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Décret de Valls sur la Cour de cassation : une «insouciance méprisable ou un cynisme absolu»

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Le décret de Manuel Valls mettant sous le contrôle du gouvernement la Cour de cassation démontre qu'il ne voit en la loi qu'un outil politique. L'historien John Laughland se penche sur les raisons profondes de cette décision contestée.

Comme cela arrive souvent dans l'histoire, Londres et Paris poursuivent des chemins diamétralement opposés.

Au moment même où les audiences devant la Cour suprême se déroulent à Londres, où le gouvernement britannique est obligé de défendre devant des juges son droit de déclencher le processus du Brexit, en France, et par simple décret du premier ministre, signé par Manuel Valls seulement quelques heures avant de quitter le pouvoir, l'équivalent français de la Cour suprême britannique vient de se trouver mis sous le contrôle du ministère de la Justice et donc du gouvernement.

Une telle réforme remet en cause le principe de la séparation des pouvoirs, principe fondamental de toute constitution

Le premier président de la Cour de cassation et le Procureur général n'ont pas hésité à adresser une lettre au nouveau Premier ministre lui demandant de les recevoir. Ils sont visiblement inquiets devant cette réforme constitutionnelle, qui a été conçue sans aucune consultation avec les organes concernés et sans aucun débat au Parlement : la Cour de cassation elle-même n'en a pris connaissance que par le Journal officiel. Une telle réforme remet en cause le principe de la séparation des pouvoirs, principe fondamental de toute constitution dont l'indépendance du pouvoir judiciaire de l'exécutif est sans aucun doute l'élément le plus important pour un Etat de droit.

L'abus du système judiciaire par le pouvoir politique est la caractéristique de toute dictature. Les grands procès spectacles des années trente à Moscou, et la Terreur de la Révolution française de 1793 à 1794, en sont sans doute les exemples le plus emblématiques. Pour protéger les citoyens contre ce genre d'abus, les constitutions démocratiques séparent le pouvoir exécutif du pouvoir judiciaire. Ce dernier est censé faire autorité sur l'interprétation des lois dont l'exécutif est le servant et la législature l'auteur.

Il aurait été préférable de ne pas toucher à l'ancien système qui fonctionnait très bien. Mais la France vient de faire un pas dans le sens inverse, et en cachette

Au Royaume-Uni, en 2009, après quelques années de discussion, les compétences du Comité judiciaire de la Chambre des Lords, la plus haute instance judiciaire au pays depuis 600 ans, ont été transférées à une nouvelle Cour suprême. Cette réforme constitutionnelle n'était nullement nécessaire, les «lords judiciaires» (Law Lords) ayant fait preuve pendant très longtemps d'un professionnalisme et d'une indépendance exemplaires. Le gouvernement travailliste tenait néanmoins à «moderniser» la constitution britannique en séparant la plus haute instance judiciaire de la législature dont elle faisait partie, la Chambre des Lords étant la chambre haute du Parlement britannique. 

Une nouvelle instance à connotation américaine a donc été concoctée, et c'est elle qui va statuer sur la procédure du Brexit dans les jours qui viennent. Il aurait été préférable de ne pas toucher à l'ancien système qui fonctionnait très bien. Mais la France vient de faire un pas dans le sens inverse, et en cachette. Il semble que le décret du Premier ministre soumettant la Cour de cassation au contrôle du gouvernement n'a même pas été discuté au Conseil des ministres qui de toute façon a été remanié le lendemain.

Sans s'accrocher aux principes abstraits, une telle légèreté ne peut qu'être condamnée. Une constitution n'est pas le produit d'une science abstraite mais de pratiques qui ont résisté à l'épreuve du temps. Abolir d'un trait de plume l'indépendance de l'organe qui est censé être le garant et le sommet du système judiciaire semble relever soit d'une insouciance méprisable, soit d'un cynisme absolu. Manuel Valls est capable des deux.

