Version recueillie par Gérard de Nerval en 1842Tous les commentaires
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Version recueillie par Gérard de Nerval en 1842Tous les commentaires
Commentaires
La légende des écoliers « mis au saloir »
La légende des trois petits enfants tués par un boucher et ressuscités par le saint est relativement récente et liée au culte ouest-européen de Nicolas. On n’en trouve en effet aucune trace dans les traditions grecques et l’iconographie orthodoxe. La plus ancienne version que nous en possédions se trouve dans la vie de Saint Nicolas (Li livres de saint Nicholay) composée avant 1175 par le Normand de Jersey Robert WACE (1120-1183). Wace qui fut chanoine de Bayeux, est également l’auteur du Roman de Rou. Sa vie de saint Nicolas, inspirée d’un texte latin aujourd’hui perdu, comprend environ 1500 vers. L’épisode des trois enfants y est rapporté en ces termes :
Trois clercs aloient à l’escole
N’en ferai longe parole
Leur oste par nuit les ochist
Les cors marcha, l’avoir rn prist
Saint Nicolas par sa prière
Mist les ames en cors arrière… »
Dans l’histoire, les trois enfants sont tués par un boucher qui les avait hébergés, avant d’être découpés en morceaux et mis au saloir. Sept ans plus tard, ressuscités par saint Nicolas, ils reviennent à la vie en sortant de ce qu’ils prennent pour un long sommeil. Cette légende connut un très grand succès. Elle fut mise en scène à plusieurs reprises, en latin, en latin mêlé de français, en français par Jean Bodel au début du XIIIe siècle /…/ Elle donnera finalement naissance à une chanson populaire en neuf couplets (« Trois petits enfants… »), qui sera recueillie en Ile de France par Gérard de Nerval.
Pour plusieurs auteurs, cette légende est née en Normandie où WACE semble lui donner sa forme définitive. D’autres y voient la transposition de l’histoire des trois officiers romains condamnés à mort et sauvés par Nicolas…A noter le nombre extraordinaire de légendes et de « miracles » venus se greffer sur une biographie dont on sait peu de choses. Partout dans ces légendes, apparaît l’importance symbolique du chiffre « trois »: 3 écoliers, 3 officiers, les 3 doigts du saint posés sur le bord du saloir, la légende des 3 sœurs. Le jour de sa naissance, Nicolas se tient seul durant 3 heures. Ailleurs, il mange 3 pépins de grenade, boit 3 fois l’eau du Jourdain, etc. Les hagiographes expliquent cette insistance par la participation de l’évêque de Myre au concile de Nicée qui proclama le dogme de la Sainte-Trinité. Ce dernier résulterait de l’obligation faite à l’église d’adapter sa théologie à une structure tripartie typiquement (indo-) européenne et à des habitudes mentales immémorielles, contribuant ainsi à renforcer le christianisme en Europe.
Mais revenons à notre légende.
La fête de St Nicolas prend place dans le cycle de Noël, marqué à l’époque païenne par une consommation collective de viande de porc. C’est à cette époque de l’année que dans beaucoup de régions d’Europe avait lieu autrefois la mise à mort du cochon et c’est au moment du solstice d’hiver que l’on mettait au saloir une viande dont la consommation, liée au rite païen, était interdite par l’Eglise. « …la fête de Saint Nicolas est aussi celle d’un tabou alimentaire solennellement transgressé, la fête de la « chair fraîche, une fois seulement, consommée dans l’année » (Angeline Bourlanges in Histoire-Magazine 1981). La chanson dit « le boucher les a tués, les a coupés en p’tits morceaux, mis au saloir comme pourceaux ». Quand Nicolas arrive chez le boucher, il réclame du « p’tit salé » « qu’y a sept ans qu’est dans l’ saloir ». Le « p’tit salé » a longtemps désigné un enfant.
Dans les Traditions d’Europe d’Alain de Benoist d’où j’ai tiré et résumé ces informations, AdB avec d’autres auteurs, souligne le « rôle ambigu » de Nicolas : « D’un côté, le saint ressuscite, c’est à dire, ainsi qu’il convient à un personnage solsticial « remet en route » la vie qui paraissait morte, mais qui n’était qu’endormie. De l’autre, il « pardonne » un peu rapidement au boucher, qu’il semble considérer comme quelqu’un qui ne savait pas ce qu’il faisait en assassinant les trois enfants. Cet aspect ambigu donne à voir dans ce récit la transposition symbolique d’une conversion au christianisme (le boucher « touché par la grâce », renonce au sacrifice interdit), en même temps qu’une renaissance de la vie au sortir de l’hiver.
Nicolas ayant de toute évidence pris lui-même la place d’une divinité païenne, son ambigüité s’en expliquerait d’autant mieux. Ayant autrefois, en tant que dieu païen, patronné un sacrifice interdit, il marque lui-même sa conversion et sa transformation (en un saint chrétien) en mettant fin à cette pratique. Ainsi, à notre avis, conviendrait-il interpréter ce que Angeline Bourlanges dit de l’ « ambiguïté fondamentale de Nicolas, mi-ogre, mi-sauveur, dans ses rapports avec les enfants »
…il y a encore bien d’autres informations passionnantes sur St Nicolas dans ce dossier d’AdB !
Et la plupart des vieilles légendes ne sont pas seulement de belles histoires pour les enfants !
ADDENDUM
« En 1970, la suppression de Nicolas du calendrier ecclésiastique universel a provoqué une certaine émotion chez les croyants (notamment chez les habitants de Bari en Italie où étaient conservées ses reliques) Depuis cette date, le culte de Nicolas est relégué à la dévotion locale. En outre, quelques mois plus tard, le pape Paul VI a décidé de transférer aux Etats-Unis les reliques présumées du saint. Envoyées à New York, elles y furent solennellement remises, le 5 décembre 1972, par l’évêque de Brooklyn, Mgr Francis Magavero, à l’archevêque orthodoxe Iakovos, dans le cadre des « relations œcuméniques ». Les reliques furent ensuite déposées à l’église Saint Nicolas de New York, où elles se trouvent toujours » (AdB)
Saint Nicolas renvoyé de l'école ! Le sectarisme laïcard maçonnique prospère dans les écoles de la Belkacem !
http://www.fdesouche.com/797841-huningue-68-saint-nicolas-interdit-dans-les-ecoles-maternelles-car-catholique
Petite précision, St Nicolas est encore très honoré dans l'est et le nord de la France, où il reste sans doute le plus populaire de tous les saints (il fut même jadis plus populaire que la Vierge Marie dans certaines régions). C'est lui que les enfants sollicitaient avant la concurrence du père Noël, et c'est pour son baudet que nous laissions quelques carottes dans la cheminée.