Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La leçon de la chute de l’Empire romain

Rome-Forum_romanum.jpg

 

 

08/06/2014 – PARIS (via le blog de Guillaume Faye)
Lisez d’urgence La chute de Rome, fin d’une civilisation, de Bryan Ward-Perkins, traduit de l’anglais chez Alma Éditeur. Cet ouvrage de l’historien, universitaire et archéologue britannique, est un pavé dans le jardin de l’idéologie dominante. La thèse défendue, avec toutes les précautions de langage d’un éminent professeur à Oxford, au rebours de toute l’historiographie bien pensante contemporaine, est que la chute de l’Empire romain, de la romanité, fut un recul de civilisation, une régression qu’il faudra plus de dix siècles pour rattraper. Et encore…

La thèse de Ward-Perkins renoue avec le sentiment d’admiration qu’on avait pour l’Antiquité gréco-romaine, pensée comme supérieure, du Moyen-Âge nostalgique au XIXème siècle. Selon l’auteur la « post-romanité », à partir du catastrophique Vème siècle, c’est-à-dire le début du Moyen-Âge, fut une régression de la civilisation dans pratiquement tous les domaines. Voire même, dans certaines régions, comme la Grande-Bretagne, un retour à l’âge de fer…

Les conclusions de Ward-Perkins, essentiellement fondées sur les plus récentes recherches archéologiques, mais aussi sur l’épigraphie et le décryptage des textes du Bas-Empire, ont de quoi choquer. On les croyait oubliées, tant l’idéologie pollue la recherche historique. Les historiens médiévistes (“la grande clarté du Moyen-Âge”) essaient de nous persuader que leur période fut la naissance d’une “autre” civilisation, qu’il n’y eut pas recul et déclin, mais transition progressive. Non, pour l’historien d’Oxford, il y eut un effondrement dans tous les domaines, dont on mettra plus de dix siècles à se remettre.

En réalité, le haut Moyen-Âge fut pour lui une période de régression de civilisation dans pratiquement tous les secteurs : technique, économique, démographique, sanitaire, culturel … Le niveau de vie et de confort de la “bourgeoisie” de l’Empire romain, de la cour impériale aux casses moyennes, (par exemple, chauffage central, égouts et eau courante) ne sera retrouvé qu’à l’aube des temps modernes. En l’an 100, 50% de la population des Gaules savait lire et écrire, même imparfaitement ; en l’an Mil, à peine 1%. Les techniques architecturale, sculpturale, picturale de l’Empire ne furent retrouvées progressivement qu’entre le XIIème et le XVIème siècle. Les infrastructures routières et les vitesses de transports terrestres du IIe siècle ne seront égalées qu’au XVIIIème siècle. Il fallut attendre le début du XIXème siècle pour que des villes, comme Londres, dépassent le million d’habitant, alors que Rome et Alexandrie atteignaient les deux millions à l’apogée de l’Empire, au IIème siècle.

 

"La chute de Rome, fin d’une civilisation", de Bryan Ward-Perkins

La chute de Rome, fin d’une civilisation”, de Bryan Ward-Perkins

Même Charlemagne, auteur de la ”renaissance carolingienne”, qui voulut succéder aux Empereurs romains en se faisant couronner en 800 dans une Rome en ruine et dépeuplée, et rétablir l’éducation de la jeunesse, était un semi illettré. Le Moyen-Âge (du Vème au XVème siècles, mille ans) fut, pour l’historien et archéologue, un âge de déclin brutal et de très lente renaissance.

Les causes de cette chute de l’Empire romain, c’est-à-dire d’une civilisation supérieure, furent provoquée non pas tant par des facteurs endogènes (crise économique, christianisation et abandon du paganisme) que par les invasions barbares, notamment germaniques, qui désorganisèrent et ravagèrent la complexe organisation de l’immense Empire, qui s’étendait des marches de l’Écosse au Moyen-Orient. Dans la partie occidentale de l’Empire, ce furent les invasions germaniques qui s’avérèrent responsables de la régression, et dans la partie orientale, un peu plus tard, les invasions arabo-musulmanes. La catastrophe s’étala du IVème au VIIIème siècle.

