22 janvier 201524 janvier 2015
Depuis les attentats les demandes d’adhésion au Front national ont triplé. Les jeunes militants du FN ont aussi vécu la terreur des attentats de Paris derrière leurs écrans. Comme les autres, mais avec l’impression d’avoir toujours su que le drame était proche. Rencontre avec la jeunesse frontiste, au lendemain du drame.
«J’ai été ébahi, terrifié ». Gaëtan Dussausaye, le directeur national du Front national de la Jeunesse (FNJ), ne mâche pas ses mots lorsqu’il revient sur les émotions qui l’ont saisi en découvrant l’assaut sanglant mené contre les journalistes de Charlie Hebdo le 7 janvier. À 20 ans, le jeune homme est à la tête d’un mouvement qui revendique 25 000 membres.
Gaëtan Dussausaye affirme que sa réaction a été « la même que la plupart des gens ». La même que celle des autres jeunes militants du FN aussi. Une génération de frontistes perdue entre l’envie de se joindre au rassemblement national des derniers jours et la volonté de se démarquer.
« On ne se pose pas la question de notre opinion, ce n’est pas ce qui compte en premier»
Jeremy Delapierre a 21 ans. Il est étudiant en bi-cursus histoire-géographie à la Sorbonne et enseigne l’histoire-géo dans un lycée du 14ème arrondissement de Paris. Il a découvert l’horreur de la tuerie de Charlie Hebdo sur BFMTV. Par hasard, sans se rendre compte de la gravité de la situation au début : «J’étais dépité. Je n’ai pas dormi de la nuit pendant plusieurs jours.»
Pour Jeremy Delapierre, l’émotion a tout de suite pris le pas sur les opinions : «On ne se pose pas la question de nos idées politiques, ce n’est pas ce qui compte en premier. » Garder la tête froide, se taire, et attendre. La jeunesse FN s’est faite discrète juste après le drame. Elle s’est retranchée dans le deuil, s’est fondue dans l’unité populaire : « Ce n’était pas le moment » affirme Gaëtan Dussausaye, le directeur national du FNJ. Pas le moment de scander des slogans, ou de ressortir des drapeaux. Jeremy Delapierre, le jeune prof, s’est même recueilli aux côtés de ses collègues d’extrême gauche. Tout naturellement.
David Berton, 23 ans, et adjoint à la direction nationale du Front national de la Jeunesse, a aussi fait le choix de se fondre dans la foule, sans revendication, durant la minute de silence du jeudi 8 janvier à Chambéry : « Il n’y avait aucune volonté de faire du militantisme de notre part. On était tous ensemble. »
« Je suis Charlie », un rassemblement qui divise chez les jeunes du FN
Étaient-ils des Charlie comme les autres pour autant ? Pas forcément. Gaëtan Dussausaye, le directeur national du FNJ tient à nuancer les choses : «Tous ces termes ne sont pas clairs. Je suis Charlie si cela veut dire soutenir la liberté d’expression, mais hors de question d’épouser la ligne éditoriale du journal. »
David Berton, lui, est plus catégorique : «Je ne me sens absolument pas concerné par « Je suis Charlie ». Je n’ai rien à voir avec ce journal. Je reconnais la liberté d’expression mais ce n’est pas un journal qui me fait rire, ce n’est pas mon idée de la liberté. » Pour lui, la priorité était ailleurs : «Je me suis tourné vers d’autres slogans : «Je suis Français » ou « Je suis policier ». La France, et notre République, sont beaucoup plus attaquées quand on s’en prend à des policiers qu’à des journalistes. Parce que la liberté d’expression ne peut pas exister sans la sécurité »
D’autres partisans se sont néanmoins réellement sentis intégrés au mouvement durant les premiers jours. Avant de se rétracter, presque malgré eux. L’absence de Marine Le Pen à la marche républicaine du 11 janvier, volontaire ou non, a définitivement créé la rupture. Jeremy Delapierre, le prof d’histoire parisien, a été déçu : «Je me suis reconnu dans le slogan « Je suis Charlie » avant la récupération politique ». Il n’est pas allé au grand rassemblement du 11 janvier : « Ca m’a fait chier, mais je n’ai pas compris la décision d’exclure le FN »
« Coupables d’avoir eu raison »
Dylan Le Borgne, lycéen de 17 ans à Brest, dénonce une autre mise à l’écart : «Mon prof principal a dit que cette attaque allait encore faire le lit du FN. Et ça, ça m’a choqué. On voyait bien qu’il était contre le FN. Je trouvais ça dommage qu’il utilise ces évènements pour mettre en avant ses idées. J’étais triste »
Aucun de ces militants ne comprend pourquoi le Front national a été laissé de côté après les attentats. Et même rendu coupable d’exploiter les craintes et de chercher à creuser les fractures après le drame par des leaders socialistes comme l’ancien ministre PS François Lamy.
