À nouveau contredite par François Hollande mercredi, la ministre de la Justice se maintient au gouvernement contre vents et marées. Elle va devoir défendre devant les députés un texte auquel elle est farouchement hostile.
Insubmersible Christiane Taubira. La garde des Sceaux, en fonction depuis le 16 mai 2012, n'est pas à une contradiction près, mais elle a l'obsession de rester au gouvernement. Les rumeurs de démission la concernant n'y changeront rien, pas plus que l'agacement qu'elle suscite chez ses collègues. La ministre de la Justice est donc prête à défendre, à partir du 3 février, devant les députés, la déchéance de nationalité pour des terroristes nés en France, qui soulevait pourtant en elle un «haut-le-cœur», le 18 novembre sur le plateau de C à vous sur France 5, et dont elle confirmait l'abandon, mardi, sur la radio algérienne Chaîne 3. «La parole dernière est celle du président», a reconnu mercredi la garde des Sceaux, qui évoquait pourtant, la veille, «un sujet extrêmement sensible» qui «pose un problème de fond sur un principe fondamental qui est celui du droit du sol», ajoutant qu'«en terme d'efficacité, ce n'est pas une mesure probante».
Christiane Taubira va donc changer de braquet, arguant du fait qu'«en tout état de cause, dans la situation actuelle, ce n'est pas ma présence ou non au gouvernement (qui est en jeu), c'est la capacité pour le président de la République et le gouvernement de faire face aux dangers auxquels nous sommes confrontés et d'apporter les réponses les plus efficaces». Elle a d'ailleurs rappelé mercredi, le visage fermé, qu'au-delà des critiques réitérées qu'elle avait émises contre cette disposition réclamée par l'opposition, elle n'avait «pas hésité à dire que ceux qui retournent leurs armes contre leurs compatriotes s'excluent d'eux-mêmes de la communauté nationale».
L'icône d'une partie de la gauche
Conscient des incohérences et des contradictions de la ministre, qui est néanmoins appelée à jouer un rôle central lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle au Parlement, Manuel Valls l'a défendue dans une phrase étonnante, exprimant une forme de gêne: «Chacun a droit à ses doutes, à ses interrogations, à ses questionnements et à ses analyses. Heureusement, nous sommes dans une démocratie.» Jamais le premier ministre n'avait accepté ni reconnu un tel droit à la différence lorsque les frondeurs du groupe des députés socialistes réclamaient, de réunion de groupe en réunion de groupe, un infléchissement de la politique économique du gouvernement.
Là réside toute la différence. Christiane Taubira reste l'icône du mariage pour tous à gauche, et elle bénéficie d'un statut à part dans l'équipe gouvernementale, appréciée par l'aile gauche du PS. Qu'elle se soit mise à dos successivement les magistrats, les avocats, les syndicats de policiers, qu'elle soit en butte aux critiques de la droite qui réclame régulièrement son départ, peu lui chaut. La place Vendôme doit rester son royaume.
LE FIGARO