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Les Flamands au Pays de Galles

Haverfordwest

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Ruines du château de Wiston, bâti par un certain Flamand Wizo , sur le vieux modèle des mottes féodales nombreuses en Flandre.

 

http://www.castlewales.com/wiston.html

 

 

 

 

Avant de savoir où tu vas, apprends à savoir d’où tu viens.

 

Guillaume le Conquérant

 

 

 

Hastings 1066, le Duc Guillaume de Normandie, dit Guillaume le Bâtard, à la tête d’une armée de Normands bat le roi saxon Harold II et devient roi d’Angleterre. C’est souvent par ces quelques mots que se résume cet épisode fondamental – et fondateur – de l’histoire d’Angleterre, constituant par ailleurs la dernière conquête réussie de ce pays.

 

Guillaume respectait ainsi la promesse du roi Edouard le Confesseur, roi d’Angleterre, mort en 1066, qui l’avait désigné comme héritier du royaume, Harold s’étant posé en usurpateur.

 

Guillaume avait épousé en 1053 Mathilde, fille du comte de Flandre  Baudouin V. Normandie et Flandre étaient fortement liées par cette union. Mathilde est  connue pour la célèbre Tapisserie[1] qui lui est attribuée et qui relate cet épisode historique. Ce qui est moins connu, c’est le rôle et le poids  de très nombreux compagnons d’armes et mercenaires flamands de Guillaume, dont les conseils avaient grandement facilité la victoire d’Hastings. Par reconnaissance pour ce service, Guillaume versera à son beau père le Comte de Flandre une rente annuelle de 300 marks or. Mais il fit bien plus. Il attribua aux nobles flamands qui l’avaient soutenu, quantité de possessions et de titres de noblesse dans toute l’Angleterre. C’est le souvenir de ces Flamands oubliés, et noyés dans le qualificatif «Normands » ou « Anglo-normands »  que nous allons évoquer.

 

  

La conquête de l’Angleterre dura de 1066 à 1070. Les Normands et leurs compagnons d’armes devaient faire face à des révoltes incessantes  de la population anglo-saxonne autochtone. Les Flamands, particulièrement belliqueux commençaient à poser problème aux successeurs de Guillaume, dont son plus jeune fils, le roi Henri I, dit Beauclerc, qui régna de 1100 à 1135. Afin de rétablir le calme, il incita tous les mercenaires flamands dispersés sur le territoire anglais, à se regrouper dans un district à la pointe sud-ouest du Pays de Galles, le district de Dyfed, qui deviendra ultérieurement le Comté de Pembrokeshire. Le roi Henri II, le premier des Plantagenets  qui régna de 1154 à 1189 était également remonté contre les Flamands, accusés d’avoir choisi un parti féodal d’opposition. Il leur donna à choisir entre le retour dans leur pays d’origine ou une installation dans le Pembrokeshire. La dernière solution était la plus simple.

 

  

De tout temps, les Gallois, population celte, avaient résisté avec succès aux tentatives de conquête des Vikings et des Anglo-saxons. Sous le roi Offa (757-796), ils avaient érigé une muraille défensive de 240 km entre leur territoire et celui des Anglais, connu sous le nom d’ Offa’s dyke, toujours frontière aujourd’hui entre le Pays de Galles et l’Angleterre.

 

Il était de coutume pour les Anglais de couper les oreilles de tout Gallois découvert à l’est de la digue, et pour les Gallois de pendre tout Anglais découvert à l’ouest.

 

En 1066, l’avancée normande vint buter sur cet ouvrage, et les tentatives faites pour le franchir rencontrèrent une farouche résistance des Gallois, qui maintinrent leur indépendance jusque vers le milieu du 13e siècle. Le dernier prince gallois indépendant fut tué, sa tête tranchée et envoyée à Edouard I. Jusqu’à la fin du 11e siècle, le pouvoir des Normands resta limité à quelques châteaux-forts dispersés dans le sud-ouest du Pays de Galles. Mais, ce que la soldatesque normande ne pouvait faire, les colons flamands envoyés au Pembrokeshire le réalisèrent.

 

  

De nouveaux immigrants venus du Comté de Flandre, qui connaissait alors une certaine surpopulation et de graves inondations, vinrent s’installer autour de ces premières fortifications et entreprirent d’occuper peu à peu les terres fertiles du sud après en avoir expulsé les populations autochtones. Afin de se protéger des incessantes incursions galloises, les Flamands construisirent de très nombreuses fortifications, dont certaines ruines existent toujours. Il s’agissait de constructions en bois et en pierre érigées sur des tertres en terre, à l’instar des terpen frisons. Afin de sécuriser la frontière entre le sud du Pays de Galles conquis et occupé par les Flamands soutenus par les Normands, et le nord gallois, c’est ainsi une ligne de plus de 50 fortifications qui fut érigée. Cette « frontière » est connue sous le nom de  Landsker Line, signifiant en norrois « séparation ». Elle reste la frontière linguistique entre l’anglais et le gallois. Parmi ces châteaux-forts, signalons celui d’Haverfordwest, construit par Tancrède, le chef d’un groupe de mercenaires flamands arrivés là en 1108, ainsi que celui de Wiston. Le village de Wiston qui se trouve sur cette limite tire son nom de Wizo, le chef d’un groupe de colons flamands. Le château-fort de Wiston fut pris, incendié et repris à plusieurs reprises, notamment par Walther, le fils de Wizo,   puis détruit définitivement en 1220. Citons également les châteaux forts de Flimby, issu du nom Flemingeby, Tenby, Letterston du Flamand Letard Littleking, etc…

