REPORTAGE - Évacuées dans la nuit de mardi, plus de 10.000 personnes vivent l'attente dans des hébergements de fortune.
À Bormes-les-Mimosas (VAR)
Appuyé contre la cage de son animal au beau milieu du terrain de handball du gymnase Pierre-Quinon, reconverti en campement de fortune, Léanick garde le sourire. Comme des milliers d'autres touristes et habitants de Bormes-les-Mimosas, cette petite commune du littoral varois qui passe de 8000 habitants l'hiver à 40.000 l'été, ce vacancier d'Amboise a été pris au piège dans la nuit de mardi à mercredi par le gigantesque incendie qui s'est déclenché dans la soirée à La Londe-les-Maures, la localité voisine. «Vers minuit et demi, les responsables de notre centre de vacances nous ont réveillés pour une réunion d'information, raconte-t-il. Et une demi-heure après, ils nous ont demandé d'évacuer. On a pris nos enfants, nos papiers et le lapin, et on a filé.»
Comme lui, plus de 10.000 personnes ont reçu l'ordre, dans la nuit, de quitter qui sa caravane, qui sa maison ou son bungalow. Aidée par ses voisines, La Londe et Le Lavandou, Bormes a ouvert trois centres d'hébergement, offrant matelas, nourriture et boissons aux «réfugiés». «Au total, nous avons pris en charge 2000 personnes cette nuit», calcule François Arizzi, le maire de Bormes, qui doit remonter au début des années 1990 pour retrouver un incendie de cette ampleur dans sa commune. Quatre sapeurs-pompiers avaient d'ailleurs péri à l'époque. «Sans appui aérien, on ne s'en sortira pas», redoute l'élu, inquiet sur l'évolution de la situation. De fait, sur les collines qui dominent le cap Bénat, une gigantesque colonne de fumée monte de la pinède, avec des flammes de plusieurs mètres de haut sur la crête. Petit à petit, le panache de fumée obscurcit l'horizon dans un paysage de fin du monde. L'incendie a ravagé 1300 hectares et mobilisé plus de 550 sapeurs-pompiers.
Un paysage de fin du monde
«L'ensemble des moyens dont nous disposons sont concentrés sur le flanc gauche pour éviter que le feu ne redescende sur le village de Bormes et le cap Bénat», explique le commandant des opérations de secours, Serge Lavialle. Mercredi soir, le premier ministre, Édouard Philippe, s'est rendu dans le Var en compagnie du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.
Pendant que la maire se charge d'aller faire évacuer le grand-duc du Luxembourg, qui n'avait pas voulu jusqu'ici quitter la propriété familiale proche du fort de Brégançon, le commandant des pompiers, lui, part survoler l'incendie en hélicoptère. Depuis La Londe-les-Maures, le feu a filé dans la nuit jusqu'à la mer, brûlant tout sur son passage et franchissant même la retenue d'eau du barrage du Trapan. Sur place, au départ du feu, des gendarmes ont déjà sécurisé le périmètre,«comme une scène de crime», explique Christophe, gendarme en identification criminelle venu faire ses premiers relevés. Ce spécialiste a appris à lire la trajectoire d'un feu et ne doute pas un instant de remonter jusqu'à son point de départ. Visiblement, le feu a pris sur un terrain vague situé le long de la voie rapide, la départementale 98, entre un hôtel Formule 1 et une entreprise de gardiennage de caravaning, entièrement détruite par les flammes. «Il était 23 heures et on était dans notre lit, raconte la gérante, Marion. C'est là qu'on a vu de la lumière à travers les volets, on s'est dit que c'était pas normal. Quand on a ouvert les fenêtres, on a vu des flammes de quinze mètres de haut qui avalaient la haie de cyprès devant nous. On a pris notre fille de 9 ans, nos deux chiens et on est partis en voiture, à moitié à poil.» Au Formule 1 voisin, de nouveaux clients, chassés des campings, arrivent à leur tour, comme Alexandre, un ambulancier de Manosque en vacances au camping Lou Cabasson. Chez les badauds attroupés non loin pour regarder le spectacle du feu, les rumeurs vont bon train sur l'origine de l'incendie, allant du simple mégot jeté depuis la route à l'acte délibéré. Parce que, en septembre prochain, le Formule 1 en question doit être reconverti en centre d'accueil pour migrants et qu'on aurait ainsi voulu faire échec à ce projet…
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 27/07/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici