Tel est le titre du dernier livre publié par Pierre Milloz, qui fut l'auteur du fameux rapport sur le coût de l'immigration, le premier du genre. Cette fois cet auteur traite un sujet plus vaste. Il montre que la Vè République, rompant avec la ligne suivie par tous les régimes qui l'ont précédée, n'a pas pour politique d'affirmer la personnalité française face au monde extérieur. Depuis les années 1970, ses gouvernants successifs s'efforcent au contraire, au nom de l'idéologie cosmopolite et de la fraternité universelle, d'estomper cette personnalité française, comme si son objectif était de fondre le pays dans l'humanité.
La préférence nationale : une évidence de la monarchie et de la République
La manière dont elle a éliminé la notion de « préférence nationale » est révélatrice. De tous temps, dans tous les pays, il a paru naturel de favoriser les nationaux par rapport aux étrangers. En France une telle préférence a toujours existé.
Elle portait sur les droits politiques qui étaient tout naturellement réservés aux Français.
Elle portait aussi sur les droits civils. On n'évoquera ici que l'un des exemples cités par P. Milloz. celui de l'article 11 du Code Civil. Cet article est très intéressant car il pose explicitement le principe de la préférence nationale : il n'accorde à l'étranger d'autres droits civils que ceux dont, en vertu d'un traité, peut jouir le Français dans la nation dont relève le dit étranger. Autrement dit, en l'absence de réciprocité diplomatique, le Code Civil dénie tout droit civil à l'étranger.
La préférence portait enfin sur les droits publics et semi-publics (droit d'aller et venir, de travailler, de participer à la vie sociale etc. comme les nationaux). L'auteur fait ici un inventaire des innombrables textes qui depuis le XIVè siècle se sont succédé pour maintenir les étrangers dans une situation minorée (et surtout pendant la Révolution et la IIIè République).
Après 1945 l'idée cosmopolite a commencé à s'imposer
Or après 1945 l'idée cosmopolite a commencé à s'imposer. Dès 1948, la Cour de Cassation donnait de l'article 11 du Code Civil une interprétation qui revenait à l'abroger puisqu'elle décidait contre la lettre même du texte qu' « il est de principe que les étrangers jouissent en France des droits qui ne leur sont pas spécialement refusés ».
Dans le domaine des droits publics, le retournement fut plus grave car il touche à l'âme de la Nation : en 1972 intervenait la loi Pleven, présentée comme une loi antiraciste, mais qui, sous prétexte de prohiber les discriminations, assimile le patriotisme au racisme et interdit de distinguer entre un Français et un étranger. Or interdire de distinguer entre les membres et les non-membres d'un groupement, supprimer la frontière entre le dedans et le dehors, confondre l'intérieur et l'extérieur, c'est condamner le groupement à se dissoudre dans le monde. Et en attendant la France est un pays où préférer un compatriote est un délit qui vous conduit en correctionnelle !
En matière de droits politiques aussi, le principe de la préférence nationale fut abandonné et c'était la première fois dans notre histoire : les étrangers citoyens d'un Etat de l'UE et résidant en France participent depuis 1992 à l'élection de certains de nos parlementaires (directement pour le Parlement européen, indirectement pour le Sénat).
Abandon des politiques démographiques et naturalisations massives
P. Milloz montre aussi que cette volonté de dissoudre la spécificité française s'est manifestée dans les domaines de la démographie et de la nationalité.
Le vieillissement de la population française appelait dès la fin du XIXè siècle un effort de redressement auquel la IIIè République ne se consacra qu'en 1939 avec le Code de la famille. Ce Code dont les ambitions natalistes étaient avérées eut dans les 15 années qui suivirent la fin de la guerre des résultats remarquables. Malheureusement la Vè République en affaiblit la vigueur dès les années 1960 : le pourcentage des prestations familiales sur le PIB qui était de 3,4% en 1950 était descendu à 2,2 en 1970 et à 1,9 en 2002, soit une diminution de 45%.
Renonçant donc à la politique énergique du Code de la Famille, nos gouvernants s'efforcent de combler notre déficit démographique en se tournant vers l'étranger. La politique des naturalisations en est une première manifestation. Limitées autrefois à quelques unités (Ancien Régime) ou à quelques milliers (débuts de la IIIè République), les naturalisations furent multipliées de 1927 à 1939 : on atteignit alors le chiffre de 50.000 par an que le régime de Vichy, qui en avait entrepris un examen rétroactif, entérina pour 97%. De 1945 à 1981, les gouvernements s'en tinrent au même ordre de grandeur. La présidence Mitterrand accrut un peu ce chiffre qu'elle porta à 62000 par an. Mais ce sont les présidences de Jacques Chirac qui bouleversèrent les données du sujet puisque la moyenne annuelle fut portée à 132.000 (avec des pointes à 168.000 en 2004 et 155.000 en 2005), soit trois fois et demi le chiffre du général de Gaulle, plus du double de celui de Mitterrand. Immigration de peuplement et « intégration »
L'accueil fait à l'immigration actuelle est une autre manière d'atténuer la spécificité française. M. Milloz montre que le mot immigration couvre des réalités différentes. La France avait affaire avant la guerre à une immigration de travail où les femmes ne représentaient qu'une minorité, d'un effectif modéré et comprenant des populations de culture et de religion voisines des nôtres. Autant d'atouts propres à favoriser l'assimilation des arrivants.