À notre époque où la notion de progrès est intouchable, quoi qu’on en dise, Ward-Perkins se demande pourquoi la notion de déclin est rejetée. Pour lui, c’est le signe d’un aveuglement et d’un optimisme obtus. Le mérite de l’historien anglais est aussi de réhabiliter la notion de ”civilisation” face à celle de barbarie, ce qui est un scandale face à l’idéologie actuelle, égalitariste, ”ethnopluraliste”, pour laquelle toutes les ”cultures” se valent.

En cela, Ward-Perkins conteste donc le concept germanique et égalitaire de kultur, selon lequel tous les peuples sont égaux dans leurs productions historiques, pour lui opposer le concept de civilisation, fondamentalement gréco-romain, selon quoi les peuples sont inégaux. Vaste débat.

Bien sûr, l’essai de Ward-Perkins peut choquer parce qu’il réhabilite l’image de ”la grande nuit du Moyen-Âge”, qui n’est pas acceptée par les historiens actuels. Il peut aussi inspirer les auteurs d’uchronie qui pourraient penser que si l’Empire romain ne s’était pas effondré, au Vème siècle, Louis XIV aurait surfé sur Internet. On ne refait pas l’histoire. Si la civilisation antique gréco-romaine ne s’était pas écroulée du IVème au VIIème siècles sous le double choc des invasions germaniques et arabes, le niveau technologique des XXème et XXIème siècles aurait peut-être été atteint dès l’an Mil.

Citons, pour conclure, sans commentaires, le diagnostic de l’historien britannique :

« J’affirme que les siècles post-romains connurent un déclin spectaculaire de la prospérité économique et de modèles élaborés, et que ce déclin frappa l’ensemble de la société, de la production agricole à la haute culture et des paysans jusqu’aux rois. Un effondrement démographique se produisit très probablement, et l’ample circulation des marchandises de qualité cessa tout à fait. Des outils culturels de haut niveau, tels que l’écrit, disparurent de certaines régions et se restreignirent dans toutes les autres. » Pour l’auteur, « l’hypertrophie que prennent les thématiques religieuses » participent du déclin intellectuel de l’Antiquité tardive et du haut Moyen-Âge.

Il lui semble très nocif « d’éliminer toute notion de crise grave et de déclin dans la vision que l’on a du passé. Cela me semble dangereux, aujourd’hui et maintenant ». Il s’en prend en ces termes à l’aveuglement des élites contemporaines :

« La fin de l’Occident romain s’accompagna d’un grand nombre d’horreurs et d’un processus de dislocation tel que j’espère sincèrement ne jamais m’y trouver confronté dans ma vie présente. Une civilisation complexe fut détruite, ramenant les habitants de l’Occident à des manières de vivre telles qu’aux temps préhistoriques. Les Romains, avant la chute, étaient aussi convaincus que nous le sommes, nous aujourd’hui, que leur monde resterait, pour l’essentiel, tel qu’il était. Ils avaient tort. À nous de ne pas répéter leur erreur et de ne pas nous bercer d’une fallacieuse assurance. »

Photo Une : Forum antique de Rome. Crédit : Jean-Christophe Benoist via Wikipédia (cc).

Commentaires

  • Voici une thèse qui mériterait bien des critiques tant elle est caricaturale, aussi bien sur les "horreurs" (rappelons la légende de la "pax romana" et le génocide d'1 million de "Gaulois" par les Légions romaines, sur une population de 7 millions, les déportations, décimations, crucifixions des rebelles…) que sur le recul général dans tous les domaines techniques. Nos grands médiévistes français (Jacques Heers, Jacques Le Goff..) ont rendu justice à cette grande période de gestation que fut le Moyen-âge. C'est la décadence interne, le pourrissement des moeurs, le métissage, l'avènement d'une religion d'esclaves qui précipitèrent la chute de l'Empire. Les Germains, peuples guerriers beaucoup moins "barbares" qu'on l'a écrit (que les Romains ont écrit !) n'eurent qu'à pousser la porte pour achever une bête bien malade !
    L'histoire n'est pas linéaire, mais cyclique et rien ne disparaît totalement du cycle antérieur.

