Hymne au soleil
Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
Se divise et demeure entière
Ainsi que l'amour maternel !
Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu
Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,
L'humble vitre d'une fenêtre
Pour lancer ton dernier adieu !
Tu fais tourner les tournesols du presbytère,
Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher,
Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,
Tu fais bouger des ronds par terre
Si beaux qu'on n'ose plus marcher !
Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes !
Sois béni parmi l'herbe et contre les portails !
Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes !
Ô toi qui fais les grandes lignes
Et qui fais les petits détails!
C'est toi qui, découpant la soeur jumelle et sombre
Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit,
De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,
A chaque objet donnant une ombre
Souvent plus charmante que lui !
Je t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses,
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
Ô Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu'elles sont !
Commentaires
J'ai souvent écrit ici que la poésie était l'un des derniers refuges du paganisme et de la foi de nos plus anciens ancêtres (nos vrais ancêtres, issus du pays des sources et des forêts, et non du désert!). En voici encore une illustration avec cette sublime poésie d'Edmond Rostand que je redécouvre (merci Gaëlle!).
Cet hymne au soleil n'aurait pas déplu aux "Vieux Européens" qui honoraient l'astre debout, les bras levés, face à lui (et non courbés ni à genoux!).
L'épouse d'Edmond Rostand, Rosemonde Gérard était également une très grande poétesse, de la même veine spirituelle que lui. Elle est à redécouvrir.
Sublime, en effet, cet Hymne au soleil, que j'avais un peu oublié! C'est l'astre divin des anciens Egyptiens: Amon- Râ.