Nadine Morano, ancien ministre de l’Apprentissage, est candidate de l’UMP dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle. En duel face à un candidat socialiste, elle en appelle aux électeurs du Front national, avec lesquels elle estime avoir des valeurs communes (voir note 1 en fin d’article). Pour elle, Marine Le Pen est un interlocuteur respectable. Concernant des accords possibles, elle juge indispensable de mettre en place « le plus large rassemblement possible » pour faire barrage à la gauche.
Entretien de l’hebdomadaire Minute du 13 juin 2012 avec Nadine Morano.
Minute : Dimanche soir, vous avez lancé un appel aux électeurs du Front national, au nom des valeurs communes que vous partagiez avec eux. Maintenez-vous cet appel ?
Nadine Morano: Au moment où je vous réponds, je sors d’un débat avec mon opposant socialiste sur France 3 qui vient de dire qu’il en appelle aux électeurs républicains… Je suis choquée par cette analyse, car pour moi, les électeurs du Front national n’ont pas à être rejetés de la République. Alors oui, comme pour le second tour de la présidentielle où l’ensemble des patriotes devaient voter pour la droite, j’appelle tous les électeurs – dont ceux du FN – à se reporter sur ma candidature et sans état d’âme, car il en va de l’avenir de la France.
À quelles valeurs pensiez-vous, précisément ?
Lorsque je fais campagne sur le terrain, j’entends ce que me disent les électeurs du Front national, notamment en milieu rural où ils sont attachés au respect de nos traditions, à notre culture, à notre identité nationale. Je suis opposée au droit de vote des étrangers dans notre pays et ils me rejoignent sur cette position – comme beaucoup d’électeurs de gauche, d’ailleurs !
Je suis attachée depuis toujours à une véritable intégration, qui impose la maîtrise de l’immigration ; et là aussi, je sens une adhésion qui dépasse les frontières de l’UMP.
Lorsque ma famille politique évoque le renforcement des accords de Schengen pour protéger les frontières extérieures de l’Europe, il y a encore une convergence de points de vue sur ce sujet. Je précise qu’il est faux de cantonner des électeurs du Front national aux seules questions de l’immigration, ils expriment leurs inquiétudes et leurs souffrances face à un contexte économique mondial qui les effraie.
Un sondage Opinion Way révélait récemment que les deux tiers des électeurs de l’UMP souhaitent des alliances avec le Front national. Comprenez-vous ce désir de la base ?
Nos électeurs sont souvent étonnés qu’en France on tolère des alliances entre le PS, l’extrême gauche et les Verts qui prônent la légalisation du cannabis… Nous, nous ne parlons pas d’alliance, mais de respect des électeurs du Front national, méprisés et rejetés par la gauche dans le camp des anti-républicains. Vous constaterez que le cas tout à fait exceptionnel de ma circonscription est révélateur : le candidat FN, parachuté, totalement inconnu, et malheureusement décédé avant le premier tour, a réuni près de 17 % des voix. Cela démontre non pas l’adhésion à un candidat, mais bien aux thématiques que j’évoquais auparavant.
Certains politiques ou commentateurs ne partagent pas votre avis…
Evidemment, il y a de nombreux points de désaccord avec le Front national, notamment sur les questions économiques, voire de société. Mais je rejette l’idée que les électeurs du Front national ne soient pas des démocrates !
Que répondez-vous à ceux qui évoquent le « front républicain » face au Rassemblement bleu Marine ?
Je constate que le parti socialiste n’a aucun scrupule à s’allier avec l’extrême gauche et à fermer les yeux sur certaines de leurs idées comme la légalisation du cannabis, le soutien de M. Mélenchon à la dictature cubaine ou à une certaine part d’ombre de leur histoire.
Les électeurs sont libres et responsables de leur choix. Pour ma part, je suis gaulliste et patriote, je ne partage pas l’idéologie socialiste, je n’appelle donc pas à voter pour eux.
