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Chavez embaumé: comment fait-on pour rendre un corps "éternel" ?

INTERVIEW - Le Venezuela s'apprête à embaumer le corps de son défunt président Hugo Chavez pour pouvoir l'exposer au peuple dans un cercueil en verre. Comment fait-on pour rendre un corps éternel ? Les explications pour MYTF1News d'une thanatopracteur.

MYTF1News : qu'est-ce que l'embaumement ou la thanatopraxie ?

Claire Sarazin, thanatopracteur depuis 15 ans à Belfort et directrice d'une école de formation dans le Doubs
: Ces deux termes désignent exactement la même chose. En fait le terme thanatopracteur est un néologisme apparu en France dans les années 60' avec l'arrivée de cette pratique venue d'Angleterre. Ce terme a été choisi pour se démarquer de l'embaumement qui, dans l'imaginaire collectif, fait référence aux momies égyptiennes.


Dans la pratique, la thanatopraxie est un embaumement chimique qui consiste à injecter dans le circuit artériel un produit à base de formaldéhyde qui va venir remplacer le sang et les liquides du corps, que l'on aura drainés au préalable. Cela permet d'éliminer tous les foyers potentiels de bactéries et de pouvoir présenter un corps dans de bonnes conditions d'hygiène et de sécurité pendant plusieurs jours. Ensuite on fait toujours un peu de cosmétique pour redonner des couleurs au corps.

MYTF1News : Vous avez recours à des produits de maquillages spéciaux ?
C.S. :
Les maquillages standards, que vous trouvez en Institut ou en parfumerie, sont faits pour interagir avec une peau vivante, une peau qui respire, qui transpire, etc.... Nous avons donc recours à des maquillages spéciaux, qui sont faits pour agir sur une peau morte.


MYTF1News : Combien de temps un corps peut-il être conservé ?
C.S.
: Il faut bien distinguer deux choses : la conservation et la présentation du corps. L'embaumement chimique au formol que l'on utilise en France et partout dans le monde permet de conserver un corps pendant des années. Les facultés de médecine peuvent ainsi conserver des corps pendant dix ans. En revanche, cette conservation ne veut pas dire que le corps reste présentable.


Les effets du formol sur le corps à long terme font qu'il va stopper sa décomposition, mais, en revanche, il va se dessécher sur lui-même car il n'est plus hydraté et devenir tout gris. En général, les soins de conservation faits par les thanatopracteurs sont faits pour que le corps reste présentable le temps de la veillée par sa famille. On peut tirer ce délai jusqu'à deux semaines maximum, et encore, cela impliquera de faire des retouches de maquillage. Après, ce n'est pas raisonnable.

MYTF1News : On peut pourtant voir aujourd'hui les corps de Staline ou Lénine, des années après leur mort. Et ce sera bientôt le cas d'Hugo Chavez...
C.S :
Pour ces cas particuliers, les embaumeurs ont recours à d'autres techniques beaucoup plus radicales qu'un simple soin de conservation. Lénine ou Staline sont des momies sur lesquelles un gros travail de restauration à la cire est fait régulièrement. A mon avis, si on enlève cette cire, il ne reste plus grand-chose en-dessous. C'est peut-être cette technique qui sera utilisée pour Hugo Chavez. Une autre solution peut être la plastination. Cette technique, mise au point par Gunter Von Hagens, consiste à tremper le corps dans des polymères. Cela assure une conservation définitive du corps, par contre, il aura l'air d'être en plastique.... C'est un choix.


MYTF1News : D'où vient cette pratique de l'embaumement ?
C.S. :
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les premiers embaumements n'ont pas eu lieu en Egypte. D'ailleurs les égyptiens ne pratiquaient pas l'embaumement en vue de la présentation des corps ; c'était simplement un rite religieux qui permettait d'atteindre l'autre monde. Normalement nous n'aurions jamais dû voir les momies des pharaons. La pratique de l'embaumement en vue de la présentation du corps remonte à l'époque précolombienne, en Amérique du Sud, avec les Incas, les Mayas et les Jivaros.

Plusieurs techniques étaient utilisées : certains pratiquaient l'éviscération, d'autres, comme les Jivaros, réduisaient les têtes qu'ils remplissaient ensuite de résine fabriquée à l'aide de plantes que l'on trouve dans la forêt amazonienne. D'autres, encore, enlevaient la peau des morts pour la placer sur des statues en terre. Ce sont évidemment des techniques qui ne sont plus utilisées de nos jours. Aujourd'hui, partout dans le monde, on procède par injection de produits conservateurs.

MYTF1News : Comment devient-on thanatopracteur ?
C.S.
: On peut faire cette formation sitôt la scolarité terminée. Dans un premier temps, il s'agit d'une formation théorique sanctionné par un examen national. Si cet examen est réussi, alors on entre dans la phase pratique de la formation et on suit un thanatopracteur pendant un an avant d'être évalué. A l'issue de l'évaluation, un bulletin paraît au bulletin officiel du ministère de la Santé et on apparaît sur la liste officielle des thanatopracteurs. Nous sommes aujourd'hui environ 2.000 à posséder le diplôme, mais seulement 700 à pratiquer.


MYTF1News : Comment expliquer cet écart entre le nombre de diplômés et le nombre de thanatopracteurs en activité ?
C.S. :
Il y a un taux d'abandon important au cours de l'année de pratique auprès d'un thanatopracteur professionnel ou dans les trois mois qui suivent l'obtention du diplôme. Cela s'explique tout simplement parce que c'est un métier très dur qui implique beaucoup de sacrifices : on n'a pas d'horaires, peu de vie privée, et il faut tenir moralement et physiquement. On travaille seul, on est face à la mort tout le temps... Après c'est une question d'habitude, c'est une pratique technique, mais cela ne veut pas dire que l'on perd notre sensibilité.


MYTF1News : Où exercent les thanatopracteurs ?
C.S. :
Nous sommes des sous-traitants des pompes funèbres. La thanatopraxie se pratique dans les funérariums, dans les morgues ou bien directement chez les particuliers. Nous sommes des itinérants.

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