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Cuba : derrière la fascination de François Hollande, la réalité d'une dictature

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FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le chef de l'Etat, en visite à Cuba, a confié la «fascination» de sa génération pour le régime castriste. L'historien Pierre Rigoulot rappelle que derrière la mythologie de la révolution se cache un système totalitaire. 

 
 

Pierre Rigoulot est le Directeur de la revue «Histoire & Liberté». Il est l'auteur de Coucher de soleil sur la Havane, la Cuba de Castro 1959 - 2007 aux éditions Flammarion.


Le déplacement de François Hollande à Cube suscite un certain enthousiasme en France, avec notamment la une de Libération qui mélange le portrait du président de la République à celui du Che. Existe-t-il encore en France une fascination pour le régime cubain?

Che Guevara est mort il y a quarante-huit ans et Libération s'est amusé, plutôt qu'autre chose, à faire un montage entre sa figure et celle d'Hollande. Ceci rappelle une fascination et un enthousiasme qu'avait suscités la révolution cubaine. Mais on ne peut pas dire aujourd'hui que les touristes français qui y ont séjourné sont satisfaits de la situation économique de la population cubaine ainsi que de ses positions diplomatiques pro-russes.

Le mythe cubain a effectivement existé en France: les intellectuels de gauche avaient l'impression que Cuba offrait une solution à l'épineuse équation entre le socialisme et la liberté.

Le mythe cubain a effectivement existé en France: les intellectuels de gauche avaient l'impression que Cuba offrait une solution à l'épineuse équation entre le socialisme et la liberté. La fascination exercée par ce régime en France a duré jusqu'à 68 et, au-delà de la gauche, a également touché une partie de la droite. Celle-ci avait trouvé son compte en applaudissant un chef révolutionnaire, Fidel Castro qui faisait un pied de nez aux Etats-Unis, une attitude qui a toujours plu en France.

Mais l'enthousiasme a fini par retomber, notamment face au soutien de Fidel Castro envers l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques en 1968 et à la répression menée contre les intellectuels et les homosexuels cubains. Le chef révolutionnaire a également envoyé des dizaines de milliers de soldats combattre en Afrique pour soutenir des guérillas favorables au socialisme soviétique, ce qui a incité la gauche à abandonner cette idée de rapprochement du socialisme et de la liberté.

La fascination envers ce régime n'est donc plus de mise depuis un certain temps. Le rêve de révolution qui ferait changer l'Amérique latine par la lutte armée n'est désormais plus partagé par grand monde: on s'est rendu compte dans ce continent qu'un certain nombre de pays qui ont une politique un peu plus nationaliste et plus ferme vis-à-vis des compagnies pétrolières, ainsi que des réformes, ont gagné bien plus que ce qu'elles ne pouvaient espérer obtenir via une révolution armée.

La visite de François Hollande à Cuba rappelle très certainement leur jeunesse à une partie de ceux qui font l'actualité. Plus que d'enthousiasme ou de fascination, on peut parler de nostalgie.

Derrière les icônes, les chansons, le mythe, quelle fut la réalité du régime cubain? Peut-on parler de dictature?

Je parlerais de dictature totalitaire. Il ne s'agit pas simplement d'un dictateur de pays du Tiers-Monde qui s'enrichit et combat ses opposants mais d'un véritable projet totalitaire d'ordre communiste: collectivisation des biens, parti unique avec un chef unique et incontesté ainsi qu'une idéologie unique et obligatoire. Dans les années 70-80, les Cubains n'avaient pas intérêt à dévier de la ligne officielle.

Il ne s'agit pas simplement d'un dictateur de pays du Tiers-Monde qui s'enrichit et combat ses opposants mais d'un véritable projet totalitaire d'ordre communiste.

Ce caractère totalitaire s'illustre particulièrement bien dans le domaine de l'éducation. Les jeunes Cubains n'ont pas été élevés de façon neutre: ils ont été formés pour être de bons révolutionnaires. Tous les matins, devant le drapeau national, ils déclaraient ainsi: «nous serons comme le Che». Dans les années 80, outre les notes en mathématiques ou en physique, une attention particulière était portée aux «performances idéologiques». Un cubain n'avait pas intérêt à manquer une seule manifestation dans la rue sous peine de voir sa carrière stagner.