Depuis plus de vingt ans, au niveau international, le monde a pris la mauvaise habitude de créer des instances judiciaires soumises au contrôle de l'exécutif.

Qu'une telle chose soit devenue possible n'est pas le fruit du hasard. Depuis plus de vingt ans, au niveau international, le monde a pris la mauvaise habitude de créer des instances judiciaires soumises au contrôle de l'exécutif. C'est le cas notamment pour les deux tribunaux internationaux pour l'ex Yougoslavie et le Rwanda, tous les deux créés ex nihilo par le Conseil de sécurité et dépendants de celui-ci. Or, c'est un principe fondamental qu'un tribunal ne peut être créé que par une loi. Illégaux dans leur conception même, ces deux tribunaux ont exercé une influence néfaste sur la procédure judiciaire, ayant adopté un grand nombre de pratiques douteuses, contestables et pernicieuses qui, hélas, sont devenues la norme au niveau international et qui ont contaminé aussi les systèmes judiciaires nationaux.

Le monde a accepté ces dérives car les gens ont été aveuglés par les affirmations de crimes de guerre épouvantables dont les personnes accusées par ces tribunaux seraient coupables. Or, tout juriste sait que la gravité du crime allégué est parfaitement hors sujet : il faut toujours respecter scrupuleusement les procédures. Hélas, le vieux concept d'ennemi du peuple, ou ennemi de l'humanité comme on dit plutôt aujourd'hui, a permis aux vielles habitudes révolutionnaires, dont je viens de citer les pires excès, de reprendre leur place.

Que Manuel Valls ait signé ce décret le dernier jour de son mandat ne devrait étonner personne. Malgré son positionnement droitier sur l'échiquier de la gauche, Valls reste un ennemi acharné de ce qu'il considère être «les forces de la réaction». Quand il était ministre de l'Intérieur, sa police s'en est prise avec une violence rare contre les manifestants opposés au «mariage pour tous» ; Premier ministre, il a fait voter la loi liberticide contre l'entrave numérique à l'IVG. Désormais la dernière instance d'appel contre l'application de cette loi sera ... le gouvernement qui l'a rédigée.

Pour Valls, comme pour Lénine, le tribunal n'est qu'un instrument de pouvoir

Pour Valls, comme pour tout révolutionnaire, la loi est un outil politique. Elle n'est pas, comme l'affirment les conservateurs, un élément constitutif du tissu social dont la fonction principale est de régler les conflits inévitables entre citoyens de manière équitable et harmonieuse. Lui-même dépourvu de tout concept de la transcendance, Manuel Valls est incapable de comprendre que le droit est la réalisation de principes universels dans des cas concrets ; la loi est une sorte de pont entre le contingent et l'éternel. Pour Valls, comme pour Lénine, le tribunal n'est qu'un instrument de pouvoir.

Pauvre France, à genoux après cinq années perdues de gouvernement socialiste, et après tant de décennies de renoncements et de mauvaise gestion ! Elle sera obligée, à cause de la bombe à retardement que vient de poser Manuel Valls sous les fondations mêmes de sa constitution, de tout réinventer, ou plutôt de tout redécouvrir, une fois le nouveau pouvoir élu. Espérons que celui-ci sera à la hauteur de la tâche.

RT

Commentaires

  • si Valls devient un jour gouverneur de la province France , il pourra nommé à la tête de tribunaux spéciaux , des procs comme feu le tristement célèbre Vychinski , afin de condammer les patriotes et autres dissidents.
    salutations.

  • La dérive totalitaire du régime devient inquiétante ! Il faut s'attendre à d'autres coups fourrés de ce genre avant que les rats socialistes ne quittent le bateau France en perdition et fuyant de toutes parts ! Le franc-mac Cazeneuve "plébiscité" par 60% des Français, paraît-il, mettra les bouchées doubles pour prendre des mesures liberticides de ce genre avant son départ définitif. On attend toujours les réactions de la droite !

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