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Présence de Georges Laffly - Par Jacques Aboucaya

 

 

Ce choix de Chroniques littéraires (1), trente-deux exactement, auxquelles viennent s'adjoindre quelques poèmes écrits entre 1950 et 1999, rappelle opportunément  le souvenir de Georges Laffly. Né à Blida en 1932, disparu en 2008, il fut un écrivain de race et un homme de fidélité. Dans sa préface, "Georges Laffly et son temps", Jean Madiran, qui fut son "employeur" à la revue Itinéraires, le situe de la meilleure des manières. Ceux qui n'ont pas eu la chance de l'approcher, ni même de lire ses écrits, peuvent se faire ainsi une juste idée de sa personnalité, avant de découvrir quel critique avisé il fut.

Trente-deux textes, donc, pour juger de son talent d'Aristarque. Ils ont paru dans plusieurs revues, Itinéraires, principalement, mais aussi Ecrits de Paris, Le Figaro littéraire et Le Spectacle du monde. Tous témoignent d'une vaste culture. D'un attachement profond à la langue française, qu'il manie en puriste, toujours soucieux du mot et de l'expression les plus adéquats à sa pensée. D'une probité qui lui interdit d'avancer tout jugement qu'il ne le justifie par des références parfois inattendues, toujours pertinentes. Et puis, comment ne pas admirer cette curiosité qui le pousse à s'intéresser à tous les sujets, fussent-ils aux antipodes de ses propres convictions, et à les aborder avec une probité qui force l'admiration ?

Sans doute cette disponibilité d'esprit, à une époque où prévaut le sectarisme, l'appartenance à un clan, est-elle ce qu'on retient d'abord de cette lecture. Non que Laffly fût dénué de convictions. C'est tout le contraire. Catholique fervent, il était, "de coeur et d'esprit, (...) de la famille contre-révolutionnaire (...), activement réfractaire à la "modernité" issue de la Révolution française", comme le note Jean Madiran.

La perte de son pays natal  (il avait trente ans en 1962) fut pour lui, comme pour bien d'autres, une blessure indélébile. Il avait lutté, notamment à La Nation française de Pierre Boutang, pour éviter le pire et la plaie ne se referma jamais. Il en avait conservé une amertume qui transparaît dans plusieurs de ses chroniques où il s'efforce toutefois d'analyser sans passion ce qu'il considérait comme une défaite tragique, mais non irrémédiable.

Se penchant, dix ans après l'indépendance, sur le sort des victimes,  pieds noirs, musulmans restés fidèles à la France, voici ce qu'il écrivait : "Les pieds-noirs ont eu leurs amis et leurs ennemis. Où en sommes-nous avec eux ? Des ennemis, autant parler brièvement. Puisque par situation, les "colonialistes" étaient odieux, toutes les armes furent bonnes contre eux, et cela continue merveilleusement. Quant à nos amis, il faut faire la vieille distinction : "il y a nos amis qui nous aiment, nos amis qui ne se soucient pas de nous, et nos amis qui nous haïssent" ("Ce que nous sommes devenus", Itinéraires N°164, juin 1972). Amertume, certes, mais aussi lucidité.

Bien entendu, on ne saurait réduire Georges Laffly à cet aspect. Sa réflexion s'exerce, je l'ai dit, sur les sujets les plus divers, envisagés souvent sous plusieurs angles, avec, toujours, une vision originale et un sérieux qui exclut tout esprit partisan. Ainsi en va-t-il du domaine religieux où son inflexibilité doctrinale ne l'empêche pas d'aborder des thèmes tels que la Gnose ou le Catharisme - fût-ce pour déplorer le regain d'intérêt qu'ils suscitent.

Sur le plan plus précisément littéraire, il balaie les siècles, s'intéresse aussi bien à Corneille qu'à Drieu La Rochelle, à Chateaubriand qu'à Barrès, à Gustave Thibon qu'à Chesterton , Montherlant ou Jünger. Sans oublier Maurras, "poète caché" ignoré des anthologies, ou Brasillach chez qui il observe "un émerveillement d'enfant". Sur chacun, il ouvre des perspectives parfois inattendues - et c'est en cela que sa culture est la plus remarquable.

Lui-même, en témoignent les pages ultimes de ce recueil, cultivait la poésie avec un talent certain. Qu'il renouvelle le thème du carpe diem, cher à Ronsard et à Corneille, ou, plus gravement, médite sur la "forteresse éternité", c'est toujours dans une langue riche, voire foisonnante, véhicule approprié aux mille nuances de sa pensée et de sa sensibilité.

Jacques Aboucaya

 

 Chroniques littéraires, de Georges Laffly. Via Romana (5, rue du Maréchal Joffre, 78000 Versailles), 384 p., 24 €.

 

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