Il y a donc eu la mise en place d'un système totalitaire dans lequel les opposants sont envoyés en prison ou dans des camps -créés dans les années 60, ces camps ont disparu aux débuts des années 80.

Quel est l'état actuel du régime cubain? Le totalitarisme s'y est-il essoufflé?

Le régime cubain est épuisé et à genoux. Il a pu survivre ces dernières années grâce aux pétrodollars du Venezuela, sans lesquels l'économie cubaine ne s'en serait probablement pas sorti. Les régimes cubains et vénézuéliens sont, en effet, très proches: ils se réclament tous deux d'un socialisme qui ne ressemblent pas au socialisme européen mais se rapproche de ce qu'était nos partis communistes il y a quelques années.

Si Raul Castro ouvre actuellement son pays, c'est qu'il sent bien que les mois du Venezuela sont comptés, à cause de la baisse des prix du pétrole et d'une absence totale de réussite économique de ce pays d'Amérique latine. Cuba a donc besoin d'investissements, en particulier occidentaux, pour se sortir de cette mauvaise passe. Cette ouverture ne signifie cependant pas que les dirigeants cubains vont lâcher le pouvoir, bien au contraire. Ils estiment en effet que s'ils parviennent à redresser la situation économique -un petit peu comme à la chinoise- ils en seront remerciés et pourront par conséquent renforcer la direction du pays par le parti communiste. Raul Castro fait ainsi un pari. Je ne pense pas qu'il se soit converti lorsqu'il est allé voir le Pape! Cette visite était un message pour les Occidentaux afin de leur montrer qu'il avait changé.

Si Raul Castro ouvre actuellement son pays, c'est qu'il sent bien que les mois du Venezuela sont comptés.

Est-ce vraiment le cas? Il faut noter qu'il a pris un certain nombre de mesures. Cette situation rappelle le passage de Staline à Khrouchtchev. Celui-ci, en reniant Staline, voulait à la fois renforcer l'URSS et se rapprocher de l'Occident. D'une part l'URSS changeait -l'état était moins policier- mais de l'autre son parti communiste ne voulait nullement abandonner le pouvoir. De la même façon, Raul Castro a fait évoluer un certain de choses à Cuba ces derniers temps: il avait notamment le projet de pousser deux millions (sur treize millions d'habitants) de fonctionnaires dans le secteur privé. Et il est évident que si les Occidentaux investissent, il y aura davantage de travail dans le secteur privé. Cuba n'est d'ailleurs pas la Corée du Nord: il y a la possibilité d'avoir quelques idées sur ce qui se passe à l'extérieur, même si la presse est extrêmement limitée.

Cependant, je ne pense pas que la visite de François Hollande soit d'un grand poids. Les pays occidentaux ne peuvent taper du poing sur la table en exigeant que Cuba devienne une démocratie libérale. Ce qui semble compter c'est d'être «bien placé» au cas où Cuba, un peu à la manière de la Chine ou du Vietnam, se transforme en un état au régime fort dirigé par un parti communiste avec, dans le même temps, une plus grande liberté pour la population.

Commentaires

  • le propre de l'homme de gauche est de vivre dans la fascination:Staline ,Mao ,Castro ,Pol Pot,"les chances pour la France " ,"le vivre ensemble " .Les modèles de vie à suivre ne sont jamais français ou chrétiens .Leurs idoles sont immortelles .Elles passent les générations Ils y reviennent toujours pour la génuflexion .Dans la cosmogonie socialiste ,il y a aussi les nécessaires démons Marine ,Todt ,Zemmour,Camus,Ménard.Leur bestiaire s'agrandit chaque jour .Ils ont un cauchemar à chaque réveil Alors ils légifèrent contre la liberté d'expression . La liberté d'expression ,c'est l'ultime ennemi !

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