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Cisjordanie - La guerre des oliviers ne connaît pas de trêve: déjà en 2000...

A Harès, l'armée arrache les arbres. Les enfants, à terrain découvert, sont la cible des colons.

Par SCHWARTZBROD Alexandra

 

Harès envoyée spéciale

De la route, on ne voit que des cailloux, des cactus, des ordures, des fers à béton qui trouent le ciel. Et des oliviers. Des dizaines d'oliviers cul par-dessus tête, racines en l'air, fruits écrasés. Zaher fait doucement glisser sa main sur une branche. «L'agriculteur met 70 ans à faire pousser ses arbres... En une seconde, il ne les retrouve plus.» Il y a trois semaines, les soldats israéliens sont venus arracher les arbres qui entouraient le village palestinien de Harès, au milieu de la Cisjordanie. Zaher sourit: «Il paraît que c'est un arbre terroriste!» Les oliviers poussaient à la sortie du village, le long d'une route empruntée par les colons. «Ils disent que c'est pour protéger les mouvements des colons, pour avoir un angle de vue plus large», raconte un habitant. Une simple «précaution». Pour que les Palestiniens ne se cachent pas pour lancer des pierres sur les voitures des colons.

Provocations. Le problème, c'est que l'angle de vue ainsi dégagé a donné des idées. Vendredi, des colons auraient organisé une descente sur Harès. Ils se seraient postés là où leur route asphaltée croise le chemin principal du village. «J'étais là, je regardais, et tout à coup, je vois quatre ou cinq gosses qui tombent», raconte Zaher. «Il y en avait un, accroché à ce poteau, la jambe explosée par une balle. Un autre, plus âgé, a voulu monter dans une voiture; un sniper lui a tiré dans les couilles, il n'en a plus.» Les jeunes avaient-ils lancé des pierres? Zaher hausse les épaules: «Chaque fois qu'il y a des militaires et des colons, ils essaient de provoquer les enfants et de les faire venir. Dès qu'ils s'approchent, ils leur tirent dessus.» Dans les champs ou les chemins d'alentour, traînent des balles caoutchoutées et des éclats de grenades lacrymogènes.

Alertée, une pacifiste israélienne, Neta Golan, affiliée au mouvement Gush Shalom, s'est installée dans le village il y a trois jours. Pour témoigner. «Les soldats ont tué un enfant ici, la semaine dernière. Je n'étais pas là quand les colons ont tiré mais je les ai vus manifester à l'entrée du village, provoquant les gosses... Nous allons organiser une présence permanente. Jusqu'à ce que la violence israélienne s'arrête.» Interrogé, le secrétaire de la colonie Revava, située à quelques centaines de mètres, se défend: «Nous, on est très religieux, comment voulez-vous qu'on aille tirer un vendredi soir, jour de sabbat?» Selon les villageois, leurs agresseurs venaient d'Ariel, à plusieurs kilomètres, où seule une petite minorité de colons est religieuse. Quant à la police, elle est formelle: «Dès que nous avons entendu parler de ces agissements, nous avons ouvert une enquête.»

Désespoir. Pilant net sur la route, une femme colon hurle en direction d'un journaliste qui discute avec un soldat et un villageois: «Vous êtes à vomir! Ils nous tuent et vous les soutenez!» «Les gens ici sont désespérés, explique Zaher. Ils perdent espoir dans le reste du monde qui parle, qui parle... mais ne fait rien.» Hier, d'autres pacifistes israéliens ont rejoint Neta Golan à Harès. Pour aider à replanter les oliviers.

Libération - 17 novembre 2000

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