Il a neigé sur la France. En plein février. Il paraît même que, dans certaines régions, le thermomètre a plongé en dessous de zéro. Nouvelle horrificque, eût dit Rabelais. Les media nous en tympanisent. Ils découvrent que l'hiver, il fait froid. Ce ne sont que congères et chasse-neige, camions de travers sur les chaussées. Pour annoncer de tels cataclysmes, les reporters ont des accents de correspondants de guerre. Une ménagère témoigne devant une caméra, son balai à la main : "Ce matin, quand j'ai voulu faire démarrer la voiture, impossible ! Trente bons centimètres !" Elle en frémit encore. On ne sait comment tout cela tournera. La météo est pessimiste, les commentateurs arborent une mine grave.
Pour ne rien arranger, une mère de famille est soupçonnée d'avoir trucidé ses enfants. Les images de son pavillon de meulière, dans un quartier calme, tournent en boucle sur les écrans de télévision. Une voisine : "Jamais je n'aurais imaginé cela d'elle, elle me saluait quand nous nous rencontrions, une femme normale, quoi !" On attend avec quelque curiosité celui ou celle qui déclarera avoir toujours pensé que sa voisine était une infanticide en puissance. Mais rien ne vient.
Pendant ce temps, une sombre crapule alcoolisée jusqu'aux moëlles, au volant d'une voiture volée (un quatre-quatre, bien sûr. Pas une Smart), percute à grande vitesse le véhicule des gendarmes tentant de l'intercepter. Bilan, deux victimes "parmi les forces de l'ordre", selon les termes habituels. Et un troisième fonctionnaire en piètre état. Le conducteur est indemne, son passager aussi. Il n'avait pas son permis de conduire. Il a été placé, ainsi que son complice, en garde à vue.
Assassin ? Que nenni. Seulement "chauffard". Les media n'en démordent pas, qui, en d'autres circonstances, ne sont guère familiers de la litote et de l'euphémisme. Pourquoi tant d'indulgence ? Pourquoi ce refus d'appeler un chat un chat ? Si un lecteur de ce blog a la réponse, qu'il nous la donne...
Et puis, Dieu merci, il y a l'arrivée au PSG du footballeur Beckham. Sa suite dans un hôtel luxueux. Son salaire fabuleux, sa famille qui ne l'est pas moins. Aucun de ses faits et gestes ne nous est épargné. Rien de ce qui le concerne ne doit nous échapper. Superlatifs à la pelle. J'attends en vain un commentateur qui soulignerait l'indécence du règne de l'argent dans le sport devenu spectacle. Et, aspect encore plus déplaisant, la manière dont les Qatari sont en train de nous coloniser de manière rampante, avec l'aval des autorités qui leur déroulent le tapis rouge. Chut ! Les gens bien élevés se gardent d'aborder de telles questions.
Pas davantage n'ai-je entendu, dans la bouche ou sous la plume d'un journaliste, l'étonnement (pour le moins !) qu'un obscur sous-ministre soit toujours en poste après avoir commis l'énorme bourde d'annoncer à tort la libération de nos otages. Avec toutes les conséquences qu'on imagine, l'espoir déçu des familles, l'absence de crédibilité d'un gouvernement déconsidéré. Impudence, impunité, sentiment de toute-puissance.
Il est vrai que l'exemple vient de haut. Du Président, de son Premier ministre. Ils avaient annoncé, sur la dette, sur la croissance, des chiffres surs lesquels il n'était pas question de revenir. Promis, juré. Ils l'affirmaient avec de jolis mouvements de menton - même s'il était clair que ces promesses étaient fallacieuses. Des mensonges purs et simples.
Voici qu'ils reconnaissent la fausseté de leurs prévisions. Pour présenter à leurs compatriotes des excuses ? Reconnaître qu'ils les avaient trompés - ou, à tout le moins, qu'ils s'étaient trompés ? Pas le moins du monde. Avec les mêmes mouvements de menton. La même arrogance. La même certitude que, quoi qu'ils disent, quoi qu'ils fassent, les moutons qui les ont élus et qu'ils tondent jusqu'à la racine ne leur en tiendront aucune rigueur. A preuve, j'ai vu, de mes yeux vu, des paysans applaudir M. Hollande au Salon de l'agriculture.
Il n'empêche : les nouvelles sont mauvaises. Un nouvel "épisode neigeux", comme on dit en langage météo, est prévu pour les jours à venir. Autant dire que la fin du monde n'est pas loin.
Jacques Aboucaya
Commentaires
Voilà qui résume bien le climat actuel ! Le retour de bâton pourrait faire mal si les moutons se décidaient enfin à devenir enragés ! ...mais ça vient !
des paysans applaudissent Hollande , grand bien leur fasse , avec les bobos et autres zozos ,ils sont bien les seuls!!
salutations.
C’est l’image exacte de notre pays telle que nous la renvoient les médiats. Merci à Aboucaya pour ce brillant billet !