L’organiste française est décédée mercredi 27 février à l’âge de 86 ans. Instrumentiste remarquable et pédagogue recherchée, elle avait notamment inscrit la lumière de son jeu dans celle de Jean-Sébastien Bach.
Marie-Claire Alain aurait-elle pu ne pas embrasser la carrière musicale ? Fille du compositeur et organiste Albert Alain, sœur d’un autre compositeur et organiste de très grand talent, Jehan Alain – son autre frère Olivier étant également compositeur et historien de la musique ! –, elle fut dès le berceau « cernée » par les mélodies, les rythmes et les harmonies auxquelles elle a consacré sa vie.
C’est d’ailleurs comme assistante de son père à l’orgue de Saint-Germain-en-Laye qu’elle commence sa carrière publique : elle n’a alors que onze ans… Sa formation se poursuit de manière classique, au conservatoire de Paris où ses maîtres se nomment Maurice Duruflé, Simone Plé-Caussade et Marcel Dupré, formidable organiste à l’influence déterminante dans le milieu musical.
The Lady of the Organ
Fait remarquable pour une artiste française, Marie-Claire Alain voit rapidement son parcours s’élargir aux horizons internationaux. À partir des années 1950, sa notoriété en Europe, aux États-Unis (où on la surnomme « The Lady of the Organ ») puis en Asie, au Japon notamment devient aussi forte qu’en France, plus peut-être…
Dans un univers très masculin, cette femme qui maîtrise en virtuose les claviers, pédaliers et jeux de la « merveilleuse machine » se hisse au plus haut niveau, impressionnant et séduisant les mélomanes par la claire lumière qui émane de ses interprétations. Son intérêt pour le répertoire baroque, de Buxtehude à Couperin, nourrit une approche déliée et colorée des partitions, même les plus sonores, même les plus romantiques et spectaculaires.
Familière de l’œuvre de Jean-Sébastien Bach dont elle enregistrera à trois reprises l’intégrale des pièces d’orgue, elle dédie au génial compositeur allemand une académie, alliée à un festival, à Saint-Donat dans la Drôme. « À tort, beaucoup conçoivent l’œuvre de Bach comme une musique rigide et mathématique, déplorait-elle. Or il est vital de ne pas se laisser prendre à la dialectique et contrer l’émotion. »
"C’est l’orgue qui demande du travail, ce n’est pas Bach !"
À Saint-Donat, la musicienne dispense ses cours comme dans maints autres centres de formation dans le monde, notamment en Suisse, à Romainmôtier, où elle invite ses élèves à toucher l’instrument de la famille Alain, spécialement restauré. Car Marie-Claire Alain fut autant une pédagogue recherchée qu’une concertiste exceptionnelle dont les disques se vendirent à des millions d’exemplaires. Sa collaboration artistique et amicale avec Maurice André contribua à familiariser le grand public avec la musique d’orgue dont le souffle céleste, tantôt diaphane tantôt titanesque, s’accorde si bien à celui de la rayonnante trompette.
En dépit de sa notoriété et de ses multiples engagements, Marie-Claire Alain conservait une âme d’artisan, soucieuse du moindre détail, peaufinant à l’infini son immense répertoire qui s’étendait jusqu’à Messiaen. Avant un concert sur un instrument inconnu, elle déclarait sans ambages : « C’est l’orgue qui demande du travail, ce n’est pas Bach ! Chaque orgue est spécifique et exige que l’on y adapte son jeu, sa sonorité, sa technique… Pour chaque concert que je donne, je suis obligée de retravailler chaque œuvre selon l’instrument que j’ai. »
Marie-Claire Alain avait mis un point final à sa carrière en 2010, après plus de 2 500 concerts et quelque 250 disques gravés.
EMMANUELLE GIULIANI
La Croix
Commentaires
Merci Gaëlle pour ce rappel. Les médias (TV et radio) n'en ont pas parlé à ma connaissance. Il est vrai que la mort du bouffon Hessel les a mis dans tous leurs émois !
...et quelle puissance elle a mis dans ses interprétations de Bach !