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STRASBOURG (Reuters) – Les soupçons de fraude relative aux conditions d’emploi de vingt assistants parlementaires du Front national au Parlement européen constituent une première, à cette échelle, dans l’histoire de l’institution.
Le parti d’extrême droite y voit pour sa part un coup de pouce de l’Allemand Martin Schulz, président social-démocrate du Parlement de Strasbourg, au gouvernement français, à moins de deux semaines des élections départementales.
« C’est la première fois qu’on est confronté à des cas de fraudes supposées dans de telles proportions. Il y a eu des précédents, mais ça concernait des députés à titre individuel, a dit mardi à Reuters Jaume Duch, porte-parole de l’institution.
Martin Schulz a saisi lundi l’Olaf, l’Office européen de lutte antifraude, du cas de ces vingt assistants parlementaires qui travailleraient essentiellement pour le parti de Marine Le Pen et non pour ses 23 eurodéputés.
L’Olaf devra évaluer le bien-fondé de la dénonciation, dans un délai de un à deux mois. Si elle décide alors de lancer une enquête, celle-ci pourrait prendre un à deux ans, selon les statistiques de l’institution.
Les députés européens peuvent recruter un ou plusieurs assistants parlementaires jusqu’à concurrence d’une somme mensuelle de 21.379 euros. Certains sont dits « accrédités » s’ils secondent le député au sein des institutions européennes, les autres, chargés d’animer la permanence parlementaire, sont qualifiés de « locaux ».
Les accusations du Parlement se fondent sur la consultation de l’organigramme de la direction du Front national, publié en février, où apparaissent vingt assistants, quatre accrédités et seize locaux, selon un communiqué.
Parmi les locaux, « dix ont conclu un contrat de travail qui indique comme adresse d’exécution l’adresse du siège du Front national à Nanterre », précise le Parlement.
PEUT-ÊTRE 7,5 MILLIONS D’EUROS DE PRÉJUDICE
Comme le révélait Le Monde, lundi soir sur internet, le préjudice pour le budget communautaire pourrait atteindre 7,5 millions d’euros si la fraude était avérée, soit le montant des salaires litigieux durant cinq années de mandat parlementaire.
« Nos assistants sont très souvent des gens qui militent pour leur parti et pour ses idées, ce qui est encore autorisé en euro-dictature », a justifié à Reuters Florian Philippot, député européen et vice-président du parti.
Il a précisé que certains travaillaient seulement à mi-temps au sein du parti.
« M. Schulz (…) a appliqué à la lettre les ordres de M. (Manuel) Valls qui hier expliquait qu’il fallait que les élites se mobilisent contre le Front national », a pour sa part réagi Marion Maréchal-Le Pen sur France Info.
« C’est de l’acharnement politique, évidemment, en période électorale », a-t-elle estimé, alors que des sondages placent le parti de Marine Le Pen en tête des intentions de vote pour le premier tour des départementales, le 22 mars.
Le Parlement européen brandit de son côté les mesures d’application du statut des eurodéputés qui prévoient que « seuls peuvent être pris en charge (par le budget européen) les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés ».
Les salaires versés aux assistants par le Parlement « ne peuvent servir directement ou indirectement à financer des contrats établis avec des groupes politiques du Parlement ou des partis politiques », précise ce règlement.
Le statut des assistants a fait l’objet de plusieurs réformes visant à moraliser un domaine longtemps marqué par l’opacité et l’emploi de membres de la famille de l’eurodéputé.
Il a fallu attendre 2001 pour que les parlementaires soient tenus de produire un contrat de travail et le justificatif de paiement des charges sociales pour bénéficier des indemnités.
Depuis 2009, les assistants sont rémunérés directement par le Parlement et assimilés à une catégorie particulière de fonctionnaires.
(Gilbert Reilhac avec Sophie Louet à Paris, édité par Yves Clarisse)
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