C’est un dernier vestige de la guerre froide qui disparaît: la Bundesbank va rapatrier une grande partie de ses gigantesques réserves de métal jaune qu’elle entreposait à Paris, à Londres et à New York. L’annonce officielle en a été faite ce mercredi à Francfort au siège de la banque centrale allemande.
Alors que l’Allemagne est aujourd’hui l’État qui détient le plus d’or, derrière les États-Unis, soit quelque 3396 tonnes pour une valeur estimée de 143 milliards d’euros aux cours actuels, elle en conserve moins du tiers (1036 tonnes) dans son territoire. Le reste est entreposé en majorité à New York (1536 tonnes dans les caves de la Fed), alors que 450 tonnes sont logées à Londres à la Banque d’Angleterre et 374 tonnes à Paris dans les caves de la Banque de France.
Même si de nombreuses banques centrales ont pris l’habitude de faire garder leur métal précieux à l’étranger, essentiellement aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, la situation de l’Allemagne constitue une anomalie du fait de l’ampleur de ses réserves ainsi délocalisées.
Crainte d’une invasion soviétique
L’habitude remonte aux années 1950 et au «miracle économique» de l’après guerre quand la RFA s’est mise à accumuler des excédents commerciaux extérieurs et à convertir une partie de ses surplus financiers en métal précieux. La achats se sont fait au prix extraordinairement avantageux de 35 dollars l’once (cinquante fois moins que les cours actuels). Mais pour des raisons de sécurité, en clair la crainte d’une invasion soviétique, la Bundesbank a entreposé son or dans les banques centrales de pays amis.
C’est précisément l’explication invoquée ce mercredi par la Bundesbank de faire revenir son trésor sous ses cieux: la fin de la Guerre Froide ne justifie plus sa délocalisation.
En réalité cette décision répond à un mouvement politique bien ancré dans l’opinion publique allemande que la crise de la zone euro inquiète. Un groupe de pression civique s’est constitué il y a un an, «Rapatriez notre or», rassemblant des députés de la majorité CSU et FDP. La Cour des comptes fédérale a été saisie et elle a recommandé à l’été 2012 d’effectuer un audit sur la qualité des lingots d’or déposés à l’étranger, que ce soit «par la Bundesbank ou un vérificateur agréé». Étrange suspicion!
Un certain embarras
En pratique la Bundesbank a donc annoncé, lors d’une conférence de presse, qu’elle allait rapatrier une bonne partie de son or détenu à l’étranger, mais pas la totalité. Ainsi il est prévu de ne faire revenir que 300 tonnes sur les 1536 entreposées à New York. De même les réserves stockées à Londres y resteront. Il est vrai que la Buba avait déjà rapatrié quelque 900 tonnes des caves de la Banque d’Angleterre depuis l’an 2000. En revanche l’intégralité des 374 tonnes déposées dans les caves de la Banque de France seront ramenées en Allemagne, ce qui prendra les cinq prochaines années.
La Bundesbank justifie ces différences de traitement par le fait qu’elle pourrait éventuellement avoir besoin de changer ses réserves métalliques en devises, d’où le maintien d’une certaine quantité sur les places financières américaines et britanniques. Carl-Ludwig Thiele, le directeur de la Bundesbank, qui a présenté l’ensemble de ces mesures, n’a pu cacher un certain embarras. «La Banque de France reste un important partenaire, que nous remercions d’avoir gardé notre or», avant d’ajouter que cela ne devrait susciter «aucun problème diplomatique».
À une semaine du cinquantième anniversaire du Traité de coopération et d’amitié franco-allemand signé à l’Élysée en janvier 1963, c’est en tout cas une drôle façon de célébrer ses noces d’or.
Le Figaro - 16/01/13
Commentaires
Les Allemands n'ont peut-être pas très confiance dans l'étalon-tungstène.
pour la France , pas de souci , on n,a plus rien à rapatrier !!
salutations.