Eux sont intimement convaincus que les attentats sont la preuve qu’ils sont toujours allés dans la bonne direction. C’est peut-être ça qui dérange les autres partis, comme le glisse Thomas Bernardin, militant de 17 ans à Belfort, «comme si le FN était coupable d’avoir eu raison ».
« Si des événements comme ça peuvent nous permettre de nous réveiller … »
David Berton, l’adjoint à la direction nationale du FNJ, en profite même pour dénoncer d’autres coupables : « Ceux qui nous attaquent sont ceux qui sont responsables de la situation. Ils ont trop fait l’autruche alors que le FN ciblait les vrais problèmes»
L’islamisme radical, en l’occurrence. Celui là même que Jean Marie Le Pen fustigeait violemment en 2009 avec des affiches dépeignant la France recouverte d’un drapeau algérien, envahie par des minarets et des femmes en niqab. Une imagerie qui avait valu à l’ancien président frontiste une convocation devant les tribunaux pour incitation à la haine raciale.
Le « On vous l’avait dit depuis longtemps » résonne fort en ce moment dans les rangs des têtes blondes du Front. Arthur De Vitton, jeune militant à Angers, affirme clairement ce que les pontes du FNJ disent avec plus de pincettes : « La situation nous a donné raison. On savait qu’on allait se retrouver avec des événements pareils. Si ça peut nous permettre de nous réveiller … »
« C’est ce qu’on appelle être visionnaires»
Jeremy Delapierre, le prof d’histoire-géo, considère aussi les attentats sanglants d’il y a deux semaines comme une preuve que son parti était dans le vrai jusqu’à présent : « C’est ce qu’on appelle être visionnaire ».
Il revient sur l’affaire des affichettes de 2009 : « Jean Marie Le Pen a dit un peu trop tôt ce qui s’est passé quelques années plus tard ». Le jeune enseignant affiche la volonté d’en découdre autrement cette fois-ci. Il reste déterminé, d’autant plus qu’il considère que la fracture est à présent apparue aux yeux de tous : « Il faut soulever à nouveau les débats posés il y a quelques années. Maintenant ils ne sont plus tabous ». Et de poursuivre, dans un langage prudent : « On doit continuer ce que les générations précédentes ont apporté, mais en l’évoquant sous une forme différente ».
Comprendre, avec une méthode plus « soft » cette fois. C’est la patte du FN à la sauce Marine : cibler les mêmes populations, sans même les nommer.
«On a enregistré le triple du nombre d’adhésions habituelles depuis les attentats»
Après la stupeur, les jeunes leaders du Front national comptent à présent provoquer un débat de fond sur les questions qui fâchent. Et ils sont confiants quant à l’avenir de leur parti, à l’image de David Berton : «Forcément, en étant le premier parti à dénoncer le problème de l’islamisme en France on est plus pertinents ».
Gaëtan Dussausaye, le directeur national récite les derniers chiffres du parti avec une once d’enthousiasme dans la voix : «On a enregistré le triple du nombre d’adhésions habituelles depuis les attentats ». Selon lui, dix personnes auraient même été embauchées pour enregistrer toutes les nouvelles demandes de carte.
Laura Wojcik
@laurawoj1
Commentaires
il est vrai que la situation a donné raison à JMLP , mais vu l,enfumage mis en place , cette affaire ne réveillera pas plus les tièdes ,qui voteront toujours pour les partis du Système . . !!
quant à moi , je ne serai jamais "charlie". .!!
salutations.
Il est vrai que les jeunes sont les premières victimes de l’immigration !