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Marseille, plus grande "maison close" virtuelle française

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Au dernier moment, Mireille appelle pour reporter le rendez-vous. Trop de clients aujourd'hui. "Désolée, je suis débordée. On remet à la semaine prochaine ?". Sa petite entreprise ne connaît pas la crise. Installée dans le 15e arrondissement de Marseille, cette jeune femme qui exerce à son domicile propose, il est vrai, des tarifs ultraconcurrenciels : 40€ la coupe de cheveux, "service compris". Et le service, chez Mireille, c'est ce que d'autres appellent un "massage avec finition manuelle", ou encore "un moment de détente intime" dans ce genre d'annonces bien particulier qui pullulent désormais sur internet (1).

Il suffit de taper "escort", "accompagnatrice", "dame de compagnie", ou même... "coiffeuse intime" sur google pour accéder à des centaines de propositions sur Marseille. Pour la loi française, rien d'illégal : si le racolage et le proxénétisme sont durement réprimés, la prostitution n'est pas interdite. Certains sites livrent même photos, mensurations et appréciations des clients. Ces filles que l'on ne voit jamais dans la rue seraient aujourd'hui "au moins aussi nombreuses que celles qui font le trottoir", assure l'association Autres Regards (2), qui participe à une étude européenne sur la "prostitution Indoor", menée dans huit villes (Porto, Hambourg, Gènes, Trieste, Turin, Sofia, Nantes et Marseille). "À Marseille, nous avons rencensé 1003 annonces et contacté 600 personnes qui travaillent indoor", explique Lucile Favet, coordonatrice de l'étude. Avec Nantes, la cité phocéenne est la ville étudiée qui possède la plus grande "maison close" virtuelle.

Une conséquence de la répression du racolage passif instaurée en France en 2003 ? Ou un nouveau "marché" qui s'est créé via le net ? "Plus un pays est abolitionniste, plus les prostituées se cachent", souligne l'association, qui observe toutefois que depuis 10 ans, le nombre de prostituées qui exercent sur le Jarret, à Rabatau ou à la rue Curiol est resté stable : environ 600 filles, dont la nationalité varie avec les flux migratoires (aujourd'hui pays de l'est et Africaines essentiellement). Autre particularité, à Nantes comme à Marseille, "la majorité des filles qui travaillent à domicile sont des Françaises, alors que dans la rue, la quasi totalité des prostituées sont des migrantes", indique Lucile Favet. Passer une annonce, répondre au téléphone, disposer d'un domicile requiert une certaine maîtrise de la langue et un minimum d'intégration sociale.

Contactées par téléphone, la plupart des "escorts" se disent "occasionnelles" : "Les professionnelles sont rares. La majorité sont des mères de famille ou des étudiantes qui font des passes pour améliorer leur situation financière". À noter que 7% des contacts pris étaient des hommes qui proposent leur services à des femmes, 14% des transexuels. Des profils, des parcours, des motivations globalement très différents. Avec un point commun: toutes (et tous) refusent l'idée d'exercer dans la rue. "Elles disent qu'elles ne supporteraient pas la violence des regards des passants, les insultes".

La violence pourtant, c'est souvent dans le huis clos d'un appartement qu'elle s'exerce. D'autant que "les occasionnelles ne connaissent pas les codes du métier, ne savent pas comment poser des limites pour se protéger". La rémunération, souvent calculée à l'heure (jusqu'à 300€ la séance) -et non à l'acte comme dans la rue- induit des dérapages. "95% des clients demandent des fellations sans préservatifs, alors je le fais, même si je suis au courant des risques" reconnaît une sondée. Entre quatre murs, il est plus difficile de dire non à un client. Et rares sont les filles qui font équipe : "celle dont le nom figure sur le bail peut être poursuivie pour proxénétisme", explique Lucile Favet. Existe-t-il d'ailleurs un proxénétisme indoor ? À Marseille, dans le cadre de l'étude, Autres Regards n'en n'a "jamais rencontré".

Plus inquiétant est l'isolement total de ces femmes. "Chacune travaille dans son coin, sans lien avec d'autres prostituées, alors que dans la rue, les filles se protègent les unes les autres. C'est en exerçant seule chez soi qu'on se met le plus en danger", insiste Sophie Campet, intervenante sociale.

Grâce aux tournées organisées dans la rue, Autres Regards connaît quasiment toutes les filles qui tapinent à Marseille. "Mais nous n'avons que très peu de liens avec les prostituées indoor". Et sans relation, pas de suivi sanitaire, pas d'aide possible. C'est pourquoi, l'association vient de publier un livret à destination des "travailleuses du sexe". Droit, santé, précautions à prendre avec un client ou encore conseils pour négocier des tarifs. Un véritable guide professionnel pour ces auto-entrepreneuses de l'ombre.

(1) D'après le rapport 2009 sur la prostitution en France de l'OCRTEH, il existerait près de 10 000 annonces distinctes sur Internet, à destination de la France.

(2) Autres Regards, 3 rue de Bone, 5e. 04 91 42 42 90. http://indoors.blogspot.com

 La Provence - 17/10/11

Commentaires

  • Avec l’expérience qu’elle a à Lille, peut-être faudrait-il confier la clé de ces maisons à Madame Martine, maintenant qu’elle a du temps Libre ?

  • Excellent idée, Madame Martine ferait une très bonne Madame Claude! La relève!
    Elle n'tait pas au courant pour ces trois hôtels, ces réseaux de prostitution? Non, sans doute... Sinon, elle aurait agi!

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