La bataille des Glières du 26 mars 1944, symbole de la Résistance commémoré chaque année par Nicolas Sarkozy, ne serait-elle qu'une légende créée de toutes pièces ? Cette thèse, soutenue par de nouvelles recherches historiques, suscite la polémique en Haute-Savoie.
"Un des blasons de l'histoire millénaire et héroïque de la nation", a écrit d'elle l'académicien Max Gallo, une "grande et simple histoire", disait l'ancien ministre de la Culture André Malraux, ou simplement la "première bataille de la Résistance", selon le site de l'Association des Glières : le plateau des Glières, que Nicolas Sarkozy visite tous les ans depuis 2007, a une histoire moins simple qu'il n'y paraît, si on en croit le résultat de nouvelles recherches qui suscitent une vive émotion.
Mythe
Au coeur de la polémique se trouve la thèse de Claude Barbier, soutenue en novembre 2011 à La Sorbonne devant un jury de spécialistes de la période, Olivier Wieviorka, Jean-Pierre Azéma, Pascal Ory, Gilles Vergnon et Jean-Marc Berlière. Ce docteur en histoire de 47 ans, qui a eu accès à des archives jusque-là inexploitées, écorne sérieusement la version officielle des événements. "Il n'y a pas eu de bataille à Glières", assène-t-il. "Ce qui est appelé la bataille des Glières le 26 mars 1944, ce sont 2 maquisards tués et un autre blessé lors d'une reconnaissance offensive d'un détachement allemand de 30 à 50 hommes", ajoute-t-il.
L'accrochage n'a d'ailleurs pas lieu sur le plateau lui-même, mais à côté. Et quand les Allemands montent sur le plateau, le lendemain, les maquisards ont fui. Le mythe de la bataille serait né, sur fond de guerre psychologique entre Vichy et la France libre, de deux télégrammes envoyés par un agent des services secrets français "dont le contenu était totalement imaginaire". Repris sur les ondes de Radio Londres, cela donne une bataille de 14 jours durant laquelle 500 Français résistent à 12 000 Allemands. Un "bilan extravagant" qui s'est imposé "parce que Glières offrait une vision valorisante des Français pendant la guerre", dans la droite ligne du "mythe gaulliste d'une France en résistance", estime Claude Barbier.
"Le vocabulaire de Vichy"
Des mots qui ne plaisent pas aux dirigeants de l'Association des Glières, chargée de faire vivre l'héritage du maquis, qui chahutent régulièrement le chercheur au cours de ses conférences. À Annecy, début mars, l'ancien sénateur Jacques Golliet a ainsi dénoncé un travail à l'interprétation "un petit peu biaisée", évoquant "l'état d'esprit" des archives de Vichy dont "il est difficile de se remettre". Le général Jean-René Bachelet, président de l'association, critique, lui, "une démarche de notaire pointilleux et chagrin". "Ergoter autour du mot bataille est assez dérisoire au regard des enjeux", dit-il, accusant Claude Barbier de reprendre le "vocabulaire de Vichy" qui parlait de "légende".
Balayant ces polémiques, Jean-Marc Berlière, professeur émérite à l'université de Bourgogne, prédit au contraire "un extraordinaire tournant historiographique" sur la période. "Pendant 60 ans, on a vécu sur des équations fausses. Grâce à l'ouverture des archives et à une nouvelle génération d'historiens qui ne s'autocensurent plus, on va fortement nuancer et corriger ce qui a été écrit" sur l'Occupation, promet-il. "Petit à petit, un certain nombre d'événements vont apparaître pour ce qu'ils sont : des mythes, des légendes", assure-t-il.
Le Point - 19/03/12
Commentaires
Je ne connais pas cette histoire, mais le plus vraisemblable c’est que la fameuse bataille des Glières soit une légende. Tous ces faux résistants en ont construit, des légendes !