Adieu, Rivarol
Ce texte est le dernier à paraître sous ma signature dans Rivarol. Après plus de trente ans de collaboration assidue, plus de cinq cent cinquante « Livres propos », sans compter d’innombrables notes de lecture, je pourrais à bon droit invoquer la lassitude, la fatigue due à l’âge. Ce ne serait pas un véritable mensonge.
Toutefois, mes fidèles lecteurs, ceux qui m’ont maintes fois manifesté leur intérêt et leur sympathie, méritent de connaître la vérité. Or la vérité, c’est que je suis désormais indésirable (on me l’a clairement signifié en m’imposant, pour la première fois depuis ma participation, et sans m’en informer au préalable, une censure dans mon article du 14 octobre, copieusement caviardé !) dans un hebdomadaire où, il faut bien l’avouer, je me sentais de plus en plus mal à l’aise.
J’ai longtemps connu un journal où la liberté de penser et de s’exprimer était la règle. Il est devenu une feuille partisane et grotesquement dogmatique. Je me souviens d’une époque où le talent éclatait à chaque page. La médiocrité l’a évincé. Je me rappelle un temps où la polémique, portée par une saine colère, avait du panache. Où la controverse conservait des vertus stimulantes. Les haines recuites, les rancunes, la pensée formatée, les sous-entendus, les règlements de compte mesquins – le tout au nom de la morale et de la vertu ! – tiennent désormais le haut du pavé.
Bref, mes « Livres propos » sentaient le soufre. Ils n’encombreront plus des colonnes dédiées tout entières à la chasse aux comploteurs de tout poil, sous la coupe des paladins autoproclamés de la Vérité. Leurs relents n’importuneront plus les narines bien-pensantes.
Il y a, Dieu merci, une vie après Rivarol. Congédié avec une élégance dont chacun sera juge, j’ai l’impression de recouvrer une liberté menacée – et finalement mise à mal – par une orientation que je déplore. Cette liberté, je la souhaite à tous mes lecteurs qui m’ont fait, des décennies durant, l’honneur de me lire. Ce dont je les remercie du fond du cœur.
P.-L. MOUDENC
Commentaires
Rivarol sans Moudenc ! Quel gâchis !
Cher abad: oui, mais Moudenc a bien fait! Je connais les dessous de l'affaire. Intenable!
P.-L. Moudenc est le dernier critique litttéraire libre de sa plume, et qui sait écrire. Ses critiques faisaient référence.
Jamais C.G. ne l'a censuré!
Tout-à-fait d'accord avec vous abad!
Je n'ai jamais, malheureusement, été un passionné de littérature mais je me régalais à lire les critiques de P-L Moudenc! Quel beau langage et quel talent. Depuis le départ de C. Galic pour cause de retraite plus que bien méritée et de quelques départs d'autres journalistes de grand talent Rivarol n'a plus le même intérêt. On se croirait parfois dans une cour de récréation. Des gens qui ont du courage pour beaucoup mais dont l'écriture n'a plus la grandeur des anciens.
Je me demande également depuis plusieurs semaines si le choix de donner une tribune régulière à V Reynouard est finalement un bon choix. Une certaine impression de malaise...
La première chose que je lisais en ouvrant Rivarol, du temps où je le lisais encore chaque semaine, c'étaient les "Livres propos" de Moudenc! Que de choses apprises! Quel régal de le lire! Il faut être stupide pour censurer un tel critique, qui est par ailleurs un écrivain bourré de talent.
Ces derniers temps, c'eétait pour lui que j'achetais Rivarol, dont je m'étais désabonnée.
Bonsoir,
Justement j'ai été étonné de ne plus voir PL Moudenc dans Rivarol et comme j'achète très irrégulièrement cet hebdo je ne connaissais pas cette affaire. Vous me l’apprenez.
Lorsque je tenais le site Le grain de sable j'avais écrit un article lors de la sortie de son "Livres propos" Le voici donc
Pierre-Louis Moudenc Livres propos
Voilà un recueil de critique littéraire remarquable. Pierre-Louis Moudenc n'écrit pas dans les grands journaux, et pourtant il le mériterait. Il assure la chronique littéraire de Rivarol, ce qui ne peut que l'ostraciser. D'ailleurs dans la préface de ce livre, Pol Vandromme souligne " Ma fréquentation de Rivarol est épisodique, mais je connais assez ces positions politiques pour pouvoir dire que son révisionnisme met parfois mal à l'aise mon anticonformisme. " mais " Dans la pensée (de P.L. Moudenc) , rien qui aille trop loin ; dans le ton, aucune pente qui incline à l'excès. "
A la lecture de ces chroniques sur des écrivains très divers allant de Debord à Houellebecq en passant par les énervés de la belle époque ( Bloy, Huysmans, Mirbeau) et autres polémistes (Nabe, Céline, Gripari, Maulnier ...), les poètes (Alfred de Vigny, Verlaine) et bien d'autres on ne peut que constater qu'il est un merveilleux critique littéraire.
Peu importe pour lui l'opinion politique de l'écrivain, seul compte la qualité littéraire. D'ailleurs s'il éprouve quelques intérêts pour Houellebecq qui n'a pour " seule vertu (...) d'aller à contre-courant.De mobiliser contre lui les tartuffes et les professionnels de la bonne conscience. D'entamer, la brèche fût-elle infime, la forteresse de la pensée unique. Le reste à savoir son oeuvre littéraire, ne vaut guère la peine qu'on s'y attarde "
P.-L Moudenc est tout de même intéressé par ces pamphlétaires, polémistes qui font défaut aujourd'hui, par ces écrivains de la trempe de Bloy ; d'ailleurs le portrait de ce dernier est magnifiquement chroniqué. En quelques pages il réussi à résumer la vie de ces artistes avec sa sensiblerie mais en étant délicieusement objectif.
Remarquablement écrit , ce livre nous invite à d'autres lectures et à découvrir des écrivains délaissés ou oubliés par les grands média comme Christopher Gerard, Marcel de Corte, Jean Parluvesco.