Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Gérard de NERVAL (1808 - 1855)

El Desdichado

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

........................

L'enfance

 

Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l'essor,
On n'a pas besoin des sciences,
Lorsque l'on vit dans l'âge d'or !
Mon coeur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n'en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?

Nous sommes loin de l'heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants

 

 

Commentaires

  • Très grand poète dont les vers résonneront tant que sera parlée notre langue,la française.

  • Nous avons tous appris "El Desdichado" au programme de français dans le secondaire, l'une des plus belles poésies du Romantisme, mais sans vraiment comprendre toutes les références à la mythologie et au Moyen-âge (j'ai appris bien plus tard qui était Guillaume IX d'Aquitaine, prince des troubadours !). J'en avais retenu l'expression d'un esprit sombre et désespéré à la recherche d'une identité égarée.
    Bien sûr, il est tentant d'en déduire les raisons de son suicide.

    La seconde poésie (que je préfère), moins ésotérique, reprend cette nostalgie d'un temps définitivement disparu. Nous avons tous un âge d'or en nous et c'est le génie des poètes (surtout les Romantiques) de savoir le ressusciter et le sublimer.

    Merci Gaëlle de ne jamais oublier la poésie !

  • Merci Gaelle pour cette bouffée d'air frais !
    Qui pensait encore aux Romantiques dans la boue qui nous entoure ... Quels magnifiques poèmes que nul ne pourra nous retirer. Nous nous prenons presque à envier le malheur de celui qui, aux portes de la folie, connait toujours la beauté, caresse le souvenir frais de l'antique Naples et fraie encore avec Orphée et Mélusine.
    Il est bon d'apprendre par coeur ces joyaux de nos grands poètes qui nous tiendront compagnie dans toutes les heures, les sombres comme les joyeuses ou les vides.

Les commentaires sont fermés.