  • De votre avis. Mais ce texte peut provoquer un débat.
    L'auteur oublie les grandes épidémies de peste noire qui décimèrent les peuples européens. Presque de moitié, à ce que j'ai lu.

    L'histoire n'est pas linéaire, je suis bien d'accord avec vous. Mais il est difficile de le faire comprendre.

  • Point de discours inutiles . Il suffit de comparer un texte de Cicéron ou de Sénèque à du Grégoire de Tours . Il y eut entre eux une révolution prolétarienne .

  • Mettons les points sur les i :
    - le déclin de l'Empire , c'est l'inclusion en son sein de populations moins performantes que celles qui favorisèrent son extension .
    Tout est dit . Comprenne qui pourra .
    - une confirmation : QI moyen dans le Nord du continent : 99
    QI moyen dans le Sud : 93
    sans tenir comptez des apports récents , lesquels font chuter les moyennes d'antan .
    La lutte des classes est une lutte des races .
    Hegel et Marx , c'est de la théologie chrétienne laïcisée . A la poubelle ( malgré quelques analyses mémorables )
    Nous ne sommes pas fils de Sem .

  • L'incontournable Edward Gibbon avait remarqué la relative clémence des "barbares" Alaric, Genséric et Théodoric vis à vis des richesses de Rome :
    "Les Goths évacuèrent Rome le 6ème jour, les Vandales le quinzième jour/.../ Leur assaut précipité n'aurait eu que peu d'effet sur les Monuments solides de l'Antiquité. Nous devons nous souvenir qu'Alaric et Genséric affectèrent de respecter les constructions de la ville; que celles-ci subsistèrent dans toute leur force et leur beauté sous le gouvernement attentif de Théodoric…"
    "Le reproche que l'on adresse aux barbares innocents s'applique avec beaucoup plus de raison aux catholiques de Rome. Les statues, les autels, les temples des démons étaient une abomination à leurs yeux; et une fois que la ville fut en leur pouvoir absolu, ils travaillèrent avec zèle et persévérance à détruire complètement toutes les marques d'idôlatrie de leurs ancêtres/.../ il est probable que ce crime, ou ce mérite, doit être imputé, dans une certaine mesure, aux prosélytes romains." Edward GIBBON - Histoire du déclin et de la chute de l'empire romain.
    C'est ce qu'Albert appelle "révolution prolétarienne" et d'autres "bolchevisme de l'antiquité".
    Quant à la Renaissance, elle s'évertua davantage selon Jacques Heers à exhumer les cimetières des premiers temps du christianisme que les vestiges païens, les temples et les théâtres.
    A lire : "Le Moyen-âge une imposture" de Jacques Heers, salutaire entreprise de démystification des mille ans qu'on appelle Moyen-âge, c.a.d. de la chute de l'empire romain d'Occident jusqu'à la découverte de l'Amérique.

  • de l,empire Romain à nos jours , notre civilisation a fait de grands progrès dans nombre de domaines . .!!
    processus de dislocation et horreurs sont en vue . .!!
    salutations.

  • Excellente et très juste analyse de Ward Perkins : la civilisation romaine était bien supérieure à celle du Moyen-Age sur tous les plans : littéraire, philosophique, scientifique, médicale et technique. Par exemple, c’est dès le premier siècle de notre ère que la machine à vapeur fut inventée par le grand savant Héron d’Alexandrie. On peut regretter qu’elle ne fut pas utilisée comme moyen de production et de déplacement. Et il fallut attendre le XVIIème siècle pour que Denis Papin retrouve cette invention. Mais il est vrai dans les monastères les moines et les abbesses réussirent à sauvegarder quelques éléments essentiels de la pensée gréco-romaine, voire de les développer. C’est ce qui a permis de donner naissance à notre civilisation lors de la Renaissance, si bien nommée !

Les commentaires sont fermés.