La crise économique n’a pas épargné le bois de Boulogne, au point même d’en modifier la physionomie. Dans les buissons, le long des allées, sont apparues au fil des mois, de nouvelles prostituées venues de Roumanie, de Bulgarie… Et même, très récemment, d’Espagne.
Sur les 848 ha du bois, où se croisent jour et nuit quelque 180 travailleuses et travailleurs du sexe, homosexuels, travestis et « classiques » venus pour beaucoup de Centrafrique, d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique du Sud, la concurrence fait rage. Plus que jamais.
Les « nouvelles » sont plus jeunes, pratiquent des prix inférieurs à ceux proposés par les « anciens ». Et, surtout, elles bénéficient de l’appui de réseaux particulièrement bien organisés. « Les Roumaines et les Bulgares ne respectent pas les codes », tempête une quinquagénaire, qui vient chaque jour garer sa camionnette hors d’âge rue de la Reine-Marguerite, la déplaçant au rythme des interventions policières. « Déjà que c’est de plus en plus dur de travailler! Les clients négocient, rechignent à payer le prix demandé, et les filles de l’Est viennent en rajouter en demandant 20 € ou 30 € de moins que nous. » Depuis la fin de l’année 2010, l’allée de Longchamp est désormais la chasse gardée des jeunes Roumaines. Quelques-unes ont pris leurs quartiers sur les boulevards des Maréchaux, mais c’est bien au bois de Boulogne qu’elles sont les plus nombreuses. « Elles ne travaillent pas seules : elles sont surveillées. C’est tout un business! » souligne une prostituée, qui revendique son indépendance et s’agace du « trafic » qui s’exerce sous ses yeux.
Dès les premières heures de l’après-midi, parfois même plus tôt, des voitures chargées de jeunes Roumaines s’arrêtent allée de Longchamp. Elles en sortent en groupe et prennent immédiatement position le long de la route, prenant soin de ne jamais se mêler aux autres prostituées. Les hommes du clan, eux, ne sont jamais loin et défendent farouchement le territoire de celles qui sont sommées de leur remettre le fruit des prestations sexuelles.
« Ces réseaux balkaniques, apparus depuis peu au bois de Boulogne, sont extrêmement bien organisés, souligne un policier. Ce sont le plus souvent des affaires familiales. Les jeunes filles sont contraintes à la prostitution par leurs propres parents. Tout cela, conclut-il, crée de vives tensions avec la population du bois… » Voilà quelques mois, une jeune femme roumaine, frappée et contrainte à la prostitution par son mari, est venue — fait rare — porter plainte au commissariat du XVIe arrondissement : son époux menaçait de s’en prendre à leurs enfants, restés en Roumanie, si elle refusait de se soumettre à son diktat. Il a pu être interpellé.
Le Parisien - 15/11/11