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Robert Brasillach - Poèmes de Fresnes

CHANT POUR ANDRÉ CHÉNIER (1774-1944)

Debout sur le lourd tombereau,
A travers Paris surchauffé,
Au front la pâleur des cachots,
Au coeur le dernier chant d'Orphée,
Tu t'en allais vers l'échafaud,
O mon frère au col dégrafé!

Dans la prison où les eaux suintent
Près de toi, les héros légers
Qui furent Tircis ou Aminte,
Riaient de ceux qui les jugeaient,
Refusaient le cri et la plainte,
Et souriaient aux noirs dangers.

La chandelle jetait aux murs
Leurs ombres comme à la dérive.
Les cartes et les jeux impurs
Animaient les jours qui se suivent,
Toi, tu rêvais d'un sort moins dur
Et chantais les jeunes captives.

Le soleil des îles de Grèce
Rayonnait au ciel pluvieux.
Perçait les fenêtres épaisses,
Et les filles aux beaux cheveux
Nageaient autour de toi sans cesse
Sur les vagues, avec les dieux.

Tu souhaitais dans les nuits noires
Une aube encor pour t'éclairer,
Pour pouvoir attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacrés,
Pour embarquer sur ta mémoire
Tant de trésors prêts à sombrer.

Avec les flots de l'aventure,
A travers les jours variés,
Les heures vives ou obscures,
Un siècle et demi a passé.
La saison est encore moins sûre,
Voici le temps d'André Chénier.

Sur la prison fermée et pleine
Un monde encore a disparu.
O soleil noir de notre peine,
Une autre foule est dans la rue,
Comme dans la vieille semaine
Demandant toujours que l'on tue.

Dans la cellule où l'eau suinte
Un autre que toi reste assis,
Dédaigneux des cris et des plaintes,
Evoquant les bonheurs enfuis,
Et ranimant dans son enceinte,
Comme toi, les mers de jadis.

Au revers de quelque rempart,
Au fond des faubourgs de nos villes,
Près des murs dressés quelque part,
Les fusils des gardes mobiles
Abattent au jeu du hasard
Nos frères des guerres civiles.

J'entends dans les noirs corridors
Résonner des pas biens pareils
A ceux que tu entends encor
Jusque dans ton pâle sommeil,
Et comme toi le soir je dors
Avec en moi mon vrai soleil.


Près de nous tous, ressuscité,
Le coeur plein de justes colères,
Dans la nuit on t'entend monter,
Du fond de l'ombre froide et claire,
O frère des sanglants étés,
O sang trop pur des vieilles guerres

Et ceux que l'on mène au poteau,
Dans le petit matin glacé,
Au front la pâleur des cachots,
Au coeur le dernier chant d'Orphée,
Tu leur tends la main sans un mot,
O mon frère au col dégrafé...


15 novembre 1944.

Poèmes de Fresnes

Robert Brasillach

 

Commentaires

  • Condamné à mort comme "ennemi du peuple",André Chénier est guillotiné le 25 juillet 1794,immolé sur l'autel de la Terreur lui, l'amoureux de la beauté antique !

    Robert Brasillach connaissait bien la belle poésie d'André Chénier et ce "frère au col dégrafé" qui écrivait lui aussi de sa prison...

    " Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
    Animent la fin d'un beau jour,
    Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
    Peut-être est-ce bientôt mon tour.
    Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
    Ait posé sur l'émail brillant,
    Dans les soixante pas où sa route est bornée,
    Son pied sonore et vigilant,
    Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.
    [...]"

    Merci, chère Gaëlle, de nous donner à lire ceux qui sont vilipendés par les infâmes de la Terreur actuelle!

  • Merci a Gaelle pour ce beau poeme!
    Andre Chenier et Brasillach victimes tous les deux.
    Est-ce que Chenier figure encore dans les livres des ecoliers?
    Est-ce qu'on arretera un jour de joindre le nom de collabo a celui de Brasillach?

  • @ Nelly: je ne sais pas, je l'espère! Les cycles reviennent... comme le retour des saisons.

    Robert Brasillach est venu se livrer pour sa mère qu'on menaçait de jeter en prison.

    Quelques années plus tard, il échappait au poteau.

    Honte à De Gaulle qui a fait fusiller un grand poète!

  • @ tania: je crois qu'André Chénier, qui n'était pas contre certaines réformes de la monarchie, avait refusé de voter la mort du Roi.
    Mais je peux me tromper.

  • Merci Gaelle et Tania pour ces hommages émouvants.

    On ne peut évoquer A. Chénier sans sa "belle Tarentine"

    Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés,
    Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez.

    Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine.
    Un vaisseau la portait aux bords de Camarine.
    Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement,
    Devaient la reconduire au seuil de son amant.
    Une clef vigilante a pour cette journée
    Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée
    Et l'or dont au festin ses bras seraient parés
    Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
    Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
    Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
    L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots,
    Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.

    Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine.
    Son beau corps a roulé sous la vague marine.
    Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher
    Aux monstres dévorants eut soin de la cacher.
    Par ses ordres bientôt les belles Néréides
    L'élèvent au-dessus des demeures humides,
    Le portent au rivage, et dans ce monument
    L'ont, au cap du Zéphir, déposé mollement.
    Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes,
    Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,
    Toutes frappant leur sein et traînant un long deuil,
    Répétèrent : « hélas ! » autour de son cercueil.

    Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée.
    Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée.
    L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds.
    Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux.

  • Je vous remercie, Décée, pour ce si beau poème de Chénier. Je le connaissais, au lycée autrefois on l'apprenait, et je comptais le poster demain. Mais vous m'avez précédée et c'est très bien!

  • Quel émouvant poème que "La Jeune Tarentine" !

    Merci à Décée !

    Souvenirs de lycée aussi pour moi,Gaëlle !
    L'étudie-t-on encore ?

    La référence à Thétis devait être chère à Brasillach, lui qui écrivit un si beau "Présence de Virgile".

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