Najat Vallaud-Belkacem n’apprécie guère les positions prises par Hélène Carrère d’Encausse et l’Académie française sur la réforme de l’orthographe. Elle a fait part de son « étonnement » à voir le secrétaire perpétuel contester, dans un entretien au Figaro, « une réforme de l’orthographe élaborée il y a un quart de siècle [en 1990] et où l’Académie française n’a eu aucune part ». Ces « rectifications » de l’orthographe, rétorque le ministre, sont pourtant intégrées dans la neuvième édition de son dictionnaire : l’Académie avait donc exprimé son accord à l’époque ! Cherchons à y voir plus clair, documents à l’appui.
C’est bien Maurice Druon, alors secrétaire perpétuel, qui, avec l’assentiment de l’Académie française, a présidé le groupe de travail ayant pour mission une réflexion sur « les corrections de l’orthographe ». L’Académie a approuvé à l’unanimité les propositions du Conseil supérieur de la langue française, peut-on lire dans la présentation du rapport publié au Journal officiel du 6 décembre 1990. Le Premier ministre Michel Rocard l’a lui-même confirmé dans sa réponse à Maurice Druon : « Ce qui est décisif […], c’est que vous avez travaillé en étroite relation avec l’Académie française et avec les deux organismes parallèles à votre Conseil […] : le Conseil de la langue française du Québec et le Conseil de la langue de la communauté française de Belgique ».
Il est donc difficile de soutenir que l’Académie française soit totalement étrangère à ces « rectifications », même s’il est vrai qu’elle a apporté de multiples réserves : opposition à toute modification autoritaire de l’orthographe, acceptation de quelques ajustements à condition de laisser au temps le soin de modifier la langue, selon un processus naturel d’évolution. Devant les réactions suscitées, elle dut, dans sa séance du 17 janvier 1991, rappeler que « l’orthographe actuelle reste d’usage », et que les « recommandations du Conseil supérieur de la langue française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des incorrections ni être jugés comme des fautes ». L’Académie française manqua-t-elle de vigilance ou de réactivité à l’époque ? Fut-elle trompée, a-t-on mal interprété ou déformé ses positions ?
Il est certain que l’entrée sous la Coupole de personnalités comme Xavier Darcos ou Alain Finkielkraut ne sont pas pour rien dans la réaction ferme et sans ambiguïté de l’Académie française aujourd’hui. Ce qui a sans doute le plus déplu à Najat Vallaud-Belkacem, c’est que les Immortels, dans une déclaration du 11 février 2016, aient mis en cause sa politique : « Plus que la maîtrise de l’orthographe, défaillante », soulignent-ils, c’est « la connaissance même des structures de la langue et des règles élémentaires de la grammaire qui fait complètement défaut à un nombre croissant d’élèves ». Et d’assener cette conclusion cinglante : « Il est urgent d’engager dès l’enseignement primaire le redressement souhaité par tant de nos concitoyens, en rétablissant les conditions d’une vraie transmission du savoir. » Manière élégante de dire : « Najat, casse-toi, tu fais fausse route ! »
« Mais au nom de quoi faudrait-il, pour construire l’avenir, se couper de nos racines, et soumettre une langue de force ? », vient de déclarer Hélène Carrère d’Encausse au Point. Comment ne pas lui donner raison ? Peut-on émettre un petit souhait ? Que l’Académie française intervienne un peu plus souvent dans le débat éducatif et culturel. Qu’elle condamne publiquement la réforme du collège !
Commentaires
Merci à Jean-Michel Léost pour cette clarification. Et il émet le souhait de voir l’Académie intervenir plus souvent dans les débats sur l’enseignement, et particulièrement du français : voilà un très bon souhait. Sera-t-il exaucé ? Personnellement, j’en doute !
« Mais au nom de quoi faudrait-il, pour construire l’avenir, se couper de nos racines, et soumettre une langue de force ? » : on connaît la réponse : c’est pour réaliser plus facilement le Plan du Grand Remplacement !