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Vocabulaire

 

 Billet d'humeur  de Jacques Aboucaya

  

 Je vis de bonne soupe et non de beau langage 

 Molière, Les Femmes savantes, II, 7

 

 

  

 Notre pays s’appauvrit. Son langage aussi. Qui ne voit la corrélation ? Naguère encore, la France était puissante, dans les domaines politique et économique. Dans celui de la culture dont elle fut longtemps le phare en Europe. Sa langue, unanimement admirée pour sa richesse. Sa clarté. Sa fluidité. Sa capacité à traduire les plus infimes nuances de la pensée. Nous avons changé tout cela. Sans doute le « Progrès » exige-t-il cette cure d’amaigrissement qui réduit notre vocabulaire et le soumet, à l’instar de notre économie, aux diktats des Anglo-Saxons.

 

 

 

Des exemples ? Ils abondent. Singulièrement dans le monde de l’entreprise qui semble insensible au grotesque. Ainsi n’est-on plus touché par un événement, mais « impacté », ce qui peut empêcher de réaliser un projet – pardon, de l’ « implémenter ». A condition toutefois d’en obtenir l’autorisation, je veux dire d’ « avoir le go ». Si c’est un refus, ce sera le « no go ».  On pourrait continuer ainsi pendant des pages. Je  tiens à la disposition des incrédules des pièces à conviction accablantes. Quel Molière moderne brocardera ce jargon et ses utilisateurs ?

 

 

 

Encore plus affligeant, l’indigence langagière dont font preuve les journalistes. La majorité de ceux qui officient dans les media disposent à peine de quelque centaines de mots. Rien de plus irritant que ces approximations permanentes.  Ces solécismes. Cette ignorance des règles élémentaires de la syntaxe et de la sémantique. Elles dénotent, de la part de gens qui sont censés posséder la maîtrise de l’expression, ce qui est  le moins que l’on puisse exiger d’eux, une inculture crasse et néanmoins satisfaite. Bien sûr, cette dégradation fait tache d’huile. Comment inculquer aux enfants le respect de la langue, et le respect tout court, quant le laxisme fait loi partout?

 

 

 

Hier encore, une oiselle, envoyée spéciale d’une radio en Terre Sainte, informait ses auditeurs que le Pape allait « donner une messe ». Dieu du ciel ! « Donner » une messe… Comme une rock star « donne » un show au Stade de France. La pécore ignorait manifestement qu’une messe se célèbre. Ou encore se dit. Inutile de préciser que tout sens du sacré, toute dimension spirituelle semblaient étrangers à la donzelle. Ce que confirmait, du reste, la teneur de son commentaire.

 

 

 

Sur la même station d’information (coïncidence ?), deux médiocres infatués sévissent tous les matins pour refaire le monde, à grand renfort de démagogie facile. Passons sur le contenu souvent peu ragoûtant de leur propos  pour nous en tenir à la forme. Ils ont intitulé une de leur rubriques récurrentes « Le Pays d’Hollande ». Oui, vous avez bien lu : d’Hollande. Ils ignorent, ces barbares, que le français dispose de deux H, le muet et l’aspiré. Qu’on doit dire la hache et non l’hache, et le hérisson plutôt que l’hérisson. Ils n’en ont cure. Ils plastronnent. Se gargarisent de leur insuffisance. Pis encore : quel auditeur, sollicité pour donner son avis d’expert universel (telle est la nouvelle radio), s’en offusque ? De quoi s’indigner, évidemment. Mais, comme disait Beaumarchais, « dépêchons-nous d’en rire avant que d’avoir à en pleurer ».

 

 

 

Sur ce, chers lecteurs, et pour prendre congé, je ne saurais que vous dire, à la mode du temps, cet « à plus » qui m’irrite les oreilles. Mais je vous épargnerai au moins les insanes « bisous » qui polluent désormais toutes les couches de la société.

 

  

Jacques Aboucaya

 

 

 

Commentaires

  • Cet intervenant, écrivain de surcroît, qui semble maîtriser de façon toute voltairienne, notre langue française me remplit de plaisir!

    Je m'en vais voir de suite quelle est son œuvre littéraire, récemment vantée par Gaëlle, sur une librairie de la toile...

  • La langue francaise a suffisamment de vocabulaire sans avoir a y ajouter des mots anglais qui ne conviennent pas toujours..
    Je suis toujours surprise d'entendre en France "sweet" shirt pour dire "sweat " shirt..Il est vrai que la prononciation de la langue anglaise nous joue bien des tours..( mais une chemise sucree...:-)
    Quant aux bisous, a mon avis c'est mignon quand ils sont petits, mais les gros bisous ca fait un peu vulgaire!

  • Je me suis régalé à lire le billet d’humeur de jacques Aboucaya ! Quelles vérités il dénonce. Quand on martyrise notre langue, c’est le pays et le peuple de France, tout entiers, que l’on fait souffrir !

  • @ abad: Jacques Aboucaya m' a envoyé ce texte ce matin et je suis fait un plaisir de le publier!

    Ses "Dernières Nouvelles du Jazz" ont beaucoup de succès!

  • @ François-Marie: vous n'avez qu'à regarder dans la colonne de gauche du blog, dans la liste Livres, revues ! Cliquer sur la couverture du livre et vous aurez tous les renseignements.

  • Ah ! et vingt sous dans ma tirelire, je commence :
    Il faut citer le grand criminel Churchill à propos de la généralisation de l anglais : "L utilisation généralisée de l anglais serait pour nous un gain bien plus durable que l annexion de grandes provinces" 1943.
    L usage de mots anglais exprime la volonté le plus souvent inconsciente, de se référer a des modèles qui ne sont plus ceux de son groupe social, de sa culture, rejetés au profit d un autre modèle que l on s est appliqué, par bourrage de crane massif, à nous montrer comme plus prestigieux.
    Par ailleurs, le délitement de notre langue correspond à un large projet en place depuis de nombreuses années. Les mots étant le vecteur de la pensée, la réduction du vocabulaire entraine automatiquement une régression dans l expression de la pensée, un frein à la capacité conceptuelle et par là au raisonnement. L Education Nationale tailladant dans les heures de Francais, l exercice de la dictée et de la lecture, autorisant les fautes d orthographe au Bac, est bien devenue la "Fabrique de crétins" dénoncée par Brighelli.
    A qui profite le crime ? réponse facile.

  • Merci pour cet article et son message auxquels j'adhère.

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