Votre démarche est-elle comparable à celle de plusieurs candidats UMP qui, arrivés troisième dans une triangulaire, sont prêts à se désister pour faire battre la gauche socialo-communiste ? Je pense à Étienne Mourrut, dans le Gard, ou Rolland Chassain, en Arles…
Pour les raisons que je viens d’évoquer, je n’appelle pas à voter pour une personne qui défend un programme politique que je juge dangereux et insoutenable pour la France. Pour l’instant, c’est le moment des cadeaux électoraux de la gauche, mais bientôt, la facture sera salée pour nos compatriotes. Nous ne pouvons pas les laisser faire.
Additionnés, les résultats de l’UMP et du FN dépassent ceux de la gauche (50,5 % au premier tour). Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’admettre que Marine Le Pen a fait le nécessaire pour « dédiaboliser » son parti et que, ce faisant, comme le disait justement Nicolas Sarkozy, elle est « compatible avec la République » et devient, pour reprendre les mots de Gérard Longuet, « un interlocuteur possible » ?
Si Marine Le Pen n’était pas un interlocuteur, elle ne serait pas invitée à débattre sur les plateaux de télévision. J’ai moi-même débattu plusieurs fois face à elle. A ce que je sache, le Front national n’est pas interdit par la République.
Etes-vous favorable à l’union des droites contre la gauche et l’extrême gauche ?
Je ne veux pas que nous nous retrouvions dans la situation de l’Espagne ou de la Grèce, avec des dépenses publiques inconsidérées qui nous mèneraient à la ruine. Le véritable enjeu, c’est de faire gagner la France : pour cela, il faut un rassemblement le plus large de la droite et du centre.
Propos recueillis par Patrick Cousteau
Note (1) – Nadine Morano et les électeurs du Front national : les valeurs communes. Dimanche soir, Nadine Morano a lancé un appel « clair et assumé » aux électeurs du Front national, pour le second tour des législatives, dans la cinquième circonscription de Meurthe-et-Moselle où, avec 34,33%, elle est devancée par son adversaire socialiste Dominique Potier (39,29%). « Il y aura un duel droite-gauche. Nous aurons à défendre des valeurs respectives. J’en appelle très clairement aux électeurs du Front national qui partagent nos valeurs à se retrouver sur ma candidature », a lancé l’ex-ministre de l’Apprentissage.
La candidate UMP a ensuite expliqué sa démarche : « Ce n’est pas une question d’accord, mais une question de partage de nos valeurs : la maîtrise de l’immigration, le refus du droit de vote des étrangers, ne pas financer l’assistanat et la reconnaissance de la valeur travail, la protection de nos frontières extérieures de l’Europe. Oui, je partage ces valeurs avec eux », Et de conclure : « Je n’ai pas d’état d’âme à en appeler aux électeurs du Front national. » Un geste fort, qui favorise l’union des droites et remise au placard le « cordon sanitaire » de la gauche, usé jusqu’à la trame.
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Après ces déclarations et cette interview, ce n’est pas étonnant que l’imitateur Gérald Dahan, qui a soutenu ouvertement François Hollande durant la campagne présidentielle, ait voulu piéger Nadine Morano jeudi en se faisant passer au téléphone pour Louis Aliot, n°2 du Front national.
En effet ces déclarations de Mme Morano mettent en danger le succès de l’ensemble PS, Europe Écologie – Les Verts, Front de Gauche, qui savent se soutenir lors des élections malgré leurs différences. Si le Front National et l’UMP savaient se soutenir ils pourraient gagner.
Mme Morano a répondu qu’elle voit dans cette action de Gérald Dahan un contre-feu lancé après la tempête médiatico-politique déclenchée par le tweet de Valérie Trierweiler soutenant le candidat opposé à Ségolène Royal. Gérald Dahan n’a pas agit en humoriste, mais en “militant socialiste” a-t-elle ajouté.
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