Robert Ménard, maire de Béziers, a participé ce week-end au séminaire de réflexion du FN. Il confie ses impressions à Boulevard Voltaire.
Vous avez participé au séminaire du FN ce week-end. Dans quelles conditions avez-vous pu participer aux débats ?
Dans les meilleures. Marine Le Pen a réellement laissé la discussion ouverte. Les débats ont duré de longues heures. Je ne suis pas sûr que d’autres partis politiques accepteraient en leur sein, et à ce niveau de direction, une telle liberté d’expression. C’est un bel exercice de démocratie interne dont certains donneurs de leçons, de gauche comme de droite, pourraient s’inspirer.
Sur quels points avez-vous insisté ?
Sur ce qui me semble essentiel, évidemment. Que voulons-nous ? Gagner. Le pouvons-nous ? À cette heure, non, si le Front national se contente de changements cosmétiques dans son programme. Je prends le cas de l’euro. S’accrocher à une sortie de l’euro, alors même que c’est un facteur anxiogène pour l’électorat, c’est commettre, me semble-t-il, une erreur politique.
Il s’agit cependant d’un principe cohérent : celui de la souveraineté. Celle-ci ne se partage pas. On ne peut pas se dire souverainiste sur tout, sauf dans le domaine monétaire.
Il y a le monde des principes et puis il y a le monde réel. Moi, je m’intéresse à la réalité. Et la réalité, c’est que la France n’est plus souveraine dans bien des domaines. Où est notre souveraineté dans certaines cités ? Où est notre souveraineté à Calais ? Le combat politique, ce n’est pas seulement la cohérence des principes, mais aussi l’urgence des combats et la hiérarchie des priorités. Est-il urgent de prendre le pouvoir pour sauver la France ? Oui, pensent des millions de Français. Et cette urgence n’a rien de monétaire…
Il semble que vous n’ayez pas été davantage entendu sur le changement de nom du FN ou sur la distance que vous souhaiteriez voir Marine Le Pen prendre vis-à-vis du FN durant le temps de la campagne présidentielle.
En effet. Je peux comprendre l’attachement affectif de militants envers leur organisation et son nom. Ils ont collé pour le FN, ils ont pris des risques pour le FN, ils se battent pour lui. En revanche, les arguments « rationnels » avancés ne me semblent pas valides. Affirmer que le FN est une « marque » et qu’on ne change pas le nom d’une marque qui fonctionne, c’est esquiver l’enjeu principal. Oui, le FN est une marque qui a fait ses preuves. Mais une marque qui ne dépasse pas les 30 % au niveau national. S’il s’agit donc de gérer le FN comme une marque d’opposition, il n’y a aucun problème. Ne changeons rien ! Mais s’il s’agit de prendre le pouvoir, alors, il faut changer de « marque ». Il y a, certes, un risque. Mais la politique, comme la vie, c’est le risque.
Plus important encore que ce changement de nom du FN, qui devrait s’accompagner d’une évolution de fond sur l’économie, il y a celle de son élargissement. Ne pas changer, c’est ne pas être attractif. Or, pour conquérir le pouvoir, et même pour seulement progresser, il y a une nécessité d’attirer à soi de nouveaux profils, de nouvelles personnalités. Attention à ne pas se replier sur soi.
Pour ce qui est de la distance entre Marine Le Pen et le FN, c’est un geste qui, seul, n’aurait guère de sens. Dans mon optique, il aurait parachevé un ensemble de changements.
Vous sortez donc déçu de ce week-end ?
On n’a pas le droit d’être déçu lorsque l’on a été invité et qu’on vous a donné la possibilité de défendre vos positions. Maintenant, les choses sont claires. Je suis en désaccord avec certaines orientations politiques qui risquent, sauf rebondissement, d’être celles du FN pour l’élection de 2017. Cette élection se gagnera à droite, sur les questions de l’identité et de l’économie. Or, sur ce dernier point, le FN n’est pas raisonnable.
Cela va changer vos relations avec Marine Le Pen ?
Certainement pas. Je continue à la soutenir. Nos désaccords sont ce qu’ils sont mais la gravité de la situation exige ce soutien. C’est une excellente candidate. Sa prestation sur TF1 ce lundi soir a été de grande qualité. Cela n’avive que davantage mon regret que tout ne soit pas fait pour la placer dans les meilleures conditions. En attendant, le combat continue !
B.V.
Commentaires
J'apprécie beaucoup la maturité politique de Robert Ménard. Le changement de nom ? Pourquoi pas s'il ne fait pas fuir le noyau dur des militants historiques qui ont une légitimité première?
A mon très modeste avis, ce serait possible à deux conditions indissolublement liées :
1) lever le pied sur l'euro dans l'immédiat (mais toujours y penser !), afin de ne plus effrayer une partie de l'électorat de droite récupérable, et abandonner les chimères sur la retraite à 60 ans et le smic.
2) radicaliser nettement le discours sur le Grand Remplacement et l'islamisation du pays, parce que l'actualité l'exige et qu'il faut couper l'herbe sous les pieds de l'UMP qui ne pourra pas suivre. Ceci rassurerait le "noyau dur" évoqué plus haut. Le FN est seul sur ce "créneau" !
Le suicide du FN consisterait à faire l'inverse : donner la priorité à la sortie de l'euro et se soumettre au politiquement correct sur le GR et l'islamisation. (Mélanchon occupe déjà ce créneau là !)
Ménard a raison, mais il serait lamentable que le peuple français se laisse abuser pour des broutilles ! L’enjeu est tout autre : ou bien la France disparaît, comme l’Empire romain il y a 15 siècles, ou bien, dans un immense sursaut, notre pays est sauvé ! Et, en fait comme c’est toute l’Europe qui est prise dans le même étau, c’est toute notre civilisation qui est en cause ! Toute la question est là et c'est à chacun d'y réfléchir!