, le drapeau de l'indépendance libyenne orne des édifices délabrés et des garçons munis de pistolets d'enfant écument des ruelles empoussiérées. Dans ce décor s'élève la synagogue Dar Bichi, vide et défraîchie.

On ne peut en voir l'intérieur qu'en franchissant les décombres d'une maison, et l'arche où se trouvaient autrefois les rouleaux sacrés de la Torah est occupée par un matelas.

L'inscription en hébreu qui la surmonte, "Ecoute, Israël", n'est presque plus lisible et des pots de peinture vides jonchent le sol. L'emplacement des bains rituels est un dépôt d'ordures où des chats errants cherchent de quoi manger à côté d'une vieille machine à laver, sous l'oeil de femmes voilées.

David Gerbi, Juif libyen exilé depuis 44 ans, rêve de restaurer cette synagogue depuis 2001, année où la fumée qui s'élevait des tours jumelles du World Trade Center de New York lui a rappelé certains souvenirs de son enfance libyenne.

Alors qu'il avait 12 ans, Gerbi et sa famille ont fui Tripoli en 1967, la guerre des Six-Jours ayant nourri l'hostilité des Arabes contre Israël et provoqué des agressions contre les Juifs de son quartier.

Mouammar Kadhafi avait expulsé le reste des 38.000 Juifs libyens deux ans plus tard en confisquant leurs biens. Depuis, la plupart des synagogues de Tripoli ont été détruites ou transformées en mosquées. Sur la côte, des cimetières juifs ont été rasés pour faire place à des immeubles de bureaux.

"JUIF REBELLE"

David Gerbi se présente comme le premier Juif à revenir en Libye depuis la révolte populaire qui a entraîné la chute de Kadhafi en août. Il dit avoir négocié en 2002 l'évacuation du dernier, ou plutôt de la dernière - sa tante âgée et mourante restée sur place pour veiller sur des biens de famille - alors qu'elle se trouvait dans un hospice.

Après l'éviction du "guide", Gerbi souhaite aider les dirigeants intérimaires à reconstruire la Libye perdue de son enfance en favorisant la tolérance religieuse qui existait entre juifs et musulmans au Maroc et ailleurs au Maghreb.

Il veut aussi que la synagogue Dar Bichi devienne un symbole de réconciliation entre Libyens juifs et musulmans.

"Certains me disent que je dois accepter que ce soit fini. Je leur dis non, que c'est notre magasin, que c'est notre synagogue, que rien n'est fini", a-t-il déclaré à Reuters un soir de la semaine écoulée tandis que résonnait l'appel musulman à la prière.

"Il y a quelque chose d'irrésolu, d'inachevé. C'est pour cela que je suis ici."

Psychothérapeute d'obédience jungienne installé en Italie, David Gerbi est aussi un représentant de l'Organisation mondiale des Juifs de Libye. Il arbore un t-shirt orné d'un grand coeur rouge dans les salons de l'hôtel tripolitain où il sollicite des entrevues avec les responsables du Conseil national de transition (CNT) sur les perspectives de réinsertion des Juifs dans la Libye de l'après-Kadhafi.

Dès le début du soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi, David Gerbi s'est employé à défendre la cause du CNT en Afrique du Sud, qui n'a reconnu l'instance de transition qu'à la fin du mois d'août, et à venir en aide aux victimes de la guerre dans les hôpitaux de Benghazi, dans l'est du pays.

"On m'appelait le 'Juif rebelle'", raconte-t-il en souriant avec une visible fierté.

"RÉFUGIÉ OUBLIÉ"

Sa contribution au soulèvement n'a pas été sans risques. Il confie que des partisans de Kadhafi l'ont menacé de mort et ont tenté cette année de faire irruption dans son hôtel.

En 2007, les autorités libyennes l'avaient arrêté et interrogé lors d'une précédente visite dans le pays, où il venait déjà s'enquérir des moyens de restaurer la synagogue.

A présent, David Gerbi dit chercher à devenir membre du CNT pour y représenter une population juive encore inexistante.

Le retour des Juifs en Libye et leur représentation au CNT seront sans doute des questions délicates dans un pays musulman dont l'ancien dirigeant fut, des décennies durant, un contempteur virulent d'Israël sur le plan international.

David Gerbi dit recourir aux enseignements de la psychothérapie pour tenter de nouer des liens avec la population libyenne. "Je dois les regarder droit dans les yeux. (L'antisémitisme) a été enraciné si profondément par Kadhafi que les gens ont besoin de s'en extraire. J'essaie de les transformer par mon comportement", indique-t-il en s'adressant en arabe aux habitants de son ancien quartier.

Gerbi ignore pour le moment si ses efforts aboutiront. Ce qu'il redoute le plus serait de se sentir marginalisé dans un pays assailli de problèmes au lendemain d'une guerre : "Ma pire crainte serait que le gouvernement inscrive cela sur une liste vouée à l'oubli. Je ne veux pas redevenir le réfugié oublié."

Avec William Maclean à Tripoli, Dan Williams à Jérusalem et Rania el Gamal à Benghazi; Philippe Bas-Rabérin pour le service français

Yahoo!Actualités - 01/10/11

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