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Le billet d’humeur de Jacques Aboucaya

  

Précision liminaire et pas inutile : je ne déteste pas le football, je l’ai même pratiqué dans ma jeunesse. Les propos qui suivent ne sauraient donc être imputés à un vieux grincheux, ennemi déclaré du sport. Mais trop, c’est trop. Cette coupe du monde dont on nous tympanise depuis des semaines et dont nous n’avons pas fini d’entendre parler, pour peu que l’équipe de France parvienne en demi-finale, voire en finale (à l’heure où j’écris, le match contre notre adversaire le plus proche, l’Allemagne, n’est pas encore joué), cette coupe du monde, donc, m’exaspère au plus haut point.

 

Avant même que la compétition ne soit engagée, le cas Ribéry avait mobilisé tous les media. Ribéry, c’est ce sympathique joueur qui met, avec quelques autres, un point d’honneur à ricaner pendant la Marseillaise, et qui dispose au mieux de trois cents mots de vocabulaire pour exprimer ses pensées profondes. Ira ? Ira pas ? Les journalistes retenaient leur souffle sinon leurs commentaires. Le sort du pays semblait dépendre de cet homme prétendu providentiel et que terrassait un mal mystérieux « pour l’essentiel d’ordre psychologique » (sic).

 

Ce fut ensuite l’épopée proprement dite, suivie quasiment minute par minute. Les Bleus ont embarqué pour le Brésil, ils sont en vol, ils vont atterrir, ils atterrissent, ils gagnent leur hôtel, ils vont s’entraîner à huis clos. Le tout filmé, commenté par une nuée de reporters. Pas un journal télévisé qui ne s’ouvre sur ces informations de la plus haute importance. Rien qui nous soit épargné, des moindres détails tactiques aux considérations les plus sentencieuses sur l’état d’esprit ou les problèmes (ah, les problèmes !) des mercenaires qui sont censés nous représenter. Autant d’oracles recueillis avec dévotion, diffusés toutes affaires cessantes.  Commentaires, supputations ad nauseam.

 

Le tout ponctué de conférences de presse données par un entraîneur – pardon, un coach – auteur de sentences qui méritent de passer à la postérité. Ainsi, interrogé sur le point de savoir si ses joueurs étaient sensibles, avant de rencontrer l’Allemagne, au contentieux historique entre les deux pays, il répondit par un argument imparable, un brin dédaigneux à l’encontre du journaliste qui avait osé poser une question aussi incongrue : ils n’en connaissant rien, puisqu’ils n’étaient pas nés ! Ce qui va loin et démontre l’inanité de l’enseignement de l’histoire. Comment parler de Napoléon, alors qu’il y a de moins en moins de personnes qui l’ont rencontré ? C’était déjà ce qu’observait Alphonse Allais. Et le même Deschamps de conclure par cet immortel aphorisme : « Quand t’es pas né, t’es pas né ». Qui pourrait le nier ? A graver dans le marbre.

 

Pendant ce temps, la guerre sévit un peu partout. Le chômage augmente. Les promesses du Pouvoir restent toujours lettre morte. Qu’importe, la France joue au ballon. Le Président a organisé à l’Elysée un raout mondain à l’occasion du premier match. Depuis la commémoration du débarquement de juin, il prend goût aux cérémonies et aux réceptions. On recueille ses commentaires. Il paraît qu’il est fin connaisseur et que ses appréciations sont judicieuses. Il verra, annonce-t-on, le quart de finale en compagnie de lycéens. Qui oserait prétendre qu’il est loin des préoccupations du peuple ? Du reste, il gagne des points dans les sondages. Si nos footballeurs sont champions, il crèvera le plafond. La liesse sera générale. Ainsi va le peuple qui, jadis, passait pour le plus spirituel de la terre.

 

J.A.

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Merci à Jacques Aboucaya pour cet excellent billet d’humeur qui rétablit les choses à leurs justes valeurs !

  • Cher abad, c'est toujours un grand plaisir de le lire!

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