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À Istres, les applaudissements tièdes des militaires pour Emmanuel Macron - La charge de Christophe Castener

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REPORTAGE - Après la démission du général Pierre de Villiers, le président de la République s'est rendu jeudi sur la base militaire d'Istres. Dans le même temps, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a vivement critiqué l'ancien chef d'état-major des armées.

De notre envoyé spécial à Istres

Le convoi du président sort de la «zone rouge», ce jeudi 20 juillet. Le périmètre ultraprotégé qui abrite, au sein de la base aérienne BA125, les têtes de missile de la dissuasion nucléaire. Sortant de sa voiture, Emmanuel Macron s'avance à pied sur le tarmac inondé de soleil. Il passe entre les carlingues sombres de deux C135, avions de transport. Il s'approche d'une centaine de militaires, rassemblés pour l'occasion au milieu de la piste. Flanqué du nouveau chef d'état-major des armées, le général François Lecointre, Emmanuel Macron affiche fièrement le nouveau duo de la chaîne de commandement. La ministre des Armées, Florence Parly, suit, quelques mètres derrière.

Le calendrier tombe à point nommé. Cette visite était prévue de longue date. Elle fait partie d'une tournée des lieux stratégiques. Le 4 juillet, le président s'était rendu sur la base de sous-marins de l'Ile-Longue. Sauf que cette nouvelle rencontre revêt cette fois un sens bien particulier, dans le contexte de la démission du général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées (Cema).

«Le chef d'état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission»

Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement

Juché sur une petite estrade, le président de la République s'empresse de rassurer des troupes encore sonnées par la crise de ces derniers jours. De les cajoler. De flatter leur fierté. «Je suis très content d'être là. Je tenais à vous remercier pour l'accueil que vous m'avez réservé.» Il insiste sur son «estime», sa «confiance», le rôle fondamental de la mission de ces soldats, qui l'écoutent poliment. Il promet de mieux prendre en considération la place des familles des soldats. Et annonce, pour cet automne, une remise à plat de la «stratégie opérationnelle» des armées.

Pendant l'allocution, les militaires observent de près leur nouveau patron, silhouette longiligne et chevelure blanche. Le général Lecointre se tient debout derrière l'orateur. Il affiche un visage impassible, le regard droit, indéchiffrable. Peut-être fixe-t-il l'avion Awacs avec sa tour de contrôle et les Mirage 2000 qui sont stationnés. «Mon général, lui lance le président, je veux saluer votre exceptionnelle carrière opérationnelle.»Le quatre-étoiles s'est notamment illustré pendant le conflit au Kosovo. Au passage, Macron rend hommage à son prédécesseur: «Le général de Villiers a souhaité passer la main. C'est son choix», enchaîne le président, saluant «un grand soldat».

Des paroles apaisantes, qui ne doivent pas faire illusion. En coulisses, l'exécutif n'a guère apprécié de voir le Cema claquer la porte avec fracas. Quand le général a remis sa démission une première fois, lundi 16 juillet, l'Élysée lui a demandé de bien vouloir patienter «48 heures». Histoire de trouver le nom de son remplaçant. Ce qui a été le cas, le 19 juillet. Mais le communiqué de démission et le mot d'adieu sur Facebook du général Pierre de Villiers ne semblent pas avoir été appréciés. «Le chef d'état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission», s'insurge le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.

Mécontent, le ministre poursuit sa charge: «Son départ n'a rien à voir avec son audition par la commission de la défense, le 12 juillet, même si Pierre de Villiers aurait pu s'imaginer que ses propos allaient fuiter, à moins de manquer d'expérience.» Et d'ajouter: «C'est son comportement qui a été inacceptable. On n'a jamais vu un Cema s'exprimer via un blog, ou faire du off avec des journalistes ou interpeller les candidats pendant la présidentielle, comme cela a été le cas. Il s'est comporté en poète revendicatif (sic). On aurait aimé entendre sa vision stratégique et capacitaire plus que ses commentaires budgétaires.»

«Je ne laisserai personne dire que tel ou tel choix budgétaire se fait aux dépens de forces, de votre quotidien, de votre sécurité, c'est faux»

Emmanuel Macron

À Istres, en tout cas, le président s'est voulu rassurant, y compris sur la question brûlante du budget des armées. «Je ne laisserai personne dire que tel ou tel choix budgétaire se fait aux dépens de forces, de votre quotidien, de votre sécurité, c'est faux.» Emmanuel Macron ne remet pas en cause, pour autant, les 850 millions de coupes budgétaires prévues pour cette année. Cependant, il assure que la pression sera moindre l'an prochain. Dès 2018, «nous augmenterons notre effort de défense». Le budget montera à «34,2 milliards d'euros». «Cette augmentation dans une année où aucun autre budget que celui des armées ne sera augmenté est inédite», précise le locataire de l'Élysée. Une petite phrase qui ne devrait pas passer inaperçue dans les autres ministères… En voulant rassurer la «grande muette», Emmanuel Macron prend le risque d'allumer d'autres foyers d'inquiétude…

Le discours se termine. Quelques applaudissements sans enthousiasme retentissent. La Marseillaise retentit. Emmanuel Macron salue quelques militaires, puis remonte en voiture. Pendant ce temps, le pupitre du président et les drapeaux officiels sont chargés sur un chariot de l'armée, qui file vers un hangar. Les soldats retournent à leur poste. En quelques instants, la piste s'est vidée. Un militaire glisse: «On ne siffle pas notre chef. C'est notre chef, on le respecte.»

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 21/07/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici

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