 

  

La présence des Flamands dans le sud du Pembrokeshire a laissé des traces dans les archives. Voici le témoignage élogieux de Giraldus Cambrensis, dit Gérard de Galles, un prêtre gallois de l’époque:

 

« Les habitants de cette région sont originaires de Flandre et ont été amenés là par le roi Henri I pour s’y fixer. C’est un peuple intrépide et vigoureux, toujours très hostile aux Gallois ; un peuple, je l’affirme, très expert dans l’industrie et le commerce de la laine ; un peuple à la recherche du bénéfice, aussi bien sur terre que sur mer, ceci en dépit de la fatigue et du danger. C’est une race forte, qui sait aussi bien manier la charrue que l’épée, un peuple courageux et heureux. »

 

Dans une chronique du 13e siècle, le ton de l’auteur est moins amène. Il évoque « un certain peuple d’origine étrangère qui a d’étranges habitudes. Celui-ci s’est rendu maître du district de Rhos, à l’embouchure de la Cleddau et en a chassé toute la population ».

 

Les Flamands conservèrent pendant plus d’un siècle leur langue et leur identité raciale, mais furent ensuite submergés par l’anglais. Le dialecte parlé au sud du Pembrokeshire, son vocabulaire introuvable ailleurs et son accent particulier, est unique en Angleterre et intrigue les spécialistes, en raison probablement de ces anciens apports flamands.

 

En 1603, dans son œuvre considérable sur la description du Pembrokeshire, Georges Owen note ce qui suit :

 

« La région de Rhos, Castlemartin, Narbeth et la plus grande partie du district de Dungledy furent ravagés par les Normands, les Flamands et les Anglais. Ils en chassèrent les habitants et occupèrent le pays. Leur descendance est restée ici jusqu’à nos jours. Ils parlent tous anglais et diffèrent des Gallois par leurs habitudes, leur nourriture, leurs habitations et leur agriculture. Et bien qu’il y a déjà 500 ans, les deux nations ne se mélangent pas, ne font aucun commerce entre eux… »

 

Ailleurs, l’auteur s’exprime sur le caractère et les habitudes des descendants des Flamands et les compare à ceux des Flamands de son temps :

 

« Je suis porté à penser que ces gens, bien qu’ils aient perdu leur langue, descendent des Flamands envoyés par les rois Henri I et Stephen dans le Pembrokeshire. Ils se sont fixés autour de Pembroke et Haverfordwest, ainsi que l’histoire nous l’enseigne. Le travail de mise en valeur du pays qu’ils ont accompli l’a été avec sérieux et soin. Ils ne se mêlent pas des affaires des autres et leur mode de commerce est ouvert et  honnête. En cela, ils sont les héritiers de ces anciens Flamands qui ressemblent bien à leurs cousins germains, les Hollandais d’aujourd’hui, lesquels, en vertu des qualités mentionnées ci-dessus, reçoivent les éloges de toutes les autres nations.

 

Sur un point, nos Flamands diffèrent de ceux d’outre mer, celui de l’estomac. Les Hollandais boivent exagérément, tandis que leurs parents ici mangent avec excès. Il est très courant qu’ils prennent cinq repas par jour, et si vous leur offrez un sixième repas, ils l’accepteront et vous remercieront. Et si vous insistez un peu, ils feront grand cas d’un septième… »

 

De cette « Little Flanders beyond Wales », les guides touristiques du Pays de Galles retiennent quelques ruines des fortifications érigées à l’époque et quelques originalités architecturales  appelées « flemish chimney ». Et aussi une image très positive de l’influence flamande sur la prospérité de cette contrée.

 

  

Dirk

 



[1] L’examen de cette tapisserie, dite  de Bayeux, est pleine d’informations notamment sur les emblèmes des « Normands » figurant sur leurs boucliers : on peut y retrouver le plus vieil emblème de la Flandre, le gironné, et le célèbre lion plus récent, attestant que le lion n’a pas attendu les Croisades  pour être utilisé comme emblème de la Flandre et ne doit rien aux Arabes !

 

Commentaires

  • Dirk: excellent rappel d,un pan de l,histoire européenne . .!
    et "M . . . pour le roi d,Angleterre . ." vieille boutade qui ne fâche plus personne à notre époque , qui a bien d,autres soucis et ennemis .!!
    salutations.

  • Merci à vous, Dirk, pour vos articles historiques d'autant que j'aime bien le drapeau Gallois.

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