Aujourd'hui il s'agit au contraire d'une immigration de peuplement où les femmes font la moitié des arrivants, dont les entrées annuelles atteignent le double de celles d'avant-guerre et dont la proximité culturelle ethnique et religieuse est faible. Et surtout on peut dire qu'il s'agit d'un de ces mouvements tectoniques de populations comme il s'en produit dans l'histoire de l'humanité. Comme on a vu les Germains poussés par les Asiatiques menacer Rome ou les Européens déferler sur les Amériques, on voit aujourd'hui le continent africain très peuplé et relativement pauvre chercher tout naturellement dans une Europe peu peuplée un espace de vie meilleure. Il appartiendrait aux Européens d'aider l'Afrique à se développer jusqu'à éliminer la tentation du départ.
Mais l'idée cosmopolite refuse cette analyse. Elle prétend interpréter l'immigration des quarante dernières années comme elle interprétait les modestes arrivées de Belges, d'Italiens, de Polonais et elle entend l'encourager : le décret Chirac de 1976 instituant le droit au regroupement familial est de ce point de vue symbolique d'une politique cosmopolite de l'immigration.
C'est une politique qui ne prétend même plus rechercher l'assimilation des arrivants et souhaite seulement leur « intégration », sans jamais clairement définir cette notion et qui a pour ligne directrice d'accepter la submersion progressive de la population ancienne par une population nouvelle et la substitution future de la seconde à la première : il apparaît que d'ores et déjà les immigrés, seconde génération comprise, représentent quelque 20% de la population résidente.
L’idéologie cosmopolite : libérer l'homme en l'arrachant à son enracinement
Quelle est donc l'ultima ratio de cette idéologie cosmopolite ? Selon P. Milloz, le cosmopolitisme n'a pas spécifiquement la nation comme objectif, il ne l'atteint qu'au titre d'une ambition plus large. Il veut libérer l'homme en l'arrachant à son enracinement, en l'extrayant de son clan, en le soustrayant aux impératifs des traditions et des normes reçues des générations antérieures. Il appelle l'homme à mettre en valeur ce qu'il a de commun avec ses semblables et qui fait sa singularité et sa noblesse dans la création : sa capacité de jugement, la liberté qu'il a d'échapper aux programmes dont il est porteur. Pour jouir de cette liberté, il lui faut échapper à la diversité des usages, notamment nationaux, et ainsi atteindre à l'universel.
Quoi qu'il en dise, le cosmopolitisme vise ainsi une dépersonnalisation de la société des hommes : la nation n'est pas seule visée par cette pensée, le sont aussi bien d'autres aspects de l'activité humaine. P. Milloz montre notamment comment l'idée cosmopolite peut influer sur la création artistique (musique, architecture, peinture) en la privant de tout enracinement et en la portant à l'abstraction.
Cette forme de pensée, si on revient à l'organisation sociale, a pour objectif fondamental d'obtenir le déracinement (qu'elle estime libérateur) de l'homme en rompant le lien de filiation ou plus exactement en contestant la signification que l'humanité attribue depuis ses origines à ce lien, c'est à dire en brisant la solidarité entre les générations. P. Milloz cite entre autres une phrase d'un conseiller de l'actuel président de la République très représentative de ce courant de pensée et qui contribue à expliquer l'évolution de la politique de la France depuis une quarantaine d'années : « En République, la filiation est juridique et non biologique ».
L'ouvrage de P. Milloz original par ses recherches historiques l'est donc aussi par le souci d'expliquer la politique contemporaine par une analyse de la philosophie cosmopolite.
Guillaume Benec’h
27/02/2012
Pierre Milloz Cosmopolitisme ou la France, éd. Godefroy de Bouillon, 2011 - 236 pages, 24 €
Correspondance Polémia – 1/03/2012
Commentaires
Voilà un excellent travail de Pierre Milloz. Malheureusement ce qu’il dénonce est fait en catimini, avec la complicité des grands médiats qui cachent la réalité. Et le bon peuple ne se rend compte de rien, croit toutes les balivernes dont on l’abreuve, et quand les catastrophes lui tombent sur la tête, il ne comprend pas ce qui se passe !
Merci Gaëlle pour cette importante note.
" Il appartiendrait aux Européens d'aider l'Afrique à se développer jusqu'à éliminer la tentation du départ."
L'analyse est bonne, et constitue une partie de la réponse. Mais il est évident que la vitesse du phénomène nous empêchera de réussir en si peu de temps, la mise en place de leur développement. L'Asie a pu, mais l'Afrique c'est autre chose : ce n'est même pas la peine d'y penser, une telle solution, même en plusieurs siècles, ils ne seront pas se développer.
Qu'ils fassent ce qu'ils veulent, ils sont adultes : s'ils souhaitent crever de faim sans savoir se réguler ( ce que les animaux eux font naturellement parfois), c'est leur problème.
La vie c'est être responsable de sa progéniture et savoir la protéger, l'élever, dans de bonnes conditions, prévoir les manques et ne pas dépasser ses capacités à entretenir plus de vies d'enfants quand on n'a pas cette possibilité matérielle de le faire.
Qu'ils fassent 2 gosses et sachent les nourrir et les élever.
Au delà, c'est leur problème.
Armons nos frontières et faisons respecter nos Lois à coup de fusils de guerre s'il le faut.
Là, ils ne viendront plus nous pourrir le Monde.
Comme dit Sarko :
"Grâce à moi, la France a beaucoup changé".
Oui, à 200000 colons légaux par an en plus sans compter les illégaux (un bon tiers de plus), sur 5 ans, cela change beaucoup la France.
Avec toute intention de tromper les gens en 2007 et de continuer à le faire demain : le plus possible, le plus longtemps possible.
Telle est leur devise. Et d'autres sont là pour prendre sa relève!
On les voit partout noyautant les sphères du pouvoir.
Tout cela avait été prévu et dénoncé.