Le 12 septembre 2014
Le « droit des peuples » est la face marketing de la division du monde en une hiérarchie d’États subordonnés à la volonté de l’Oncle Sam.
Le référendum du 18 septembre sur l’indépendance de l’Écosse trouble les esprits. D’un côté, l’Écosse a toutes les qualités requises pour s’en sortir seule : une superficie double de celle de la Belgique, une population cinq fois plus importante que celle de Chypre, du pétrole, une grande surface maritime, des industries développées, le tourisme, la culture, etc., sans parler des joyaux de la couronne écossaise, tout près à Édimbourg.
Trois cents ou quatre cents ans de domination anglaise ne sont rien. La plupart des nations d’Amérique du Sud sont devenues indépendantes après avoir été des colonies pendant un temps comparable.
Le choix appartient-il aux Écossais ? Dans le monde tel qu’il est, le « droit des peuples » est la face marketing de la division du monde en une hiérarchie d’États subordonnés à la volonté de l’Oncle Sam. Il peut, si ça lui chante, remettre en cause l’adéquation du contenu (un peuple) avec le contenant (un État) comme dans le cas de la découverte intéressée d’un peuple kosovar. Se prévaloir du « droit des peuples » n’a donc que peu d’utilité si ce peuple n’est pas reconnu, c’est-à-dire voulu, par la puissance hégémonique. La panoplie des États indépendants doit rester l’expression de la domination américaine. D’où la réciproque que toute retouche au canevas issu en partie de l’époque coloniale (comme le prouvent les frontières de l’Afrique ou du Proche-Orient tracées à la règle sur une carte) ne doit se faire que dans son intérêt. Ainsi l’Algérie fut retranchée de la France et la Yougoslavie dépecée. La seule ombre au tableau est la survie d’un groupe d’États issus du bloc socialiste.
D’où la troisième règle qui découle de la maxime « divide et impera » : favoriser l’éclatement des adversaires et empêcher celui des vassaux. La reconnaissance d’un peuple et de ses aspirations à l’indépendance n’est que la résultante de ces considérations. Les identités produites par l’Histoire, les langues et autres particularismes sont pour nos décideurs planétaires un réservoir dans lequel ils puisent selon l’opportunité. Ce qui aujourd’hui n’est que folklore peut, demain, devenir une aspiration légitime à l’indépendance – et inversement.
L’indépendance de l’Écosse est donc néfaste pour le bloc atlantique, parce qu’elle tend à affaiblir un allié important et zélé des États-Unis. Elle constitue un précédent délétère pour d’autres États amis comme le Canada, la Belgique, l’Espagne et même la France, tant que celle-ci marche droit. Les indépendantistes voient en Londres un autre Bruxelles qui pompe les ressources et décide en négligeant les intérêts locaux. Jusqu’ici, Cameron a fait miroiter des avantages fiscaux, pleurniché sur la « famille » et averti qu’une Écosse infidèle ne pourrait pas profiter de la livre. Il ne fait cependant aucun doute que d’autres menaces vont pleuvoir si les Écossais persistent. Le rétablissement de la France pourrait bien passer par le soutien à l’Écosse libre.
Gérard Poitrenaud
BOULEVARD VOLTAIRE
Commentaires
Les banques menacent déjà de déménager en cas de vote OUI, la mosquée d'Edimbourg appelle ses fidèles à voter non, l'OTAN s'inquiète, l'UE menace, le chantage à la "balkanisation" de l'Europe revient à la surface, comme si elle n'existait pas déjà, en pire, avec la vassalisation vis à vis des USA…
Vive le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à se fédérer (sur le modèle suisse!) sur un vrai projet de restauration de la civilisation européenne, riche de ses vraies diversités (et non des "diversités" exotiques imposées) ! Il est impératif pour tous les indépendantistes, nationalistes, autonomistes, etc…d'inscrire profondément leur projet dans le cadre de la souveraineté et de l'indépendance européennes. Faute de quoi, ce ne sera que des coups d'épée dans l'eau !